Production la Pulperie de Chicoutimi et Théâtre CRI
Émilie Gilbert Gagnon, Mélanie Potvin, Marilyne Renaud, Patrice Leblanc, Hélène Bergeron,
Benoît Lagrandeur, Martin Giguère, lors de la grande première le 5 juillet 2011
© Photo Sylvain Dufour - Le Quotidien
L'inattendu était au rendez-vous ce mardi 5 juillet au Bâtiment 1912 de la Pulperie de Chicoutimi. En créant La légende d’Arthur Villeneuve, le Théâtre CRI a superbement illustré l’étonnante ingéniosité de nos auteurs, metteurs en scène, scénographes et comédiens. C’est la somme d’une expérience théâtrale qui s’est construite avec un talent certain, soutenu par une ténacité dont j’ai été l’heureux témoin pendant plusieurs décennies. Bravo!
Que de pièges se dressaient sur la route de ce projet imaginé par Guylaine Rivard alors que, visitant la Pulperie et son œuvre maîtresse la maison peinte d’Arthur Villeneuve, elle s’est laissée envahir par son aura colorée. « Un lieu extrêmement évocateur, écrit-elle, renfermant toute une somme de récits, de mystères ou de secrets qui m’apparurent soudainement comme une source intarissable d’inspiration. »
Nul doute, les spectateurs qui aborderont cette pièce sans a priori seront immédiatement emportés dans une fantaisie burlesque qui les conduira du rire au sourire attendri jusqu’à ce très beau moment où l’œuvre picturale d’Arthur se révèlera dans sa véritable dimension.
Pour d’autres, qui ont connu la famille d’Arthur et d’Hélène, la levée du rideau sera inévitablement précédée d’une certaine attente, d’une curiosité sur le comment raconter cette page de notre histoire artistique régionale.
Souhaitant tout le bien possible aux artisans de cette aventure théâtrale, l’esprit demeure quand même prompt à la critique devant tout excès possibles, soit dans la caricature, la complaisance, la facilité ou le récit documentaire. L’auteur, Martin Giguère, a su éviter ces écueils. Il l’explique très bien ici : « Une légende est une histoire vraie qu’on déforme, qu’on amplifie par l’imagination. Il n’y a aucun mensonge dans une légende. Il n’y a que des pirouettes de l’esprit pour viser juste, pour divertir, pour faire saisir l’essentiel sans se prendre les pieds dans la réalité qui, elle, est rigide et sans compromis. » Cela définit parfaitement cette production théâtrale.
Tout se joue à l’intérieur d’un décor fait de draperies blanches suggérant une grande cuisine, avec ses portes et fenêtres derrières lesquelles se profileront les ombres de plusieurs personnages. Peu d’accessoires. L’essentiel. Assez pour faire illusion. Autour de la table, un couple s’affronte. La petite maison étouffe la femme qui harcèle son impassible mari afin de quitter cette demeure dont les murs ne cessent de gémir. « Les maisons qui craquen nous livrent ses secrets », dit-il pour la calmer. Une belle succession de tirades sur le chant des maisons nous est décochée tout de go. Le texte fourmille de répliques que l’on voudrait retenir. Elles nous tombent dessus en cascade, entre deux pitreries, tiraillés que nous sommes entre la subtilité des mots et la bouffonnerie du jeu qu’accentuent des costumes auxquels les bandes dessinées rigolotes ont tout à envier.
Le spectateur impatient de voir sur scène le célèbre couple, risque de trouver un peu longue cette entrée en matière sur la vente de la petite maison, ponctuée par le duel opposant les résidents à leurs voisins. Ceux-ci veulent à tout prix prendre possession des lieux. Le spectateur idéal, donc sans attente, y verra surtout une mise en scène clownesque, très physique, préparant le terrain pour le contraste voulu entre un voisinage hostile et l’arrivée du timide Arthur avec sa très autoritaire épouse.
Arthur (Benoît Lagrandeur) sympathise avec le
propriétaire de la maison de la rue Taché (Martin Giguère)
© Photo Sylvain Dufour - Le Quotidien
Benoît Lagrandeur crée un Arthur si vrai qu’on en vient à oublier le comédien. Voire même ne pas le reconnaître. On se laisse captiver par le personnage, si authentique, si entier. On se surprend à éprouver une grande tendresse pour son apparente docilité, ses silences et sa foi inébranlable en ce don qui l’habite. Une interprétation remarquable.
Hélène Bergeron campe une Hélène Morin impressionnante. Impossible de ne pas reconnaître cette maîtresse femme que la comédienne a su rendre avec justesse, sans jamais verser dans la caricature. Elle a mis en évidence le lien affectif réel, la connivence malgré son ton bourru avec cet Arthur qu’elle défendra contre tous dans le pire et le meilleur.
Affiche - Hélène Bergeron (Hélène Morin) et Benoît Lagrandeur (Arthur Villeneuve)
La transformation de l’humble barbier en peintre reconnu est habilement menée. C’est un très beau tableau qui se brosse sous nos yeux, tout en conservant à la pièce son ton burlesque avec le passage successif des personnalités qui ont joué un rôle majeur dans la carrière de Villeneuve.
La chute est habile. En deux mouvements on saisit la mort du peintre, le déménagement de la maison à la Pulperie et le dernier trait lancé aux détracteurs dont nul ne se souviendra, tandis qu’Arthur survit.
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Autre texte, sur le sujet dans le Voir : ici
Dario Larouche a la bonne idée de mettre le documentaire de l'ONF sur son Blogue Les clapotis d'un YoYo II : ici
J'y cours. Vous m'avez convaincu.
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