lundi 15 décembre 2014

LE FUTUR

Calielle Laforge et sa maman Andrée-Anne Lachaîne

Le 11 décembre 2014, à 13 h 29, mon fils écrivait cette phrase magistrale :
 
Aujourd'hui c'était l'examen final de mon cours d'histoire, mais au lieu d'y être, j'assistais à la naissance du Futur!

Ce Futur majuscule est une petite fille qui a pour prénom Calielle. Quatrième enfant de ce couple qui mise sur la vie humaine pour affirmer son espoir en l’avenir.

Hier, dimanche 14 décembre, ce Futur était dans mes bras tandis que son frère et ses sœurs virevoltaient autour de l’arbre de Noël pour y accrocher avec enthousiasme des boules rouges et or.

Je me suis endormie dans l’écho de leurs rires.

Et grâce à eux, je me suis éveillée ce matin le cœur heureux de croire, moi aussi, à la naissance du Futur.

Victor, Élika, Isyëv





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samedi 8 novembre 2014

Exposition rétrospective de Jean-Marie Laberge



« Il s’empare du geste musical d’un concertiste, occultant le corps du musicien pour n’en tailler que les membres essentiels, les mains ou une partie d’un visage, suggérant plutôt que de représenter afin de donner corps à la seule musique. » 



Combien de temps faut-il à l’artiste pour créer une œuvre? Une vie, pourrait répondre Jean-Marie Laberge. Un demi-siècle assurément confirme l’imposante rétrospective de ce peintre, portraitiste, graveur et sculpteur présentée à la salle d’exposition de La Maestria. Ce dont témoigne cette centaine d’artefacts rassemblés, c’est la démonstration d’un esprit libre qui refuse de s’installer dans sa propre maîtrise des formes et des couleurs. La formation classique acquise dans les écoles d’art de Londres, Washington et Québec n’aura été que le fer de lance d’une exploration sans fin, propice à des trouvailles surprenantes dont l’originalité explose au regard, dans plusieurs peintures certes, mais surtout dans ses sculptures remarquables par la beauté du mouvement, la pureté des formes.

La chronologie de ce parcours visuel auquel nous invite cette rétrospective évoque une démarche artistique dédiée plus à la quête en soi qu’à l’objet de la quête. Que cela aboutisse à un portrait, un nu, une nature morte, un paysage ou même à l’expression d’une vision onirique, voire ésotérique, ses compositions sont un moyen d’expérimenter un courant, un style, un médium, ne craignant ni la figuration ni l’abstraction, capable du plus pur traditionalisme comme d’un modernisme sans complexe. La technique est au service d’une vision faisant fi du conformisme voulant qu’un artiste ressemble à lui-même, préférant créer selon son plaisir du moment, puisant aux différents langages, classicisme, romantisme, fauvisme, pointillisme, réalisme, cubisme et plus.

Le choix - peinture de Jean-Marie Laberge

Derrière la main qui tient le crayon, la craie, le burin ou le pinceau, le sculpteur n’est jamais loin. L’effet 3D de ses dessins s’insère dans le mouvement et s’épanouit avec bonheur lorsqu’il s’abandonne à la troisième dimension. Murales ou objets utiles comme ses miroirs pour lesquels il privilégie l’aluminium, bas-relief à la géométrie symbolique ou reprenant les mains de la Création d’Adam de Michel-Ange, monuments ou multimédia aux alliances surprenantes, comme un poing brandit sortant d’une vitre cassée, Jean-Marie Laberge s’empare aussi facilement de l’intériorité d’un personnage qui habite ses bustes que du mouvement qu’il maîtrise incontestablement. Pour preuve, ses bronzes superbes aux courbes dansantes comme s’enroulant sur elles-mêmes en formes de corps minces à la Giacometti avec la sensualité d’un John Arp.

Toute la magie de son art réside dans cette habilité à modeler une vision, intense dans l’expression et pourtant si épurée qu’elle captive au premier regard. Il saisit toute la grâce d’une volée d’outardes (L’envol), la séduction émouvante de la démarche singulière des empereurs de l’Arctique (L’heure du bain) ou l’intensité du doigté musical (Le pianiste). Il s’empare du geste musical d’un concertiste, occultant le corps du musicien pour n’en tailler que les membres essentiels, les mains ou une partie d’un visage, suggérant plutôt que de représenter afin de donner corps à la seule musique.

« La création est un défi, il faut en dire le plus possible avec le moins de matière, comme un poème où l’on dit beaucoup avec peu de mots. Il faut saisir l’âme de la musique. »

Comment mieux dire que par ses propres mots? Mais surtout comment mieux voir? Sinon par ces pièces témoins de toute une vie de cet artiste. Une rétrospective qui en surprendra plus d’un.

Christiane Laforge
2 octobre 2014



Lespugue - 1981- Bronze


Des alliances surprenantes - Aluminium et vitre, œuvre de Jean-Marie Laberge

Près de 120 personnes ont assisté au vernissage de la rétrospective des œuvres de Jean-Marie Laberge, à la salle d'exposition de La Maestria de la rue Racine à Chicoutimi. L'ensemble des pièces, portraits, gravures, peintures, sculptures, soit une centaine d'artefacts témoignaient de 50 ans de carrière. L'exposition, d'une durée beaucoup trop courte a eu lieu du 24 octobre au 2 novembre 2014.

Voici ce qu'en a dit Jérémie Giles, peintre et sculpteur
AVEC LES MAINS DU COEUR
Avec les mains du coeur. Quel beau titre évocateur (d'exposition) pour décrire le parcours de cet artiste créateur qu'est Jean-Marie Laberge. Un artiste que l'on connaît assez bien pour les nombreuses œuvres sculpturales réalisées au cours des dernières décennies. Cependant, quelle ne fut pas la surprise, parmi la centaine d'invités à l'ouverture de la rétrospective de sa démarche, de constater l'incroyable diversité de ce créateur.

En effet, ses œuvres peintes et dessins révèlent à quel point il ne se sent pas obligé de toujours voir les choses du même angle. Il peut changer de style et en créer à sa guise tout en maintenant la signature Jean-Marie Laberge.
Cette très impressionnante exposition (s'est déroulée) à l'Espace La Maestria, de Chicoutimi jusqu'à dimanche dernier. Il est dit que: l'artiste qui peut donner de l'expression et de l'élégance aux mains est un artiste accompli. C'est le constat que vous ferez en voyant plusieurs de ces oœuvres sculptées. Je pense ici à Quatuor à corde et à Colonnes de sons
En tant qu'artiste qui en a vu bien d'autres, je tiens à féliciter très chaleureusement Jean-Marie Laberge pour l'ensemble de son œuvre.

Jérémie Giles
lundi 3 novembre

Jonquière

Jean-Marie Laberge
Dans l'édition du 26 octobre, le Progrès-Dimanche consacrait deux pages à Jean-Marie Laberge. Voici un extrait d'un des textes signés par Daniel Côté.

Les Arts, dimanche 26 octobre 2014, p. 28

Jean-Marie Laberge présente une exposition rétrospective
Autoportrait d'un artiste heureux

Daniel Côté

[...] Près de lui, le long du corridor qu'empruntent les visiteurs après avoir franchi la porte d'entrée, on remarque des sculptures faites de bois nu, ainsi que d'une matière résineuse dont la blancheur évoque le marbre. Ce sont les oeuvres les plus récentes du Chicoutimien dont la réserve d'audace n'est manifestement pas épuisée, comme en témoigne son ingénieux Quatuor à cordes (voir autre texte).
On le sent fier d'avoir préservé une certaine fraîcheur, lui qui fait carrière depuis un demi-siècle et qui affiche 80 ans au compteur. Les cheveux ont blanchi, mais son regard est demeuré vif, autant que ses gestes et ses paroles, qui suivent à peine le flot de sa pensée. À l'évidence, sa rétrospective, la première depuis 1976, ne marque qu'une étape dans son cheminement. On est encore loin du mot FIN.
"Je suis reconnaissant envers la nature qui m'a donné un don, en même temps que la santé. Comme je ne peux pas rester une semaine à ne rien faire, j'ai encore plein de projets", assure Jean-Marie Laberge qui, depuis quelques années, partage son temps entre la sculpture et la peinture à l'huile.
[...] Aux toiles de facture classique ont succédé des oeuvres abstraites, le temps que le peintre et sculpteur trouve sa manière à lui, servie par une technique irréprochable.
Vinrent ensuite l'âge du bronze, puis celui de l'aluminium, les années d'enseignement et celles de la retraite, avec pour dénominateurs communs la créativité artistique et le soutien indéfectible de son épouse Marguerite Lapointe. On ne voit sa signature nulle part, mais son esprit imprègne l'exposition, autant que la vie de son vieux complice. "Elle a été indispensable", confirme Jean-Marie Laberge.
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samedi 1 novembre 2014

Les filles Berg ne sont plus, Mady est morte


Mady, l'aînée des filles Berg.

