jeudi 26 mai 2011

Michel a rejoint son père Arthur

Michel Villeneuve 
1949-2011


Sonne le glas ce 26 mai 2011 sur la mort de Michel Villeneuve, fils du peintre-barbier Arthur Villeneuve, lui-même décédé le 21 mai 1990. À cinq jours près. Comme si Michel avait tenté de dépasser le pas ultime avant de culbuter dans l’au-delà.


Travaux du printemps. Une chute aussi imprévisible que cruelle où Michel a heurté le sol de sa tête. Des jours et des jours d’un combat incroyable pour survivre. Pour sa famille, ses amis, c’est l’attente résignée. Puis l’espoir insensé, quelques jours trop brefs, sous la pression d’une main et quelques mots échangés… avant d’affronter aujourd’hui l’implacable verdict.


Les jumeaux Michel et Micheline Villeneuve
© Photo courtoisie Micheline Villeneuve


Le grand silence de sa jumelle Micheline, ce soir au téléphone, a dit, mieux que les mots, l’ampleur du vide laissé par ce départ inattendu. Michel et Micheline, indissociables dans mon esprit depuis le temps de l’adolescence alors qu’on se retrouvait dans la maison de la rue Taché, nos pères parlant peinture et nous de poésie.

Ce soir, je pense au chagrin de toute la famille. Son épouse, ses fils, ses frères et sœurs. Mais qu’il est difficile d’imaginer ces lendemains qui vont venir sans plus jamais voir jusqu’où ses dessins vont nous entraîner. 

Œuvres de Michel Villeneuve - Expo à la Pulperie 2007
© Photo Le Quotidien

Depuis 1997, Michel s’imposait avec talent comme l’héritier de ce père célèbre. Il avait su trouver son propre langage sans renier une filiation évidente entre ses dessins et l’imaginaire
d’Arthur. Dessinateur compulsif, couvrant papiers, napperons, cartons, en tout temps, en tout lieu, l’autodidacte affirmait une maîtrise grandissante du mouvement que lui reconnaissent les témoins de ses premières expositions, d’abord à Larouche en 2005, puis à La Pulperie de Chicoutimi en 2007 et finalement à Gatineau et autres lieux où Michel animait des ateliers pour les enfants prêts à le suivre dans ce monde onirique qui nous a charmé.

Le journaliste Yvon Paré, avait très bien résumé l’œuvre et l’homme dans une excellente critique publiée dans le Progrès-Dimanche. En relisant cet extrait, j’ai eu le sentiment de vraiment comprendre ce qui rendait Michel Villeneuve si attachant.

 « Villeneuve rend hommage à la vie et à la forme en se laissant porter par ces dessins, travaillant à la manière des surréalistes qui refusaient « de penser » et toute censure. Il en résulte des mondes étonnants, une joie frénétique, un hymne à la vie qui rassure et apaise même s’il faut quitter nos références. Un monde glissant, dansant, rampant qui renoue avec l’inconscient et les archétypes. Un monde de silence et de méditation aussi. »


Michel Villeneuve
Archives - Le Quotidien 


En guise d’au revoir, pour toi Micheline, j’aime penser que Michel a retrouvé son père Arthur Villeneuve, imaginant les deux artistes réunis pour un symposium éternel de peintures et dessins joyeusement colorés.

Adieu Michel. 
Toute ma sympathie à ta famille.


Œuvre de Michel Villeneuve
© Archives Le Quotidien






mardi 24 mai 2011

Pierre Dumont nous laisse sans voix

Photo de la page B1 du Progrès Dimanche du 23 janvier 2005
Pierre Dumont tenait une exposition au CNE
© Photo Sylvain Dufour - Le Quotidien


Il nous semblait indestructible et voilà qu’il disparaît soudainement. Trop tôt pour mesurer le vide que ce géant va laisser. Pierre Dumont figure dans ma mémoire de journaliste au palmarès des artistes les plus remarquables. Il a toujours su nous surprendre. Mais on ne lui en demandait pas tant!

Adieu Pierre. Je n’ai pas eu le temps de te dire toute mon admiration. Pour tes œuvres de musicien, de peintre, de sculpteur et pour ton engagement social qui a largement contribué au développement et au dynamisme culturel de la région pendant plus de trente ans. Que l'on pense seulement au Festival des musiques de création du Saguenay fondé en 1989 et qui, ce triste jour, doit battre la mesure de ton départ.

Aucune rencontre avec toi n'a été banale. Je me permets, ici, de reprendre tel quel un reportage que j'avais écrit, après une longue entrevue avec toi. On y retrouve ton humanité, tes émotions et ta richesse intellectuelle. J'étais fascinée. Je le suis encore, avec une infinie tristesse à la pensée que tu n'es plus.

 Pierre Dumont
© Archives Le Quotidien

PD 20 mars 1997

CHICOUTIMI (CL) - «Je suis un sculpteur qui fait de la peinture, un peintre qui fait de la musique.  Le sculpteur est très bon, le musicien est moyen et je suis un mauvais peintre.»
Pierre Dumont est un artiste interdisciplinaire qui a besoin de ses multiples disciplines pour trouver équilibre et plaisir.

