lundi 29 octobre 2007

Des nouvelles de Jean-François Lapointe


Tout se confond.

Premiers flocons de neige sur le Fjord Saguenay .

Désertion des oiseaux. Vent froid.

Lettres sur la semaine de l’amitié.

Téléphone de Jean-François Lapointe.

Élika pas vue depuis deux jours afin de ne pas lui transmettre un virus grippal qui transforme la Maison heureuse en infirmerie.


Je retiens l’appel de notre célèbre baryton qui m’annonce la sortie, le 16 octobre dernier, de Chausson - Duparc: Poème de l'amour et de la mer, son second album sous étiquette Analekta. Que de discrétion dans nos journaux à ce sujet. Premier Québécois de l’histoire à avoir obtenu le rôle titre à la Scala de Milan, voix dont les médias européens ne cessent de vanter la richesse et dont je cherche en vain sur l’internet de quoi lire concernant d’abord son disque sur Verlaine en hiver dernier, incluant quatre œuvres du compositeur André Mathieu , et maintenant celui de Chausson-Duparc.

Jean-François Lapointe est célèbre. Talentueux. Encensé par la critique. Et il s’excuse de me «déranger» un dimanche, jour présumé de congé journalistique, car il doit quitter dès mardi pour Bruxelles où il va chanter l’opéra Werther de Massennet, version baryton. Il a hésité à me téléphoner...

Jean-François Lapointe est un de ces artistes que j’ai eu le privilège de découvrir à ses débuts. L’inoubliable et magnifique entrée en moto sur la scène de l’auditorium Dufour de Chicoutimi dans «Orphée aux enfers». L’impayable mousquetaire ivre de «mousquetaires au couvent» de l’opérette du même nom, et l’acharné directeur artistique de la Société d’art lyrique du royaume qui a réussi à lui obtenir ses titres de noblesses d'organisme culturel subventionné. Mais, c’est un bonheur que de lui parler... et un honneur aussi.

Jean-François Lapointe est un de ses artistes qui donne tout son sens à ma carrière de journaliste et critique d’art. J’aime les artistes. J’aime leur passion. Leur force créative et cet héritage qu’il nous lègue sans vraiment en mesurer toute la richesse. Les plus modestes sont souvent les plus grands.

Je vais aller quérir ses deux albums et préparer mes doigts à danser sur le clavier tout ce qu’il va m’inspirer et que je partagerai avec les lecteur de mon journal cette semaine où dimanche-repos s’est transformé, sous la voix d’un artiste, en dimanche vibrant d’enthousiasme.

Maintenant, le vent, la neige, la grippe... ne font qu’attiser la flamme. Tout est chaleur!

mercredi 17 octobre 2007

L’accordéon de Figaro

L'Ensemble Bouffon : Marie-Claude Simard et Clément Tremblay
© Photo Jeannot Lévesque




Clément a troqué son fusil de chasse contre un accordéon. Le cerf d’Amérique en brame de joie.

Chaque fois que je franchis la porte de la petite maison orange de la rue Saint-Pierre, maison centenaire qui ne mourra pas sous le pic des démolisseurs de Chicoutimi, j’éprouve l’intense curiosité d’un enfant devant le cadeau à ouvrir. Car, pas une fois, je n’ai quitté cette maison le cœur vide. Hier, le coffre au trésor contenait cette nouvelle tellement symbolique de l’âme de ce musicien : «Mon voisin voulait se défaire de son accordéon. Je l’ai échangé contre mon fusil de chasse», m’a-t-il annoncé tout content.

Que je vous dise. Clément est mon coiffeur. Rien à voir avec le Figaro de Mozart. Même si, avec sa complice Marie-Claude, il transforme parfois la scène en champ de bataille conjugal. Un numéro comique tiré du spectacle que présente L’Ensemble Bouffon.