Elle était la fée attendue avec impatience. Lorsque, petite fille de 3 ans, brutalement séparée de sa famille, je me suis retrouvée dans les bras de tante Hélène, la blonde et superbe Mady m’apparaissait comme une fée dont la présence enjolivait la vie.

De tous les enfants de passage dans la famille Berg, j'ai été la dernière et la seule avec qui la possessive Madeleine a accepté de partager sa mère. Pendant six ans, jusqu'à mon départ pour le Canada dans le but de réunir la famille Laforge, Mady a été la grande sœur protectrice. Il lui suffisait d'être là pour que tout devienne plus lumineux. Elle s'appropriait parfois mes maladresses pour m'éviter d'être punie, mais surtout, elle ouvrait toute grande la boîte aux permissions. Celles de rester plus longtemps sur le carrousel à la foire, de manger des frites à la baraque du télésiège de Dinant ou une crème glacée sur les bords de la Meuse.

Elle subtilisait les chicons amers de mon assiette sachant que je les détestais. Et elle ne me trahissait jamais quand, gourmande, je mettais plus de fraises dans ma bouche que dans mon panier. J'avais 7 ans quand elle m'a emmenée à la mer; une semaine sur la plage de Blankenberg dont le souvenir demeure vivace. J'avais vidé ma tirelire pour ce voyage et elle m'a laissé croire bien longtemps que j'avais payé moi-même mon billet de train, ma chambre d'hôtel et tous les repas. J'en étais si fière que devant cet orgueil naïf, ni oncle Émile ni tante Hélène n'ont démenti ce si joli mensonge de Mady. D'autant plus que je revenais du Plat pays le cœur amoureux, grâce à elle, après y avoir vu et entendu au cinéma Gilbert Bécaud, dont je devins à jamais une admiratrice inconditionnelle. 

Plus tard, après bien des années séparées par un océan, chacune de nos retrouvailles n'ont que resserré ce lien fraternelle.  Nos différences dégénéraient parfois en confrontations passionnées, mais bien plus souvent elle était la grande confidente, la conseillère éclairée et l'amie avisée guidant les premiers pas d'une jeune femme en devenir. Inévitablement, ma bonne fée ne pouvait que se pencher sur le berceau de mon fils et devenir sa marraine.

En 2001, lorsque je lui ai dit au revoir à l'aéroport de Zaventem, j'ignorais que je l'embrassais pour la dernière fois. Après... après, la vie a dévoré le temps et le rêve d'un aller-retour fut reportée année après année. Puis 2012 a sonné le glas d'une dernière promesse. Une lutte à finir contre le cancer me retenait loin d'elle.

- Tu vas te battre, répétait-elle au téléphone à chacun de ses appels. Tu ne dois pas te laisser faire.

Je l'imaginais, le doigt pointé sur moi, le regard fusillant le moindre signe de faiblesse.

Aujourd'hui, j'ai souvenir que ces mêmes mots, elle les dressait comme un rempart entre moi et les épreuves de la vie. 

- Tu ne dois pas te laisser faire. Elle me le dirait sûrement aujourd'hui, alors que je pleure cette femme magnifique, si farouchement désireuse de vivre libre, autonome, jamais résignée à vieillir, encore moins à mourir. Et pourtant...

Fin août, une chute dans un escalier. Une hospitalisation de trois semaines. Et finalement un placement définitif dans une maison d'hébergement, obligée de partager l'espace d'une chambre avec une inconnue. Et personne, personne ne m'a prévenue... sinon quand il fut trop tard.

Lundi, 27 octobre 2014, Mady est morte. Elle ne s'est pas laissée faire. Elle est partie.


 1980 : Je suis entourée de tante Hélène, 
qui a su protéger et rendre belle mon enfance, et de Mady.
L'ami taquin, Constant, décédé trot tôt, 
nous avait surnommées « Les filles berg ».


Madeleine Berg 1926-2014

Quand on apprend qu'un être, si cher à notre cœur meurt loin de nous, sans nous avoir donné le temps d'être là, comment on fait?





samedi 11 octobre 2014

Mots d'enfants qui font chavirer

Élika


Depuis sept ans, Élika ne cesse de harponner mon cœur avec sa manière bien à elle d'exprimer ses sentiments. Cette enfant me fait chavirer. Permettez-moi de partager deux anecdotes récentes.

La plus récente :

Cette semaine, terrible branle-bas de combat dans la Maison heureuse, alors que simultanément frappés par un même mal, la maman et le papa d'Élika, de Victor et d'Isyëv se retrouvent à l'hôpital. Les petits ont 7 ans, 5 ans et 2 ans. En grands-parents fous d'eux que nous sommes, nous prenons la relève... à la grande joie des enfants, malgré leur inquiétude bien légitime sur l'absence de leurs parents.

Élika qui, comme nous, se réjouit de savoir que papa et maman sont bien soignés nous regarde avec cette intensité qu'elle a souvent et dit :

- On a beaucoup de chance de vous avoir.

Un grand silence suit, puis elle continue.

- Mamieke, heureusement que toi et Papili vous n'êtes pas morts.


L'été dernier :

Élika est intriguée par une mappemonde que je fais tourner sur elle-même. Je lui explique les mers et les continents. Je lui montre l'Amérique du Nord, puis le Québec et le Saguenay où elle est née. Je la mène vers l'Europe, lui montre la Belgique où je suis née et l'océan Atlantique que j'ai traversé enfant pour venir vivre ici. Elle semble impressionnée.

Quelques instants plus tard, je l'entends expliquer à son frère que sa Mamieke vient de très loin.

- Hé Vic, c'est tellement loin la Belgique. Eille! on a été vraiment chanceux que Mamieke vienne jusqu'ici. Autrement, on ne l'aurait jamais rencontrée.








lundi 28 juillet 2014

Coupures à Radio-Canada : Requiem pour les régions



En parallèle avec ce blogue, je navigue sur le site Mauvaise herbe depuis septembre 2013. J'y accoste au moins une fois par mois. Lorsque je publie une nouvelle chronique sur MH, je redonne un second souffle à la chronique du mois précédent.

Mon texte, publié le 28 juin 2014 : Requiem pour les régions

La radio a une place importante dans mon univers audible. Elle m’accompagne en voiture ou lorsque je suis fourmi ménagère ou abeille cuisinière. La radio m’informe sur ce qui se passe dans le monde (du moins c’est ce que j’en attends), sur ce qui se passe dans mon pays et, le plus important, dans ma région. La radio m’offre souvent le plaisir de découvrir de nouvelles voix, une autre façon de dire, mais aussi la parole qui survit au-delà du temps, la musique de toutes les époques.

Hier, la voiture a été mon lieu de vie majeur. De multiples déplacements agrémentés par cette radio qui est la mienne depuis très longtemps, Radio-Canada. Ma préférée parce qu’il n’y a pas de publicité. Et je suis prête à payer de mes impôts pour avoir une radio sans publicité. Ce que je fais d’ailleurs.

Hier, j’écoutais Radio-Canada… de moins en moins d’ICI. Il y avait PM avec Philippe Masbourian, lequel a finalement réussi à m’apprivoiser. Jusqu’à ce que des nouvelles en continu occupent toute la place pour parler des embouteillages sur les routes métropolitaines. Je me suis dit, c’est vraiment pour cela que j’ai renoncé à syntoniser les nouvelles télévisées, tout poste confondu qui semble ignorer qu’il y a de la vie aussi en dehors de Montréal. Ras-le-bol de tout ce temps consacré à parler de la circulation sur les routes. Je compatis et comprends que cela intéresse les usagers de cette partie du Québec, mais pour plus de 3 millions de Québécois, il y a bien d’autres sujets de préoccupations. Je préfère, et de beaucoup, le 18 h au Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est, à mon oreille, une des meilleures émissions télévisées d’information avec un contenu varié, international, national et surtout régional incluant une chronique culturelle et sportive équilibrée.

Bref, j’étais à l’écoute de mon poste favori, patiente malgré tout, sachant qu’à 16 h, j’allais avoir enfin des nouvelles de ma région. L’Heure de pointe est toujours au programme. Encore heureux! Je tremble à l’idée que la gangrène lacroisienne, après ses ravages à Espace Musique, atteigne cette émission et aille ensuite s’attaquer à Café, boulot, dodo.