«Je me tanne vite. Je travaille beaucoup de façon inconsciente. J'écris surtout la nuit, mais après une heure ou deux je me tanne. Je passe à la peinture. Je me tanne. Je viens à la musique.  En fait, j'ai besoin de tout pour vivre.»

Et pas seulement la création.  Pierre Dumont, aime la bonne chère, les bons vins et la convivialité.  Recevoir des amis autour d'une bonne table importe à sa vie, tout autant que l'enseignement qu'il dit adorer.

«J'aime le milieu de l'enseignement.  J'aime le travail d'atelier et les jeunes me passionnent.  Avec eux, je ne ressens pas l'angoisse du tableau blanc.  Ils nous obligent à l'authenticité.  Ils nous font voir que l'on connaît le langage mais pas le sens du langage.»
Originaire de Kénogami, Pierre Dumont est fils d'un ouvrier qu'il décrit comme un artisan original, créatif et patenteux, d'une mère couturière également soucieuse du beau et petit-fils d'un grand-père habile de ses deux mains. Un milieu propice à l'éclosion d' artiste. Son frère Mario travaille pour les films Intrigue de Montréal et s'occupe des effets spéciaux.
À douze ans, il étudie la peinture dans le sous-sol de la résidence de Pierrette Gaudreault, fondatrice de l'Institut des arts au Saguenay. En même temps, il apprend la guitare, autodidacte à la recherche des sons uniques qu'il compose aussi sur le clavier. Il aime les instruments ethniques et se sent particulièrement attiré par les Indes.
« Je n'ai vraiment pas une culture rock nord américaine. J'ai travaillé sept ans avec  Ganesh Annandan, musicien indien (lors du groupe Cizo) et j'étais plus attiré par Ray Charles, par le gospel, par Ravi Shankar et Léo Ferré. »


 

Sa jeunesse est axé sur les arts. Réfugiant sa timidité dans la sécurité du foyer. Il en conserve toujours son côté sauvage et le vit dans la solitude de son atelier. Mais il est devenu plus sociable, par l'enseignement et ses activités dans le milieu des arts. Il est membre fondateur, avec Jean-Pierre Bouchard, du CEM (Centre d'expérimentation musicale) et il préside le Festival des musiques de création.
Lorsqu'il était jeune, Pierre Dumont envisageait de quitter la région. « Je ne voulais surtout pas revenir à Jonquière.  Je rêvais de New York.  Et on m'a offert un poste au Cégep de Jonquière. »

Il a cédé à l'attrait de l'enseignement, sans regret aujourd'hui, et à la tentation de la sécurité que cela apportait, lui donnant une grande liberté pour créer.

« Pour être un artiste, il faut avoir la couenne dure. Après de belles années en 1970, le temps des boîtes à chansons, des galeries (il a participé à la création de la galerie de l'Arche à Jonquière), les artistes de mon âge se sont sentis fatigués, désabusés. »
C'est ce qui expliquerait le creux de la vague qui a marqué les années 1980 dans le domaine de la culture. Heureusement il semble y avoir un mouvement de renaissance. Bien souvent provoqué par le retour des créateurs qui sortent de leur morosité.
 
« Depuis deux ou trois ans, on sent du mouvement. Cela dépend des contextes sociaux. Je pense que plus on est opprimé, coupé, plus on crée, plus on développe d'énergie. Par réaction. Il faut aussi dire que les jeunes reviennent de plus en plus au théâtre, à l'écriture. Le problème, cependant, c'est qu'ils n'ont pas leur place, pas d'argent. C'est à nous de les aider. C'est important de ne pas oublier que cela a été dur pour nous. Ne pas oublier par où on a passé. »

 Œuvre de Pierre Dumont
© Photo Sylvain Dufour

Pour lui, les temps sont plus cléments. Et il se partage sans difficulté entre toutes ses passions, quoiqu'il confie que « peindre et sculpter ça me donne le goût de vivre. La première chose, c'est le plaisir d'entrer dans ton atelier. »

 Il y prépare actuellement une prochaine exposition spectacle, prévue pour janvier 1998. Sa démarche artistique regroupe la musique, l'écriture, la peinture, la sculpture et la photographie. Il sait aussi s'entourer de complices de talent : Lou Babin, Pierre St-Jak et Bernard Bergeron. Avec eux, il a réalisé  La vie silencieuse des pierres. On lui connaît aussi Trou de mémoire. Et il prépare Les porteuses d'Ô et Les tambours d'Ô (installation à la Pulperie de Chicoutimi, où il réalisera aussi son Jardin sonore.

Pierre Dumont compte de nombreuses expositions, plusieurs productions musicales, sur disques, en théâtre et au cinéma et a donné de nombreux spectacles.

 Œuvre de Pierre Dumont
© Photo Sylvain Dufour

« Ma vision de l'art se rapproche inévitablement du rituel. À l'avant-plan se retrouve un lieu, des objets,des rythmes. Une musique, une vision du futur, une bribe de l'histoire. J'ai toujours eu un grand respect pour la nature sauvage, pas celle qu'on apprivoise mais plutôt l'esprit déroutant et caché des êtres et des choses qui par leurs forces témoignent encore de l'origine. »

 Pierre Dumont
Archives Le Quotidien