J’ai connu Clément dans les coulisses des Grands Revenants. Il était le coiffeur-maquilleur attitré de la troupe amateure du Carnaval Souvenir de Chicoutimi. J’y tenais le rôle de Mademoiselle Léontine, institutrice collet monté, précuseur du mouvement féministe, fiancée à l’illustre Joseph-Dominique Guay, fondateur du journal Le Progrès du Saguenay. Déjà en ce temps-là, tandis que Clément jouait du peigne et du crayon, il parlait d’abondance de musique. Le bonheur!

Pas étonnant que la conversation se continue depuis bientôt 20 ans!

Clément est subtil. Je crois qu’il me coiffe... alors qu’il me pare. Au-delà de la mise-en-plis savante il sème des musiques. Celles qu’il me fait entendre et souvent découvrir. Celle qu’il joue à la guitare, accompagnant Marie-Claude, sa violoniste, dont il ne cesse de vanter, avec raison, le talent créateur.

Hier, Clément se disait millionnaire. Riche de toutes ces musiques que le duo traque depuis un an parmi les familles de la région, en quête de notre patrimoine de chansons traditionnelles. Riche des souvenirs anticipés des spectacles que l’Ensemble Bouffon va donner ici et ailleurs et riche de l'ivresse d’un prochain album.

Je l’écoutais, ravie de sa richesse, la tête pleine de sourires à la seule idée de ce fusil transformé en accordéon. Nul doute : le son sera plus beau.

lundi 15 octobre 2007

L'essentiel

Les Journées de la culture sont à l’automne ce que les volées d’outardes sont à nos printemps : un signe d’espoir. Chaque septembre québécois se termine par trois jours d’activités artistiques gratuites offertes à tout public. Quel est le sens d’un tel évènement ?
La question demeure très actuelle.


Arts Édito
La Culture, vitale pour tous


Plus de soixante organismes culturels, institutions et travailleurs en art du Saguenay-lac-Saint-Jean ont participé à ces journées de «démocratisation» de la culture offrant à tous la possibilité de découvrir les processus de la création, de la production et de la diffusion culturelle. La notion de gratuité est essentielle à la pertinence d’une telle activité qui vise à promouvoir l’accès pour tous à l’expression artistique de notre société.

L’accès. Voilà bien le mot à mettre en évidence parce qu’il est est porteur d’une vérité trop souvent occultée: l’accès aux activités culturelles est indispensable à une société comme l’eau peut l’être à la vie même de notre monde.

Les activités culturelles ont un impact économique réel qui ne devrait pas être remis en question. Pourtant, il est utopique de croire que les artistes et organismes culturels ne seront pas sans cesse contraints de justifier leur raison d’être et d’agir tant que nous ne cesseront pas de les percevoir comme produits et services. Nous avons érigé une société de consommation où le profit matériel cautionne la valeur bien plus que l’esprit. Le pouvoir appartient à ceux qui contrôlent tout ce qui régit notre société, incluant l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, la terre que nous cultivons, jusqu’aux idées nourrissant notre pensée collective via tous les moyens de communications existants.

Par action ou par inaction, par la parole ou le silence nous sommes ce que nous avons choisi. Les Journées de la culture nous incitent à mieux saisir la perspective de notre réalité spirituelle. Laquelle est aussi essentielle à notre développement que l’eau à la vie même.

L’histoire humaine s’inscrit dans nos gènes à travers tout ce qui a été vécu par nos ancêtres. Héritage dont la connaissance est transmise à travers l’expression des cultures successives. L’art des sons, l’art des formes et des couleurs, le langage magnifié par les poètes, le théâtre et la littérature, témoignent de tous nos âges. Passé, présent et futur se révèlent, s’affirment et se développent à travers la pensée exprimée. Imaginons l’effacement total de toutes les traces de notre culture. Le mot réduit à l’unique fonction pratique. Avance, marche, mange, dort, travaille. Pas de musique. Pas d’autres images que la limite de ce que nos yeux voient. Le désert où s’ébat un troupeau éphémère.