Hélas! Je n’avais pas anticipé combien ce samedi matin me laisserait un goût amer. Un sentiment de deuil. Une colère aussi. Ici Radio-Montréal qui ignore tout de vous. La voix, cette voix magnifique de Paule Therrien, s’est tue. Plus personne pour nous rappeler les activités en cours au Saguenay–Lac-Saint-Jean, par exemple, le 175e de Saint-Fulgence où on a le sens de l’Histoire, du Camp musical du Lac-Saint-Jean, de cette surprenante Folk Sale de Sainte-Rose-du-Nord, de nos théâtres d’été. En dépouillant les régions du temps d’antenne, déjà très réduit, qui leur était alloué, c’est notre existence qui est ainsi niée. Si personne ne parle de vous, de ce que vous faites, de ce que vous dites, vous n’exister pas dans la pensée des autres. Votre parole, votre opinion, votre créativité, tout cela est occulté. Le paysage médiatique devient monochrome.

Les hommes de main des fossoyeurs de la radio d’État peuvent aller de l’arrière allègrement. Ils ont choisi la bonne saison pour leur travail de sape. Avec l’appui - totalement désintéressé??? – des postes privés qui ne se vantent pas, on le comprend, d’être eux-mêmes généreusement subventionnés par nos impôts. Des subventions de 900 millions aux privés contre un milliard à SRC/CBC.

Le plus odieux dans ces coupes, est la destruction des emplois. D’ici 2 ans à Radio-Canada, 657 postes suprimés dont 312 au service français. On prévoit 1500 postes perdus en 2020. Cela s’ajoute au rapport fédéral du printemps 2014 qui dénombre l’abolition de 20 000 emplois dans la fonction publique et en annonce 10 000 autres avant 2017.  L’économie que l’on croit ainsi réaliser ne tient pas compte que ces travailleurs retournent une partie substantielle de cette « dépense » en impôts et taxes. Radio-Canada (et donc le gouvernement) ne semble pas comprendre que des Canadiens au travail sont une richesse. Sinon pourquoi subventionner les entreprises privées sous le prétexte qu’elles créent, ou du moins, maintiennent les emplois? 

Selon une étude publiée le 13 mai 2014 par l’Institut Fraser : les subventions au privé ont été de 24,4 milliards de dollars en 2009 seulement. 

On y apprend que, de 1980 à 2009, « Le total des subventions, soit 684 milliards de dollars, est constitué de subventions fédérales (342,6 milliards de dollars), provinciales (287 milliards de dollars) et locales (54,2 milliards). L’examen de leur évolution au fil du temps révèle qu’elles ont atteint un pic de 34,8 milliards de dollars en 1984 et un point bas de 11,6 milliards de dollars en 1998, pour remonter à 24,4 milliards de dollars en 2009. Cette année-là, les subventions représentaient 1 507 $ par contribuable.

Pour les seules pétrolières, selon une étude de l'Institut international du développement durable (Le Devoir 9 novembre 2013), les gouvernements fédéral et provinciaux subventionnent ces compagnies à raison de 2,8 milliards de dollars par année.

Tout cela pour créer des emplois? Allez comprendre…

Évoluer, progresser, s’adapter, s’ouvrir aux nouvelles technologies, on y croirait, avec un peu de naïveté, s’il n’était pas si évident que l’objectif ultime est d’abord de favoriser une idéologie politique, en l’occurrence celle des conservateurs, qui ne peut s’instaurer sans heurt si le peuple, trop bien informé, revendique son droit de parole, voire son droit de contester.



samedi 28 juin 2014

Nous sommes responsables de la survie de nos institutions culturelles



En parallèle avec ce blogue, je navigue sur le site Mauvaise herbe depuis septembre 2013. J'y accoste au moins une fois par mois. Lorsque je publie une nouvelle chronique sur MH, je redonne un second souffle à la chronique du mois précédent.

Mon texte, publié le 28 avril 2014 : Nos choix déterminent notre avenir


Samedi dernier, 25 avril, l’Orchestre symphonique du Saguenay–Lac-Saint-Jean présentait La Traviata devant une salle comble. Pendant que tout en moi exultait de plaisir à entendre le magnifique mariage des voix de la soprano Aline Kutan et du baryton Jean-François Lapointe, j’ai anticipé le fracas d’une fissure menaçant l’avenir de notre conservatoire.  Victime d’une décroissance, où le nombre de 125 élèves en 1980 est de 45 en 2014, l’institution est-elle appelée à disparaître? Une des options envisagées par le ministère de la Culture, dont les médias ont fait état au début d’avril, consisterait à exiler les élèves du collégial et de l’université à Montréal et à Québec, tandis que ceux du cours préparatoire devraient s’inscrire au privé. 

Jacques Clément, directeur artistique
Chef de l'Orchestre symphonique du Saguenay–Lac-Saint-Jean

Les conséquences seraient désastreuses, confirment en chœur Claude Tanguay, président du syndicat des professeurs de l’État du Québec et Jacques Clément, chef de l’Orchestre symphonique SLSJ.  « On pourrait mettre aussi en péril l'avenir des orchestres en région, parce que dans toutes les régions, les professeurs et les étudiants participent à la vie de l'orchestre symphonique. »

Opter pour une amputation « curative » provoquera certes des pertes d’emplois – encore! – mais pire, dépouillera la région de cet ancrage nécessaire au maintien d’une vitalité musicale que tant de parents ont contribué à construire pour nos enfants. Que deviendraient notre orchestre symphonique, notre chœur symphonique et notre Quatuor Alcan? Peut-on poser la question?

Avant de tuer le corps, sous prétexte d’une décroissance, ne devrait-on pas d’abord s’interroger sur la cause de cette décroissance? Qu’avons-nous fait de nos cours de musique dans nos écoles? Quelle culture musicale proposons-nous dans nos radios?

Hier se continue

Ce matin, furetant dans les archives de 38 ans de carrière journalistique dans le domaine des arts, un texte, publié dans le Progrès-Dimanche du 1er mai 2005, a surgi sur mon écran.  Hier se continue. Le propos de 2005 n’a rien perdu de son sens. J’en reprends les grandes lignes (en italique), adaptant certains énoncés aux faits présents.
 
Devant le déferlement des fermetures et pertes d’emplois au Saguenay–Lac-Saint-Jean serons-nous assez lucides pour, plutôt que de gémir, se demander si nous n’avons pas chacun notre part de responsabilité. Quand les présidents des grandes entreprises, banques et sociétés d’état, du haut de leur salaire de plusieurs millions consentis par des administrateurs complaisants (et actionnaires reconnaissants), ferment les yeux sur les conséquences des emplois sacrifiés sur l’autel de la croissance du profit, ne fait-on pas la même chose en demeurant sourds aux appels répétés de ces toutes petites entreprises qui demandent si peu pour donner beaucoup à notre région. Des exemples?  Les entreprises culturelles.

Certaines sont des PME (petites et moyennes entreprises), la majorité sont des PTPE (petites et très petites entreprises).


Samedi soir, 25 avril 2014, au dernier concert de l’Orchestre symphonique, j’ai vu quelques 800 personnes applaudir à tout rompre devant la prestation remarquable d’artistes de la région, musiciens et choristes accompagnant des solistes réputés sur la scène internationale. En achetant leurs billets, ces personnes auront contribué individuellement à donner leur soutien à ces artistes. Une contribution tangible qui s’ajoute à celle, oh! combien indispensable!, des commanditaires. Par sa présence, lors d’une production régionale, le public contribue au maintien de nos sociétés artistiques, que ce soit en musique, en théâtre, en danse ou, lors d’événement honorifiques dédiés aux artistes de la région comme le Gala de l’Ordre du Bleuet. Imaginons une présence accrue à chaque production locale. Combien d’emplois assurés?

Pour chaque production, pensons au nombre de personnes qui ainsi travaillent. Aux artistes engagés pour pratiquer leur métier, là où ils veulent vivre et élever leurs enfants. Aux enseignants des écoles privées et publiques dévoués à la formation de la relève. Somme toute, ce sont des millions de dollars qui circulent ici, en région. Vous voulez parlez d’économie? Les productions artistiques ont une réelle importance dans notre économie régionale.

Nous sous-utilisons nos forces et nos talents. Même dans nos célébrations historiques nous réservons les cachets les plus généreux à des artistes de l’extérieur. Nous surexploitons nos artistes résidents. Et, à si mal les rétribuer, ils doivent trop souvent s’exiler pour survivre. Nous avons des comédiens, des auteurs, des musiciens, des scénographes, des danseurs, des metteurs en scène (oh! combien talentueux!). Ils sont jeunes, créatifs, doués. Qui plus est, ils veulent rester dans leur région. Ils ne demandent rien. Ils nous offrent ce qu’ils sont, ce qu’ils font, provoquant par leur présence des retombées économiques et culturelles. Sur la glace d’une patinoire ou sur les planches d’une scène le spectacle prend son sens dans le regard du spectateur qui, pour le prix d’un billet, permet à l’artiste comme à l’athlète de continuer sa quête.

