Progrès-dimanche
Les Arts, dimanche 2 mars 2008, p. 32
Berghella
Un monde d'émotion, tel un vent chaud et froid
«Ce que j'ai gardé dans mon cœur/ C'est pas les larmes, ni la peur/ Ce que j'ai gardé, dans mes yeux/ C'est le feu.»
Aucunement étonné d'apprendre que son premier album avait suscité peu d'émoi, Philippe Berghella ne l'est pas davantage de savoir que son deuxième opus provoque des réactions enthousiastes. «Depuis le premier CD j'ai beaucoup appris. J'ai chanté dans trois pays, j'ai donné 400 spectacles. Avec Don Juan j'ai appris à vivre mes chansons sur scène. Don Juan m'a redonné le goût du théâtre.» L'album le pousse à se donner lui-même.
Son pays
En tournée de promotion au Saguenay, Philippe Berghella a le sentiment de rentrer au pays. Une mère félicinoise, un père sicilien artiste et absent, le chanteur a passé sa prime jeunesse à Chicoutimi, si ce n'est deux années d'escapade à Baie-Comeau. Il gratte ses premières cordes à 14 ans, cueille ses premiers cachets en pièces de 25 cents jetées dans l'étui de sa guitare par les passants qui le croisent sur le Vieux Port de Chicoutimi.
«... apprendre à reconnaître/ Dans la main qu'il a tendue l'espoir d'un jour être maître du destin qu'il a voulu./ Devenir un homme pour croire ce que j'ai cru/ Quand je n'étais personne qu'un enfant dans la rue.» (Devenir un homme)
Écrire
Philippe Berghella ne veut rien de plus que la musique. Auteur compositeur il ne craint pas de laisser à d'autres le choix des mots pour raconter ce qui le fait vibrer. Félix Gray lui a d'abord écrit la chanson titre de l'album «Vivre».
«C'est un auteur qui n'écrit pas pour n'importe qui. Je lui parlais de moi, de ce que j'ai vécu, de mon père. Il m'a présenté d'autres textes, inspirés de ma vie.» Gray signe dix textes sur les douze chansons de l'opus. Toutes chargées des sentiments propres à Philippe, comme dans «Trop de silence», pourtant un extrait de Don Juan, écartée lors de la mise en scène de la comédie musicale. Cette chanson établit un véritable lien entre la comédie musicale, où Philippe incarnait Raphaël, et l'album «Vivre», empreint d'une expérience partagée qui a contribué, assure-t-il, à la mise au monde de sa jeune carrière.
Survivre
«Dans ce métier, surtout aujourd'hui, on ne sait pas si on va gagner notre vie à long terme. Avec l'avènement Internet on devient de plus en plus accessible, on se libère d'un côté. Avec le téléchargement, notre travail devient gratuit. Aura-t-on les moyens de continuer? peut-on se demander. »
Si Don Juan devait reprendre la route du monde, Berghella ne demanderait pas mieux que de refaire les valises de Raphaël. «Cela peut revenir.... je croise les doigts.»
À moins que «Vivre» ne le propulse seul sur la scène. Une tournée de spectacles pourrait bien être amorcée dès l'automne. Tout est à venir, conclut Philippe, l'espoir sur le bord des lèvres., en route pour d'autres entrevues.
L'album «Vivre»
Philippe Berghella a trouvé les complices d'un talent qui se déploie avec bonheur dans ce nouvel album réalisé par Guy St-Onge dans le Studio Référence de Saint-Calixte. Une musique pop francophone, où s'harmonisent guitare espagnole, mandoline, piano, accordéon et chœurs.
Sa voix a atteint sa pleine maturité. Il la maîtrise à volonté pour accrocher des mots chargés de sens qu'il dépose en douceur ou «éraille» avec efficacité. Dès la première mesure de «Trop de silence» l'attention lui était toute acquise.
Aimer tout de suite mots, musique et voix, à l'écoute d'une chanson est rare. Mais quand, à la seconde, «Revoir mon père», piano, violon, paroles portent la douleur du récit, le cœur est frappé. L'émotion n'attend pas pour s'engouffrer comme un vent chaud et froid.
«Les autres c'était l'université. Moi, mes études, c'était le pavé. Dans le froid je grattais ma guitare. L'automne, l'hiver et, quand l'été, ils attendaient d'être diplômés, moi j'attendais pour un dollar. Ce n'était même pas difficile. Je ne crois pas avoir souffert. [...] moi je voulais revoir mon père.» (Revoir mon père)
Oui, avoue-t-il, Berghella nourrit son art de sa vie. «Je suis de l'école de Cat Stevens, de Brel... Ce que je veux c'est tout ce qu'il y a de vrai dans la musique. Faire place aux émotions... Cela est plus facile de mettre en chansons ses sentiments que de parler... Pour que les gens se retrouvent dans ce que je chante il faut que cela soit vrai.»
Pour «Vivre», Philippe a prêté sa plume au parolier Félix Gray, sachant qu'il trouverait les mot pour dire ce qui l'embrase. Dire l'homme de 30 ans, ses blessures, ses joies, ses fêtes et ses amours.
«Dire que si les enfants peuvent apprendre, on a seulement su se défendre, sans essayer un peu d'arrêter de toucher le feu.» (Dire)
De passage à Chicoutimi pour la promotion de son album, Philippe Berghella se souvient: «Quand j'ai quitté ici j'avais des rêves de succès. Que cela soit rapide ou long. Aujourd'hui, j'ai vu avec Don Juan que c'est beaucoup du business. Le succès, il ne faut pas trop y réfléchir. Je vis au quotidien. Je suis un oiseau de nuit. Pas de routine. J'aime qu'une semaine ne soit pas pareille à l'autre. Ce que j'ai appris sur le succès... c'est de prendre cela à la légère. Il faut rester sain là-dedans. Vivre un jour après l'autre. Ce qui m'est important: je sais que je peux chanter.»
Philippe Berghella
Photo de presse
Photo de presse
Merci, chère Christiane, pour cette découverte partagée de l'"oiseau de nuit" Philippe Berghella.
RépondreEffacerJ'espère pouvoir trouver son album de ce côté de... l'Océan !
Amitié.
Gilles