samedi 30 octobre 2010

Milane fille de l'eau


Titre tout à fait approprié coiffant la critique de Roger Blackburn 
À lire dans Le Quotidien du 30 octobre 2010
© Photographies Sylvain Dufour

Jeudi 28 octobre à Chicoutimi, dans le Hangar de la zone portuaire, transformé en cabaret : fébrilité d’une première. Tension passion à fleur de peau perceptible au contact des maîtres d’œuvre d’un nouveau spectacle. Magie de l’attente sachant depuis longtemps la qualité des productions des Farandoles.

Caroline Desbiens  de l'Îsle-aux-Coudres

Les invités ont déjà lu beaucoup sur le projet concocté par l’auteur-compositeur-interprète Caroline Desbiens et le metteur en scène Louis Wauthier : un conte musical puisant dans le répertoire traditionnel sur le thème de l’eau, fort bellement décrit par l'auteur dans cet article d’Élise Tremblay publié dans Le Charlevoisien : « À travers moi, les gens traversent les époques par le chant, la danse. Ça parle de nos origines, des Amérindiens jusqu’à aujourd’hui ». Quant au personnage : «Elle s’appelle Milane. C’est la fille de l’eau. Celle qui s’arrête sur les berges pour écouter la voix humaine. Milane est comme les flots, elle vit au rythme des musiques d’ici selon la fantaisie du vent. Elle possède à l’infini des chansons qui racontent, rêvent, dansent la vie des peuples, parfois autochtones ou venus d’ailleurs et qui ont choisi ce bout de terre que l’on nomme Québec. »

Six musiciens sur scènes, trois écrans où défilent des images d’atmosphère et des photos anciennes, une chanteuse à la voix pleine où se marient velours et puissance, dix danseurs et danseuses ondoyant sur les sons de notre mémoire musicale. Un tout inspiré et conçu pour rejoindre toute la famille. 
Jessy Dubé, violoniste
© Photo Sylvain Dufour - Le Quotidien

Jessy Dubé au violon ouvre la soirée. Une fille étonnante! On dirait que son archet envoûte les cordes. Et elle a une telle présence qu’on succombe... sous le charme.

Suivent des chants traditionnels : V’la bon vent, Isabeau, Vive la compagnie qui ont des couleurs contemporaines sous les arrangements de Richard Cusson. Ce n’est qu’une mise en oreille, car la suite va aller crescendo, le temps d’évoquer ceux qui sont venus par l’eau créer un monde nouveau. Et, parmi eux, des Irlandais portant au delà des mers la vivacité de leurs danses qui ont soulevé le public.

Survient alors une vague d’émotions avec un texte poétique où le fleuve et les hommes se fondent dans une même étreinte. Sans prétendre citer dans le texte, je garde en mémoire ces bribes notées vitement pour n'en rien perdre : «… et de tous ces printemps qui explusaient de terre les bateaux que l’hiver avait mis en prison. (..) Je suis le témoin oculaire de la vie du fleuve Saint-Laurent. » Ce passage nous permet de découvrir toute la richesse de cette voix particulière de Caroline Desbiens, que ne démentent pas ses interprétations de Mon village de Paul Davis, J’ai quitté mon île de Daniel Lavoie, Je voudrais voir la mer de Michel Rivard. Cette dernière chanson ponctuée d’une très belle chorégraphie d’Alexandra Jean Savard.

Nul doute que les enfants apprécieront le rythme endiablé des contrebandiers et l’humour des marins, finale de cette première partie, très différente de la seconde.

L’entracte crée une coupure parfois dangereuse car il faut reprendre en main un public qui s’est laissé distraire. Heureuse idée que ce beau risque de chanter a capella. Surtout avec cette voix chaude, sensuelle. Le spectacle reprend son envol, plus sérieux, davantage musical que dansant. C’est habile, puisque l’on se surprend à espérer que les pieds légers vont revenir sur scène.

Créant le lien entre les temps, le spectacle se termine par un pot-pourri des temps modernes. Plaisir de redécouvrir cette jolie chanson de Priscilla Lapointe, Mon beau pays que peu connaissent parmi ce public, plus à l’aise avec Dégénérations de Mes Aïeux ou Yes à Pichou reprise en 1972 par Les Karrik, Claude Lafrance et Michel McLean d'Arvida.

Milane fille de l’eau a trouvé son caractère propre. Ce spectacle musical pour tous a su équilibrer la part du visuel, de la musique, du chant et de la danse. La mise en scène de Louis Wauthier est rigoureuse, l’orchestre sait prendre sa place tout en portant les interprètes. Les éclairages habillent bien la scène, en sont même les décors. Les chorégraphies sont fluides et dynamiques selon le fil du récit. Les costumes sont impeccables. Une production réussie!
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