Bien sûr, la richesse collective croît parce que nos artistes créent. Est-il encore besoin de dire que les œuvres d’art, les créations littéraires et musicales, les arts de la scène, sont l’héritage de nos sociétés depuis des millénaires. Nos grands pontifes de la finance devraient, les premiers, favoriser le soutien aux arts, corporatif ou individuel, permettant de déduire, au même titre que les dons, les sommes déboursées pour les billets de spectacle (productions surtout régionales). Le but ultime étant l’émergence et le développement d’une société où les entreprises culturelles seront reconnues pour leur force économique au service de l’enrichissement du patrimoine collectif. L’objectif immédiat et non le moindre sera de maintenir et de multiplier des emplois pour nos jeunes artistes.
 
Finalement, l’avenir du Saguenay-Lac-Saint-Jean, c’est nous. Ce serait bien d’en être conscients!


mardi 10 juin 2014

Nous avons tous un Jonathan à pleurer


Dans les journaux on appelle cela un fait divers. Un accident de la route. Un mort. Quelques secondes de lecture. Un temps bref d'empathie. Parfois un commentaire. Et on passe à autre chose.

Dans les journaux, cela semblait un fait divers. Mais dans nos cœurs on a ressenti comme un grand froid d'hiver. Parce la personne morte dans un accident de la route n'était plus un quidam. Il a pour nom Jonathan. Il est aimé par des gens que j'aime, ces gens de la famille du cœur que sont, à mes yeux, les familles reconstituées. Et leurs larmes deviennent les miennes.

Hier, au salon funéraire, parmi sa famille et ses amis, et, donc ma famille et mes amis, je regardais la dépouille de Jonathan. Ce quidam de la route pour les lecteurs des journaux est le fils, le frère, l'ami et le jeune amoureux plein de projets. 

Dans chaque fait divers, je prends conscience que tous, nous aurons un Jonathan à pleurer.


mardi 3 juin 2014

Jean Laforge, tes enfants ont planté un chêne il y a 8 ans


Mains de Jean Laforge
© Photos Édith Ringuette


Un petit moment. Un temps bien court. Juste pour me souvenir que le 3 juin 2006 nous étions réunis ici, tes enfants, tes petits-enfants et nos amis pour te souhaiter longue vie sous la forme d’un chêne planté sur tes cendres. Toi qui ne voulais pas vieillir, encore moins mourir, tu te continues dans cet arbre emblématique.

 Le chêne Jean Laforge
3 juin 2014

Mais, cher papa, cher Jean Laforge, pourrais-tu dire à tes bourgeons de fleurir enfin dans ce printemps 2014, si froid parce que la planète surchauffe.

Sur une de tes branches, j’accrocherai le nom d’Édith – mon amie à qui je dois de très belles photos de tes mains d’artiste – parce que je pleure son départ récent.

Un petit moment. Un temps bien court. Pour dire que rien ne meurt si le souvenir est vivant.

***

dimanche 11 mai 2014

La mort d'une amie

Édith Ringuette - Nos retrouvailles en 2005, après 32 ans de séparation.



On croit avoir le temps. On reporte à plus tard le temps partagé. Et soudain... il n'y a plus de temps.

Jeudi 8 mai 2014, à 23 h 15, un message surgit sur le réseau Facebook : 

Bonjour Christiane. J'espère que tu vas bien. Je tenais à prendre de tes nouvelles mais aussi à te donner des nouvelles de notre tendre amie. Je reviens tout juste de l'hôpital visiter Édith qui malheureusement à une santé défaillante. Elle a demandé que je t'avise de la situation mais a aussi émis le souhait que tu ailles la visiter.

Il y a urgence. Je n'hésite pas à téléphoner malgré l'heure tardive. Il est 23 h 16. Ma décision est déjà prise. J'annonce mon arrivée pour demain après-midi.

Le temps est suspendu. N'existe plus que le désir d'être auprès de mon amie qui a su trop bien se taire sur le mal qui la rongeait. Un tourbillon de pensées m'assaille. Mille questions. Comment n'ai-je pas deviné? La fatigue exprimée. L'abandon des cours qui la passionnaient. Le sentiment de sa solitude. J'anticipe déjà mon impatience devant la longueur du trajet pour arriver jusqu'à elle. 

Nuit agitée. Édith prend toute la place. Tout ce qui n'est pas elle devient secondaire. J'opte pour le départ de 9 h 30 avec l'intention de me rendre directement à l'Hôpital, bien décidée à ne plus la quitter. Un vent froid bouscule mes idées. Une main invisible me serre le cœur. C'est douloureux... comme une fêlure. 

Il est 8 h. Je veux téléphoner à Marie qui m'a prévenue hier nuit. C'est le numéro de l'hôpital qui surgit sous mes doigts. Non, je ne suis pas de la famille. Je suis l'amie et avant de quitter Chicoutimi je voudrais savoir si c'est possible de lui dire que je serai près d'elle dans quelques heures. 

– Avant de quitter le Saguenay, vous devriez parler à un membre de sa famille me dit poliment la voix. 

J'attends. Le temps de  un instant SVP. J'entends mon nom. J'entends le ton de mon nom. Le ciel est noir. Édith a cessé de m'attendre à 7 h, ce vendredi matin du 9 mai 2014.

Le pensionnat

Édith, nouvelle venue au pensionnat St-Dominique de Jonquière que j'accueille, moi la résidente d'expérience après un an de séjour dans cet univers clos. Édith que je guide jusqu'au dortoir avec son trousseau de pensionnaire à ranger. Édith qui me confiera plus tard que j'ai su plaire à ses parents au point de lui recommander de devenir amie avec moi.

Elle est la seule qui a droit de lire mon journal intime. La confidente. Parfois la rivale à la conquête des meilleures notes. Notre amitié n'est pas fusionnelle. Je suis sportive et passionnée de lecture. Elle est pragmatique, studieuse et sélective. Nous partageons un même espace dans une sorte de confiance fraternelle, l'une sachant compter sur l'autre quand cela importe, sans pour autant avoir besoin l'une de l'autre. 

Nous avons 12 ans. Je dit que je serai écrivain. Elle promet d'acheter mon premier livre. Je rétorque : toi, je te le donnerai. 

Février 1968. Lancement de mon recueil de poème Écoute. Édith me tend un billet de $2, prix du livre. Je lui dédicace et dis, telle la promesse faite six ans plus tôt :

–  Toi, je te le donne. 
–  Tu t'en souviens? fait-elle, émue.

Je comprends qu'elle n'avait jamais oublié. Et cela dit tout d'elle.
Au dos de la préface, il y avait ce texte dédié à Édith. Chaque lettre de son prénom initiant un vers :

Écoute

Écoute en toi-même l'appel de la vie
Détruits ta jeunesse à aimer cette vie
Inscris en ton âme un sourire inné
Tue en ta mémoire les larmes versées.
Hélas! Tu seras comme tous vaincue par toi-même.

Je crois que cette promesse tenue a scellé à jamais une amitié contre laquelle ni le temps ni le silence n'ont rien pu.

Années 1970-1972. Nos chemins se sont écartés. Nos lettres s'entrecroisaient au-dessus de l'Atlantique et s'y sont noyées... peut-être. Les amours, le travail, la distance. Il n'y a plus d'abonné au numéro composé. 

Des numéros, j'en ai composés beaucoup. Tous les Ringuette du Québec ont été dérangés. Toutes les pistes aboutissaient à un cul de sac. Sporadiquement, je reprenais mes recherches. Puis les délaissais. Jusqu'à qu'en 2004. D'avoir été effleurée par la grande faucheuse m'a convaincue de ne plus remettre à demain ce qui me tenait tant à cœur. Ville par ville, partant du Lac-Saint-Jean, j'ai pisté toutes les adresses, confiant à de nombreuses boîtes vocales ma ferme volonté de retrouver Édith. Avec succès. Lorsqu'elle a téléphoné tout est devenu lumineux. Jamais je n'ai ressenti le creux des 32 ans passés.

Depuis, nous avons accumulés des souvenirs. Elle adorait les bleuets chocolatés des Pères Trappistes. Jadis, sa friandise favorite était la kit-kat; j'en ai toujours conservé dans mon congélateur... pour quand elle viendra. 

Si patiente quand il s'agissait de coudre et même de faire de la dentelle, elle n'aimait pas tellement écrire.

– Écris-moi au moins un mot. Juste un mot, disais-je.

Peu après, mon facteur me livrait une lettre. Page unique sur laquelle il n'y avait qu'un seul mot : Édith.

