Jusqu'au 28 septembre 2008, le Centre National d’Exposition de Jonquière, présente une rétrospective des œuvres d’Hélène Beck. Ses tableaux, du début de sa carrière à aujourd’hui, abordent des scènes de vie actuelles et traditionnelles, des paysages, des portraits. Plusieurs sculptures céramiques témoignent de la force d'expression de cette artiste et d'un regard original teinté d'humour qu'elle pose sur les êtres.
Un catalogue de belle facture, intitulé Hélène Beck, un regard authentique, propose un répertoire commentée des toiles et sculptures exposées dans cette rétrospective. On peut y lire ce texte que j'ai écrit sur l'œuvre de ce peintre qui, depuis mes débuts comme critique, m'a toujours inspiré respect et admiration.
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Libre de toute école, de toute tendance, de toute mode, l’œuvre explosive de l’artiste peintre Hélène Beck témoigne de la puissance créatrice d’un art authentique. Autodidacte, son talent n’ayant pas subi les influences intellectuelles institutionnelles, elle a su mettre la couleur au service d’une expression forte nourrie par ce regard qu’elle pose avec acuité sur les êtres, les événements et les paysages.
Seule devant la toile blanche, Hélène Beck voit une fenêtre ouverte sur ce monde qui l’habite. Il jaillit, à coups de fusain, en larges traits spontanés. Prémices inspirants qu’elle efface sous la fougue d’un pinceau généreux, désormais lancé dans une composition encore imprévisible. Elle s’empare de la vie qui bat autour d’elle, brosse son tableau au rythme des échos passés ou présents, usant des formes comme d’autres usent des mots, peintre-chroniqueur de notre histoire.
À redécouvrir l’œuvre de Beck, dans cette rétrospective de 50 ans de carrière, il est fascinant de constater combien sa palette est intemporelle. La qualité de son art, dès ses débuts, a subjugué les analystes. Cette qualité ne s’est jamais démentie. Elle a évolué sans rien perdre de son essence première : la flamme, le souffle, l’originalité, l’audace. L’impétuosité trahit l’exaltation, l’urgence de saisir et la détermination à imposer une vision très personnelle de ses compositions.
Qu’elle peigne un paysage - Bientôt la fin de l’hiver 2003, Automne en Charlevoix 2006 , La Maison grise 2007 - on assiste à l’heureux mariage d’une ondulation des lignes. Arbres et montagnes dansant avec murs et toits des maisons. Qu’elle s’insinue dans l’intimité d’une chambre - Chambre de jeune fille 1972 - la sensualité du personnage se répercute dans les lignes des objets. Sarcastique, humoristique, ironique, l’artiste n’épargne pas les foules - Parade de la St-Jean 1981 -, révèle l’âme secrète des classes sociales - Les danseuses nues, Les snobs 1981 - et capte le tragique - La mise au tombeau - ou l’insondable - L’adolescent 2006.
Que l’artiste se soit nourrie de sa région pour brosser des toiles percutantes ne fait pas d’elle un peintre du Saguenay dans le sens géographique restrictif. Le sens de ses compositions dépasse l’illustration d’une scène pour raconter, au-delà, l’expression humaine universelle surgissant d’un événement.
Que l’artiste s’inspire de ce qui l’entoure pour brosser des tableaux d’une écriture impérieuse fait d’elle un peintre d’influence expressionniste, par la distorsion qu’elle inflige aux formes réelles pour les soumettre avec une sorte d’arrogance positive. Rebelle cependant, osant sa propre fantaisie, même dans le tragique, son œuvre n’écarte pas l’intensité du fauvisme, flirtant avec la démarche des tenants de la réalité poétique, ennemis des théoriciens, ardents défenseurs de la liberté de peintre en dehors des courants d’art.
Tout l’art d’Hélène Beck est un art vibrant de liberté, d’authenticité, de force d’expression qui, en 50 ans, ne s’est jamais trahi. Une rétrospective de cette étonnante carrière... Il était temps!
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