L’acculturation d’une société entraîne son isolement, la prive de ses racines et des liens nécessaires à toute évolution. L’enjeu est si grand que les organisateurs des Journées de la culture insistent sur son importance: «Plus que jamais, dans le contexte mondial où la protection de la diversité culturelle devient un enjeu majeur pour le développement des pays, la promotion du droit à la culture pour tous les citoyens apparaît comme une des mesures les plus pertinentes pour conserver, renforcer et stimuler la vie culturelle.»

Si nous ciblons plus spécifiquement le Saguenay-Lac-Saint-Jean dans le contexte culturel québécois nous comprenons encore mieux l’impact culturel sur le devenir social. L’isolement géographique qui aurait pu être réducteur a, au contraire, explosé en ramifications étonnamment riches sous la pression créatrice de nos auteurs, peintres, musiciens, comédiens, danseurs et interprètes. Le rayonnement et la vivacité culturel du Saguenay et du Lac Saint-Jean a franchi toutes les frontières par la qualité et le nombre, par l’originalité et la diversité de nos artistes. Une éclosion qui doit tout à l’appropriation et au développement de notre culture par les nombreuses personnes qui ont consacré leur vie à la formation artistique de nos enfants. Ce choix de société est le facteur déterminant de notre authenticité culturelle.

Cela est d’une évidence telle qu’il serait dangereux d’oublier qu’elle entraîne une responsabilité commune afin d’en assurer la continuité. Et cela signifie prendre conscience que l’on ne s’interroge pas plus sur l’accessibilité de l’eau pour tout citoyen, l’importance des routes pour chaque communautés que sur la pertinence de subvenir au développement culturel de la région. Il ne s’agit pas d’un investissement dont la pertinence se démontre par un profit matériel. Il s’agit d’une source vitale pour tous.


Ce texte a été publié dans le
Progrès-Dimanche le 3 octobre 2004

mardi 9 octobre 2007

Encore



J’ai cru pouvoir m’atteler à des tâches comptables. Je me suis laissée tenter par le soleil et suis partie voir danser ses reflets sur le fjord. Quand je suis revenue, la seule encre sur papier encore capable de me séduire était celle d'un poète, puisant dans ses mots l’écho puissant de ce qui m’anime. Je ne peux mieux dire :

Encore
Regarder le jour qui s’en vient
S’étonner d’un nouveau matin
Poser son pas au creux des bières
En se sentant plein de poussière
Croire qu’il n’est pas déjà trop tard
Pour oser un autre départ
Vouloir percer tous les mystères
Alors que l’on est éphémère

Encore
S’avouer que l’on est ignorant
S'émerveiller comme un enfant
Être capable de colère
Lorsque les autres s’indiffèrent
Et coupable de temps en temps
De se montrer trop indulgent
Vouloir connaître tant de choses
Sans que personne ne s’y oppose

Encore
Pouvoir apprivoiser les mots
En redessiner de nouveaux
Pour se refaire une mémoire
Quand tout n’est plus que provisoire
Et profiter de ces instants
Encore pendant qu’il en est temps

Encore
Se passionner bien plus souvent
pour ne plus perdre un seul instant
Ressentir à nouveau l’ivresse
Comme un aveu, une faiblesse
Ne plus voir les jours qui s’en vont
Aimer jusqu’à la déraison
Avant que tout ne s’évapore
Prendre le temps de vivre encore.


Paroles Jean-Marie Vivier
Extrait de l’album Blessure

samedi 6 octobre 2007

Le temps





Je suis sablier délinquant
Aux minutes innombrables
Qui transgresse le temps






Je suis en vacances.

Pour les deux prochaines semaines, à moi le vol des outardes dans le ciel saguenéen. À moi les feuilles d’or et de sang de nos forêts. À moi les odeurs des marées basses.


À moi le temps.