Nous avons passé de longues et belles heures à marcher au Jardin botanique de Montréal. J'ignorais que le prochain rendez-vous serait contrarié par mon cancer. Nous avons partagé du chocolat aux noisettes à chaque halte sur un des bancs publics sans savoir que nous ne nous reverrions plus jamais. Le cancer venait de trouver une autre proie.

La veille de sa mort, elle a fait promettre à Marie de me prévenir et de me dire qu'elle m'attendait. Trop tard déjà. Et je pense à tout ce que je n'ai pas eu le temps de lui dire. Ces souvenirs que j'évoque ici, mais surtout la place immense qu'elle avait dans mon cœur. L'importance qu'elle a eu dans ma vie. 

L'amitié est une relation d'amour. C'est une magie où deux êtres s'acceptent sans rien attendre. Une âme sœur. Un cadeau magnifique de la vie. Un privilège. Et cela n'a pas de fin. Même la mort ne peut tuer ce lien. 

***

Édith à gauche derrière moi. Nous avions 18 ans et notre classe célébrait la fin de l'année scolaire par une croisière à Tadoussac, payée à même les profits d'un spectacle que nous avions donné à l'école Lafontaine.









 



lundi 28 avril 2014

LE BONHEUR PLEURE



En parallèle avec ce blogue, je navigue désormais sur le site Mauvaise herbe. J'y accoste au moins une fois par mois.

Mon septième texte, publié le 28 mars 2014 :

Le bonheur est un oiseau en liberté. Surtout ne pas le retenir. Il faut savoir le laisser partir. Il reviendra. Peut-être. Sinon ce sera un autre.

Quand le bonheur est un oiseau apprivoisé, il picore sa nourriture au creux de notre main. Son chant nous ravit bien souvent, voyant là notre plaisir alors qu’il est le cri du ralliement, le son de l’appropriation d’un territoire, l’appel à sa semblable pour donner vie. Son vol nous séduit, voyant dans chaque battement d’ailes un peu comme une caresse au fond des yeux.

Le bonheur est un oiseau libre qui se pose au cœur de nous. Comme sur la branche d’un arbre. Et sur l’arbre aux multiples branches peuvent se poser de multiples oiseaux.

Mais voilà… Le bonheur est un oiseau en liberté. Quand il s’envole pour ne plus revenir, la branche est dénudée, le cœur est déserté. Et ce poids qui nous semblait si léger crée un vide bien lourd.

J’avais trois ans. L’univers était une maison de briques rouges embellie d’un jardin où vivait un géant dont les bras protecteurs ne m’avaient jamais fait défaut. Jusqu’au jour fatidique où il a dénoué mes doigts serrés derrière son cou, cherchant à le retenir. Ce jour-là, le bonheur s’est envolé.

J’avais trois ans. Un trou au cœur. Un arbre que le vent fouette pour arracher ses dernières feuilles. Feuille-maman, feuilles-frères envolées, emportées dans un ailleurs temporaire qui a duré des années. J’étais arbre en hiver dans un grand champ désert.

J’avais quatre ans. Il a suffi de quelques mots, une réponse. Pourquoi je suis ici? « Parce que je t’aime ». Le bonheur m’a enlacée pendant six ans.

J’avais neuf ans. L’univers était un territoire où cohabitaient mes certitudes. Là-bas, très loin, le géant sans retour. Plus près, à quelques kilomètres, la porte ouverte sur ma famille. Ici, le lieu des rires et des chants d’un présent frémissant au bruissement des feuilles sous le vent doux de la tendresse d’une mère d’accueil. Et puis soudain, tout est saccagé. Arbre déraciné, frappé par la foudre d’un départ imposé. Les romanciers en feraient sans doute une magnifique histoire d’amour où une femme traverse l’océan pour retrouver l’homme aimé et père de ses enfants. Une petite fille de neuf ans n’y a vu que la brutalité d’une amputation sans anesthésie de cette vie reconstruite.

J’avais 11 ans. Arbre sans racines qui s’ébroue comme cheval sauvage refusant que s’y pose tout oiseau de passage. Sur une route pavée de bonnes intentions, je me retrouve enfermée dans un pensionnat. Pendant cinq ans. J’aurais pu me noyer dans toutes mes larmes versées. Sur une feuille d’azur des mots ont franchi l’Atlantique, faisant le pont entre deux cœurs : « Si l’océan qui nous sépare nous fait tant de peine, faisons-en, entre nous deux, un océan de tendresse. » Mon talisman.

Sur l’océan de la vie, bien des oiseaux se sont posés sur le bastingage de mon vaisseau de bois. J’ai appris à écouter leur chant sans chercher à les retenir. Non, cela ne fait pas moins mal quand ils s’envolent. Cela rend juste plus intense le moment, le temps de leur présence.

Et pourtant… pourtant, malgré toute la science acquise de la résilience, l’inattendu nous confronte à nos limites. Depuis des mois, il y avait une joie très grande qui fleurissait, promesse de vie. Comment dire autrement tout ce que représente la seule idée d’ouvrir nos bras à l’enfant attendu? Avant que d’être né, il est déjà là. On sécurise la maison, on orchestre le temps, on anticipe les sourires, on cherche ses traits sur les visages des parents, on fantasme sur son caractère, on rivalise de projets pour ses futures expériences. Le cœur s’agrandit. On pourrait même croire que les bras sont plus grands, le geste plus large. Les mains s’impatientent des caresses à donner. Pur bonheur!

Et puis…

Ce poids qui nous semblait si léger crée un vide bien lourd.

Le bonheur est un oiseau en liberté. Surtout ne pas le retenir. Il faut savoir le laisser partir.


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vendredi 28 mars 2014

Démocratie dites-vous?



En parallèle avec ce blogue, je navigue désormais sur le site Mauvaise herbe. J'y accoste au moins une fois par mois.

Mon sixième texte, publié le 28 février 2014 : Démocratie dites-vous?

Nos aspirations à une démocratie qui soit réellement démocratique ne demeurent-elles pas utopiques? À partir du moment où les prétendants à la députation adhèrent à un parti, ils ne sont plus la voix du peuple, mais bien les défenseurs des idées partisanes. Une fois élu, un député n’est plus le représentant des gens de son comté, mais le porte-voix d’une ligne de pensée unique. La dissidence sans permission préalable entraîne l’exclusion.

Fatima Houda-Pépin en est un exemple marquant. Dans ce propos, peu importe le sujet de la divergence de la députée de La Pinière, le fait est qu’elle a refusé de se taire, qu’elle a revendiqué le droit de défendre son point de vue et, par là, celui des gens qui l’ont élue. Inadmissible selon le chef du parti libéral qui précise : « Il s'agit d'un geste sérieux dont les conséquences pourraient être sérieuses s'il n'est pas corrigé rapidement. Un geste de “rupture” envers les “lignes d'autorité” du parti […] ». Le choix de cet exemple n’est pas partisan. Chaque parti peut coiffer ce chapeau.

Le plus odieux dans la partisanerie, c’est le détournement du pouvoir donné. Une fois les bulletins de vote dépouillés, après une campagne électorale qui occulte trop souvent la vérité au profit de la médisance, voire la calomnie, chaque citoyen doit se résigner à être représenté par le « gagnant » qu’il soit dans le parti au pouvoir, dans l’opposition officielle ou l’opposition silencieuse. Une loterie où, malgré tout, je continue de croire en une majorité bien intentionnée, dévouée et déterminée à bien représenter… le parti? … le citoyen?

Les bonnes intentions se heurtent, hélas!, au souci obsédant de « garder » ou de « reprendre » le pouvoir. C’est là que le citoyen risque d’être totalement écarté des enjeux. Quand les décisions sont bradées contre l’étalon-or politique : le vote du clan le plus nombreux.

Des élections — encore! — se préparent au Québec. Combien je me désole devant la trop courte survie d’un gouvernement minoritaire, alors qu’évitant la dictature d’une majorité partisane, l’opposition aurait pu assurer un débat et, dans le meilleur des cas, une action concertée basée sur le meilleur intérêt de la nation.

Malheureusement, à quoi assiste-t-on? Dès le lendemain des élections, la machine des spéculations se met en branle pour développer la stratégie d’une mise à mort, sans égard à son bien fondé. Le but : prendre le pouvoir. Rien à voir avec la bonne gouvernance encore moins d’être au service du peuple. Sur la scène parlementaire, les « comédiens » se campent dans leur rôle. D’un côté, on tente de garder l’équilibre sachant que quoique l’on fasse, les autres multiplieront les crocs-en-jambe. Dans les coulisses, c’est pire. Il s’agit de saisir le meilleur moment pour donner le coup fatal, provoquer la chute dans l’espoir de s’emparer du trône. Ne soyons pas naïfs. Ils s’accuseront les uns les autres d’avoir précipité les élections. Si le parti au pouvoir prend l’initiative, il sera accusé d’opportunisme. S’il ne le fait pas, l’opposition provoquera la chute selon que le moment lui soit propice. Et le grand perdant demeure le peuple. Pendant tout ce temps gaspillé, le fort délaissé par ses gardiens, un pouvoir occulte et souterrain étend toujours plus loin ses tentacules.

Faut-il s’étonner de la désaffection de plus en plus grande des personnes qui choisissent de ne pas user de leur droit de vote? Nous sommes nombreux à subir ce tragique dilemme de ne pouvoir voter pour quelqu’un, trop occupés à voter contre quelqu’un.

À quoi me sert d’élire la meilleure personne, la plus compétente, la plus dévouée, si elle se retrouve condamnée à l’obéissance aveugle, privée de la liberté d’exprimer ses doutes, dépouillée de son sens critique? Quelle est la valeur de mon choix s’il me met à la merci d’une autorité absolue, puisque mon représentant sera contraint de se soumettre?

Dans mes délires nocturnes, il m’arrive de penser que ce serait bien de n’avoir à choisir que des candidats indépendants. À chacun de me convaincre qu’il saura défendre les intérêts de ma région mieux que quiconque auprès d’un chef d’État élu préalablement par tous les citoyens. J’ai bien écrit délires nocturnes.

Il est plus que temps d’une réforme. Et pour la réussir, il faudra que tous partis confondus franchissent le pas qui permettra cette réforme. Y songer suppose une indépendance d’esprit au-delà de toute partisanerie. Hélas! Hélas!

Pour qui sonne le glas?


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samedi 1 mars 2014

Ma vie en théâtrascope de Patrice Leblanc : un spectacle coup de poing

Trac - Clown Noir
Patrice Leblanc

Je pourrais reprendre mot pour mot le commentaire écrit en 2010 sur Ma vie en théâtrascope, version I du spectacle de Patrice Leblanc, le Clown Noir qui monte sur scène comme un gladiateur prêt à se battre à la vie à la mort.

J'écrivais en 2010 :
Ma vie en théâtrascope, spectacle en solo du Clown Noir Trac est une performance pamphlétaire où le rire permet de ne pas exploser. Un rire noir plus que jaune, mais rire tout de même pour ne pas pleurer. On quitte la salle, perturbé certes, mais très content de n’avoir pas raté ce rendez-vous avec une voix qui ose dire.

Hier soir, 28 février 2014, à la salle Murdock du Centre des arts et de la culture de Chicoutimi, face à une salle presque comble, Trac est revenu plus percutant que jamais. Pas besoin d'avoir vu la première version. La seconde relate également toute la vie imaginaire du personnage. Imaginaire??? Il nous entraîne quelque part au siècle dernier, dans un univers intemporel dont les évènements ressemblent à nos souvenirs tout en s'intégrant tragiquement dans la réalité présente.

 J'écrivais en 2010 :
Rebelle assumé, Patrice Leblanc prend le risque de l’indignation. Ne faut-il pas de l’audace en ces temps du langage épuré de toute provocation, ère aseptisée du «politiquement correct», pour saisir à bras le corps toutes les vicissitudes.

« Le jour de ma première opposition fut ma naissance » relate Trac. En vain, le bébé refuse de quitter la chaleur du ventre maternel. Il n'est pas dupe. On peut bien chanter : 
« C'était au temps ou le Saguenay t'aimait », il pressent que la vie ne sera pas une partie de plaisir à cette époque où la définition du bon citoyen se résume à « quelqu'un qui ne fait rien pour que ça change. »

 J'écrivais en 2010:
Qui connaît les Clowns noirs ne sera pas surpris de la scénographie où un homme seul sur scène se multiplie en personnages de tous âges, masculins ou féminins. Quelques planches coiffées prennent figure humaine, une planche à repasser devient civière et lit, une simple corde à linge assure l’évocation des lieux (cuisine, institution, prison). La scène de Trac ne renie rien du théâtre de l’enfance où l’imagination prête forme et caractère à l’objet selon les besoins de l’histoire à vivre.

Et quelle histoire! Celle de Trac dont la naissance annonce le destin d’un insoumis. Et tout y passe : la tendresse et la violence, l’amitié et l’abus, la rébellion et la répression, la volonté farouche de vivre libre et la chute de l’ange, l’espoir et la guerre, la vie et la mort. Patrice Leblanc a puisé à pleines mains dans l’actualité pour raconter la vie de Trac en théâtrascope. Pas besoin d’inventer. Il suffit de s’emparer des faits évoqués chaque jour par nos médias. Trac, le bien nommé Clown noir, nous montre que ce ne sont pas les clowns qui font des pitreries.  

 « Je vais faire de chaque temps présent un évènement » défie Trac en réponse à la résignation à la souffrance, invoquée par le prêtre aux funérailles de son premier amour. On croirait entendre Patrice Leblanc. 

Il faut voir, entendre, revoir même Ma vie en théâtrascope. Du début à la fin, il s'agit d'une performance de haut calibre produite avec des moyens forts modestes qui en accentuent l'impact. Le numéro sur la désensibilisation amène une finale qui fait soulever la salle, à qui il adressera un dernier mot. De ces mots qu'il fait bon d'entendre.

Ce diable d'homme qui refuse de tolérer l'intolérable use d'humour, noir bien souvent, pour mieux bousculer toute tentation au conformisme. Le personnage de théâtre n'est jamais loin de l'homme vibrant. « J'avais mal à mon pays et puis, un jour quelque chose comme un miracle... » confie Trac. C'est peut-être lui le miracle.



Le bien nommé Clown Noir

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vendredi 28 février 2014

Ce monde que nous voulions différent



En parallèle avec ce blogue, je navigue désormais sur le site Mauvaise herbe. J'y accoste au moins une fois par mois.

Mon cinquième texte, publié le 28 janvier 2014 : Ce monde que nous voulions différent



J’ai plus de questions que de réponses. À ma naissance, marraine fée, ou peut-être sorcière, a dû tatouer « Pourquoi? » au fond de mes rétines. Impossible de voir la vie sans interroger le sens de tout ce que je vois et ne vois pas. J’ai dévoré des milliers de livres, questionné jusqu’à l’exaspération ceux qui me précédaient, franchi bien des interdits pouvant entraver ma quête de savoir, bravé les censeurs d’une pensée libre. J’ai trouvé des réponses et chacune d’elle engendrait un nouveau « Pourquoi? ».

J’entends le bruit des bombes de nos guerres — elles sont nôtres par nos choix politiques — dont les enjeux ont moins à voir avec la liberté, la défense des droits de l’homme et la paix que l’occupation stratégique d’un territoire pour sa position, ses richesses ou ses alliances économiques. Sinon, pourquoi serions-nous si complaisants envers des États qui désavouent ouvertement les droits et la liberté de sa population?

Nous affirmons haut et fort la reconnaissance d’une égalité des droits entre toutes les personnes et du même souffle nous permettons que soit enseigné le contraire. Pire, nous payons cet enseignement.

Nous prétendons nous être affranchis de l’ignorance, compréhensible jadis, inadmissible aujourd’hui, sans oser remettre en question notre tolérance envers les dérives des croyances subversives.

Pourquoi est-il plus facile de mobiliser un continent pour la défense des animaux que des humains? L’Union européenne et la Russie interdisent le commerce des produits dérivés du phoque sous prétexte de cruauté. Pourquoi ne parvient-on pas à se mobiliser pour défendre l’exploitation des enfants? Qui interdit les produits dérivés du cacao de Côte-d’Ivoire ou du Ghana exploitant 1,8 million d’esclaves de moins de 15 ans? Qui interdit les produits de l’Inde, de la Chine et d’autres pays pour cruauté envers les esclaves? Le 17 octobre 2013, plusieurs médias diffusaient les résultats d’une enquête menée par l’organisation Walk Free :

Après l’Inde, la Chine arrive au deuxième rang, avec 2,9 millions d'esclaves, suivie du Pakistan avec plus de 2 millions. Viennent ensuite le Nigeria, l'Éthiopie, la Russie, la Thaïlande, la République démocratique du Congo (RDC), la Birmanie et le Bangladesh. Ces dix pays comptent à eux seuls la majorité des quelque 30 millions d'esclaves dans le monde.

Rien de cruel dans ces industries du tapis, du jouet, du vêtement?

Nous aspirons à un monde plus juste et nous déconsidérons ceux qui revendiquent le maintien des acquis de hautes luttes. La nouvelle norme dans le monde du travail consiste à privilégier le lockout en réponse aux dissensions, sans réelle volonté de négocier. Dans l’éloquente démonstration du déséquilibre entre les forces patronales et syndicales des lockouts successifs imposées aux journalistes de nos médias (Journal de Montréal, Journal de Québec, Le Réveil, etc.), il devenait impérieux de modifier le Code du travail afin de l’adapter aux réalités du présent. « Interdire le recours aux services et produits du travail provenant de l'extérieur d'un établissement qui est en grève ou en lockout » avait promis le Parti québécois en août 2012. En 2014, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, plus de 400 travailleurs, mécaniciens des garages de nos concessionnaires automobiles vivent leur 11e mois de lockout. Tout ce temps, aucune rencontre ni même volonté de négocier, malgré la demande du syndicat qui souhaitait un médiateur. Sachant que le médiateur est un spécialiste expérimenté en relation du travail, rompu aux techniques de négociation et de résolution de problèmes, pourquoi ce refus?

Escamoter ses revenus à l’impôt en les plaçant dans des abris fiscaux suscite moins de mépris qu’un travailleur saisonnier osant réclamer l’assurance emploi qu’il a payée. En 2010, l'Institut international du développement durable de Winnipeg chiffrait à 2,8 milliards par année les subventions aux pétrolières, dont celles de l'Alberta (1,1 milliard), mais ce sont les plus démunis de notre société que certains animateurs traitent de BS sur le ton de l’insulte.

Qu’avons-nous fait de ce monde que nous voulions différent? Que sont devenus les espoirs de nos 20 ans? À quel marché de dupes avons-nous sacrifié ce « grand jardin qu’on appelait la Terre »?

Aujourd’hui je me demande pourquoi je persiste à questionner, à vouloir comprendre, à trouver la réponse ultime. Tout ce que je sais, ou crois savoir, c’est que ma quête du Graal ne se terminera que lorsqu’une main rabattra mes paupières sur mon regard devenu fixe à jamais.

Et encore! Je risque de miser sur la jeunesse.

***

mercredi 26 février 2014

Dix fois tomber en amour


Voilà. Il y avait dix textes à écrire sur dix personnes différentes. Cela représente 22 jours de ce mois, compte tenu de la recherche et entrevues nécessaires pour découvrir le petit je n'sais quoi de chacune d'elle.

J'aurai en quelque sorte consacré deux jours par sujet. Et cela a été fascinant. Imaginez. Vous êtes seule avec un homme ou une femme. Heure après heure vous menez une véritable enquête afin de découvrir qui est ce personnage. Ce qui le fait vibrer. Ce qu'il a accompli. Vous êtes comme un détective à l'affût des secrets. Vous montez un dossier fourmillant d'informations provenant de multiples sources. Au cours de cette étape, vous êtes sans état d'âme. Vous rassemblez des témoignages. Quoique...

Cela fait, vous êtes le portraitiste face au papier, ne sachant pas encore quel va être le premier trait. Votre main tient le crayon, votre esprit rassemble toutes les données et soudain votre main se lance et risque une ligne. 

Les mots se multiplient. Lentement. Parfois cela jaillit comme un coup de foudre. Parfois, il faut effacer et recommencer parce que le regard ne reconnaît pas ce notre esprit voit.

Et petit à petit le texte prend corps. C'est toute une vie qui se résume. Il ne s'agit pas de capturer un instant comme dans le clic d'une photo. Il s'agit de brosser toute une vie dans l'essentiel. Les heures s'accumulent. Il s'établit une sorte de symbiose, un lien profond, indispensable à la réalisation du portrait. Lorsque tout semble dit, lorsque les doigts commencent la danse de la conclusion, lorsque l'euphorie du point final approche, vous prenez conscience que vous aimez cette personne. Vous êtes en amour.

Je viens de tomber en amour dix fois.


vendredi 14 février 2014

Amour toujours






Tu es là.

Tu deviens à toi seul un univers.  Pour quelques heures, pour une éternité il n'y a que toi au monde. 

Je te respire. 

Tu es toute l'odeur du monde, la seule, la toute. 

Je te regarde. 

Tu es toute la forme du monde.   L'univers est contenu dans les lignes de ce corps mâle. 

J'aime ta bouche pour ses baisers, sa faim de moi. J'aime ta nuque, le tendre creux de tes bras, tes mains, ta poitrine, ton ventre, ton sexe pour le désir que j'en ai de toucher, de caresser, de mordre, de goûter, d'embrasser jusqu'à ce que tes gémissements confirment les élans de ta chair, les spasmes du fond de toi.

Je projette sur toi tous les êtres de la terre. 

Il y a des milliards d'hommes ...  il n'y a que toi.  Plus encore... il y a les saisons, leur beauté et toi...

Tu es tout ce que peut prendre le vent, ce que peut vêtir la neige, ce qu'enivre le vin... tout ce que réchauffe le soleil, ce que rêve la nuit.  Et je suis vent, neige, soleil, nuit.  
Je suis tout, s'il faut l'être pour te vivre.

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mercredi 12 février 2014

À la mémoire de Gisèle


Gisèle Morais


Aujourd'hui, alors que je travaille sur un texte destiné à préserver la mémoire de personnes importantes  ayant contribué à la richesse culturelle du Saguenay–Lac-Saint-Jean, j'ai ressenti soudain un léger frisson. Comme si quelqu'un me soufflait sur la nuque. Sur mon écran d'ordinateur venait de s'afficher le rappel programmé d'un évènement du 12 février à ne jamais oublier : le grand départ de Gisèle Morais. La maman de mon amoureux à qui, chaque 26 février, j'envoyais des fleurs pour la remercier de son existence.

Ma gorge s'est soudainement nouée en même temps que – certainement de la poussière – mes yeux se sont embués. Et voilà que dans le cadre de l'aide mémoire de mon calendrier je retrouve ce texte écrit le 12 février 2006 pour ma belle-maman. 

Gisèle Morais
1928-2006

Au hasard des voyages du cœur, on ne sait jamais où va se poser notre avion.  Pour l’un ce fut les dunes de sable chaud quelque part dans le désert de St-Exupéry. Pour d’autres ce fut les congères de neige devant la joyeuse maison du fils aîné de Gisèle. Un soir de janvier, j’ai été apprivoisée. 

Sans le savoir, Gisèle était la sœur du Petit prince.

Sur la planète bleue, elle avait ce don précieux de cultiver les roses, laissant croire à chacune qu’elle était unique. Elle posait sur les êtres comme sur les objets cet extraordinaire regard étincelant de sourires.

Ses enfants, ses amis, racontent avec attendrissement combien elle aimait enjoliver les lieux de sa vie, harmonisant les couleurs aux tons chauds de sa joie de vivre. Parce que voilà bien le secret de cette femme : l’harmonie.

Comment embellir ma planète se demandait la petite princesse ? Elle a mis en pratique la sagesse des philosophes. Sa quête de la beauté, elle l’a commencé par elle-même. Ce n’était pas coquetterie mais plutôt une élégance naturelle qui se reflétait sur sa personne comme sur les lieux de sa vie et les objets choisis. Un souci constant de séduire bien plus le cœur que le regard. Elle enjolivait tout. Et ce tout devenait utile puisque c’était joli.

Sans le savoir, Gisèle avait l’âme du Petit Prince.

Elle pouvait s’inquiéter de la fragilité d’une rose sans jamais la contraindre à renoncer au risque des expériences de la vie, quelles qu’elles soient. Une tolérance empreinte d’un réel respect à l’égard de nos différences et du libre choix. Sa seule attente : le bonheur pour les siens. Alors, elle ouvrait tout simplement plus grande encore la porte de ses affections. Elle agrandissait le cercle familial. Car aux siens, elle ajoutait les nôtres.

Elle a tant peuplé sa planète qu’il est difficile de l’imaginer en train de regarder les couchers de soleil, les soirs de solitude. On ne sait pas tout, mais tous sont prêts à croire qu’elle ne résistera pas à l’envie  d’utiliser toutes les subtilités de l’arc-en-ciel pour colorer le ciel. Désormais, on s’émerveillera des couchers et les levers de soleil en pensant que Gisèle à mis au travail tous les grands peintres disparus.

C’est sa manière de dire : souriez, la vie est belle, la vie continue.


 Christiane
12 février 2006
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vendredi 7 février 2014

La fille du Tambour-Major, pur délice!



La fille du Tambour-Major
Production 2014 de la Société d'art lyrique du royaume
© André-Anne Lachaine photographie


Si la générale de la 42e production de la Société d’Art lyrique du royaume est déjà un régal, que sera la grande première ce soir?

Un rythme vif, une mise en scène rigoureuse, un jeu théâtral impeccable, une suite de tableaux équilibrés, de l’action et une distribution où chacun parvient à nous convaincre être le meilleur.

Photo © Andrée-Anne Lachaine photographie

Dès le premier acte, le ton est donné. C’est enlevant, souvent drôle, parfois coquin. L’oreille ravie par la musique, le spectateur est entrainé dans le plaisir d’un opéra comique où s’entrechoquent avec bonheur histoires d’amour et de guerre. Sur la scène jeudi soir 6 février 2014, sans doute parce qu’ils n’avaient pas tout le poids d’une première devant une salle comble, choristes et solistes semblaient s’amuser ferme et cela fut contagieux.

Une nuit plus tard, je me demande quel fut le meilleur moment? Ce qui est remarquable dans cette production saguenéenne, menée de main de maître par Dario Larouche à la mise en scène ainsi que Louise Bouchard à la direction artistique et Céline Perreault chef de chœur, c’est la permanence de la qualité qui se manifeste du début à la fin. Et pourtant, la barre est haute dès le premier acte qui se passe dans le jardin d’un couvent de Biella en Italie, alors que l’espiègle Stella fait miroiter à ses sœurs le plaisir de croquer la pomme. Si l’on demeure attentif, on comprendra tôt qu’il y a très souvent un deuxième sens au propos d’apparence anodine. Cela ajoute à la saveur de ce joyeux moment.


© Andrée-Anne Lachaine photographie
© Andrée-Anne Lachaine photographie

Les choristes et acteurs sont très présents sur scène. C’est d’ailleurs un des points forts de cette 100e opérette d’Offenbach, d’autant plus qu’ils jouent aussi bien qu’ils chantent. Une prestation qui n’a rien d’amateur.


Diane Doré (soeur supérieure) et Isabeau Proulx-Lemire (le duc Della Volta)
© Andrée-Anne Lachaine photographie

La soprano Diane Doré dans le rôle de la Sœur supérieure illustre bien à quel point le talent foisonne au royaume. Christian Ouellet, dans la peau du Marquis Bambini, jongle toujours aussi efficacement avec le chant et le loufoque. On se souviendra sûrement de son ineffable «Maiiiiiiiis nonnnnnnnnn.»

 Christian Ouellet alias Marquis de Bambini
© Andrée-Anne Lachaine photographie

Si le baryton Pierre-Étienne Bergeron a un rôle plus modeste au IIIe acte - Clampas, l’aubergiste de Milan chez qui se réfugient Claudine et Robert – il a le temps de démontrer la polyvalence de son talent de comédien et de chanteur. Une belle voix solide.

Le beau ténor, Isabeau Proulx-Lemire est méconnaissable dans la vieille peau du duc Della Volta. Il donne du panache à un personnage insignifiant anxieux de marier (vendre) sa fille au riche marquis soucieux de redorer son blason.

Duc Della Volta (Isabeau Proulx-Lemire), Monsignore (François-Olivier Campeau), Monthabor (Alexandre Sylvestre), Stella (Marianne Lambert)
© Andrée-Anne Lachaine photographie

Le ténor François-Olivier Jean, campé dans le rôle de l’amoureux éconduit par la truculente Claudine, aurait passé pour humble faire-valoir s’il n’avait pas créé une de meilleures surprises dans la scène hilarante du monsignore et neveu du gouverneur. Soudain, sa présence comme sa voix semblent avoir pris de l’ampleur.


Alexandre Sylvestre (Monthabor) et Nathalya Thibault (duchesse Della Volta)
© Andrée-Anne Lachaine photographie

Alexandre Sylvestre, baryton-basse, est irrésistible de charme dans le rôle de Monthabor, le tambour-major. Mari abandonné et père éploré à la recherche de sa fille qu’il retrouvera avec bonheur…quoique les retrouvailles provoqueront une réaction plutôt surprenante. Mais ne dévoilons pas. Laissons aux spectateurs le plaisir de prendre leur pied. Une très belle voix qui a du brio et de la profondeur.

Stella, son lieutenant (Dominique Côté), le duc Della Volta
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Dominique Côté crée un lieutenant convaincant. Il avait confié devoir protéger sa voix lors de la générale afin de donner sa pleine mesure à la première de ce soir. Si, retenue, sa voix de baryton a cette puissance quel bel augure pour les prochaines représentations. Une voix chaude, ample et un jeu de scène très expressif.

Je ne chercherai même pas à comparer les trois sopranos. Toutes m’ont séduite. Stéphanie Lessard dans le rôle de Claudine est solide, puissante, un registre très riche. Sans omettre un talent de comédienne lui permettant d’aller très loin dans le baroque évitant de verser dans la caricature de ce personnage coloré.

Marianne Lambert crée une ravissante Stella, jeune, fougueuse, mutine, forte d’une voix qui se module à toutes ses fantaisies. Du cristal.

Griolet (François-Olivier Jean) et sa belle Claudine (Stéphanie Lessard) 
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 Nathalya Thibeault duchesse Della Volta
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Je l’avoue, j’ai craqué pour Nathalya Thibault. Un rôle à sa mesure que celui de la duchesse Della Volta. Elle joue avec audace, sans pudeur, sans mièvrerie et elle chante, d’une voix très belle, avec un aplomb qui nous comble. Il faut la voir dans ce simple va-et-vient de sa première scène. On ne parvient pas à la quitter des yeux tellement elle a de la présence. Tout son corps parle, vibre et communique une irrésistible envie de s’emparer de l’espace avec gourmandise.

Sur toile de fond de la campagne d’Italie, quelques jours avant la bataille de Marengo, l’arrivée d’une troupe de soldats français émoustille autant qu’elle effraye les couventines qui fuient en oubliant Stella. Sa rencontre avec le lieutenant Robert va contrarier les projets de mariage caressé par le duc Della Volta déterminé à user de ses droits paternels. Contraint d’accueillir les Français dans son château, le lieu sera propice à faire surgir le passé. Dans un beau chaos d’émotions, les évènements se précipitent jusqu’à cette scène très puissante avec Stella, telle l’héroïne du célèbre tableau de Delacroix, qui nous entraîne vers une fin heureuse où l’orchestre, dirigé par Jean-Philippe Tremblay, nous emporte dans l’émotion avec Le chant du départ évoquant l’entrée de l’armée française dans Milan.

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 Des décors sobres et très efficaces qui inspireront quelques réflexions amusantes au fil de la présentation. Des costumes, coiffures et maquillages très réussis. Les talents réunis de Christian Roberge (scénographe), Jacinthe Dallaire (costumière), Alexandre Nadeau (éclairagiste), Francis Bouchard (chef coiffeur).

À voir ce vendredi 7 février, ainsi que samedi et dimanche 8 et 9 février, à l'auditorium du Cégep de Chicoutimi.

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Dans l'édition du Quotidien du 8 février, Roger Blackburn signe un texte fort élogieux au sujet de La fille du Tambour-Major de la SALR. (C'est par erreur que le texte de Roger a été attribué à Daniel Côté dans l'édition du Quotidien). Le lien ICI

Un très bon commentaire de Denise Pelletier sur son blogue Spécial du jour ICI 

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Le coin d'une jeune fan

Christian Ouellet, Isabeau Proulx-Lemire accueillent Élika



Il n'est jamais trop tôt pour initier les enfants aux arts de la scène. Il faudrait plusieurs mains pour compter les spectacles que cette petite fille a déjà vu depuis sa naissance. Et elle en redemande. Alors, sous l'arbre de Noël, chaque 31 décembre, sa mamieke dépose une enveloppe lui promettant d'assister à l'opérette de la Société d'art lyrique du royaume.

À 4 ans, conquise par Les Brigands présenté en 2012 et plus encore par Marie-Ève Munger,   Élika Laforge est devenue fan des opéras comiques. En 2013, elle a applaudi Orphée aux enfers, osant demander la permission de rencontrer les chanteurs après le spectacle. Ce qui fut autorisé par la directrice générale Hélène Gaudreault. Cela lui a permis de recueillir plusieurs autographes, dont celui de son coup de cœur, le ténor Antonio Figuerga qui incarnait Orphée. Alors qu'elle remerciait le bel Antonio, celui-ci  a mis un genou au sol pour être au niveau de l'enfant et a pris ses mains dans les siennes pour lui répéter ce qu'il venait de lui écrire : « Élika, c'est à moi, c'est à nous de te remercier. Merci beaucoup de ta précieuse présence. »

Que croyez-vous que ma petite-fille espérait plus que tout après avoir assisté à la générale de La fille du Tambour-Major? Avec gentillesse, la directrice artistique Louise Bouchard, a invité Élika à la suivre à l'arrière-scène. Et voici quelques photos de ce beau moment.



Alexandre Sylvestre s'approche à son tour.


Des sourires qui s'entrecroisent

Marianne Lambert et Élika Laforge
Marianne Lambert voit s'approcher la photographe

Élika 6 ans, rencontre l'héroïne de La fille du Tambour-Major, Marianne Lambert
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