lundi 30 juin 2008

Hélène Beck


Hélène Beck - Le déluge -

Jusqu'au 28 septembre 2008, le Centre National d’Exposition de Jonquière, présente une rétrospective des œuvres d’Hélène Beck. Ses tableaux, du début de sa carrière à aujourd’hui, abordent des scènes de vie actuelles et traditionnelles, des paysages, des portraits. Plusieurs sculptures céramiques témoignent de la force d'expression de cette artiste et d'un regard original teinté d'humour qu'elle pose sur les êtres.

Un catalogue de belle facture, intitulé Hélène Beck, un regard authentique, propose un répertoire commentée des toiles et sculptures exposées dans cette rétrospective. On peut y lire ce texte que j'ai écrit sur l'œuvre de ce peintre qui, depuis mes débuts comme critique, m'a toujours inspiré respect et admiration.

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Libre de toute école, de toute tendance, de toute mode, l’œuvre explosive de l’artiste peintre Hélène Beck témoigne de la puissance créatrice d’un art authentique. Autodidacte, son talent n’ayant pas subi les influences intellectuelles institutionnelles, elle a su mettre la couleur au service d’une expression forte nourrie par ce regard qu’elle pose avec acuité sur les êtres, les événements et les paysages.

Seule devant la toile blanche, Hélène Beck voit une fenêtre ouverte sur ce monde qui l’habite. Il jaillit, à coups de fusain, en larges traits spontanés. Prémices inspirants qu’elle efface sous la fougue d’un pinceau généreux, désormais lancé dans une composition encore imprévisible. Elle s’empare de la vie qui bat autour d’elle, brosse son tableau au rythme des échos passés ou présents, usant des formes comme d’autres usent des mots, peintre-chroniqueur de notre histoire.

À redécouvrir l’œuvre de Beck, dans cette rétrospective de 50 ans de carrière, il est fascinant de constater combien sa palette est intemporelle. La qualité de son art, dès ses débuts, a subjugué les analystes. Cette qualité ne s’est jamais démentie. Elle a évolué sans rien perdre de son essence première : la flamme, le souffle, l’originalité, l’audace. L’impétuosité trahit l’exaltation, l’urgence de saisir et la détermination à imposer une vision très personnelle de ses compositions.


Hélène Beck - Les danseuses nues -

Qu’elle peigne un paysage - Bientôt la fin de l’hiver 2003, Automne en Charlevoix 2006 , La Maison grise 2007 - on assiste à l’heureux mariage d’une ondulation des lignes. Arbres et montagnes dansant avec murs et toits des maisons. Qu’elle s’insinue dans l’intimité d’une chambre - Chambre de jeune fille 1972 - la sensualité du personnage se répercute dans les lignes des objets. Sarcastique, humoristique, ironique, l’artiste n’épargne pas les foules - Parade de la St-Jean 1981 -, révèle l’âme secrète des classes sociales - Les danseuses nues, Les snobs 1981 - et capte le tragique - La mise au tombeau - ou l’insondable - L’adolescent 2006.

Que l’artiste se soit nourrie de sa région pour brosser des toiles percutantes ne fait pas d’elle un peintre du Saguenay dans le sens géographique restrictif. Le sens de ses compositions dépasse l’illustration d’une scène pour raconter, au-delà, l’expression humaine universelle surgissant d’un événement.

Que l’artiste s’inspire de ce qui l’entoure pour brosser des tableaux d’une écriture impérieuse fait d’elle un peintre d’influence expressionniste, par la distorsion qu’elle inflige aux formes réelles pour les soumettre avec une sorte d’arrogance positive. Rebelle cependant, osant sa propre fantaisie, même dans le tragique, son œuvre n’écarte pas l’intensité du fauvisme, flirtant avec la démarche des tenants de la réalité poétique, ennemis des théoriciens, ardents défenseurs de la liberté de peintre en dehors des courants d’art.

Tout l’art d’Hélène Beck est un art vibrant de liberté, d’authenticité, de force d’expression qui, en 50 ans, ne s’est jamais trahi. Une rétrospective de cette étonnante carrière... Il était temps!


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vendredi 13 juin 2008

Eh! Ben! C'était hier

Jean Laforge - Alexis le trotteur - huile relief, 1967
© Christiane Laforge - Photo Jeannot Lévesque



Jeudi, 12 juin, avait lieu à Chicoutimi, le vernissage d'une exposition
rendant hommage à mon père.
C'était hier.

S'il était encore vivant, Jean Laforge aurait dit:
eh! Ben!
J'ajouterai :
enfin!

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Concept d’exposition

Jean Laforge
Maître du relief
(7 juin 2008-11 janvier 2009)


« Les beaux-arts doivent tenir compte des techniques nouvelles, mais aussi et surtout, des nouvelles expériences, des nouvelles sensations que les hommes devront exprimer; ouvrir leurs yeux sur un autre univers et former leurs mains pour de nouvelles techniques. »
(Jean Laforge)


Artiste autodidacte, le peintre Jean Laforge a consacré toute sa vie à la peinture et au renouvellement de son art. Ayant pour mandat de promouvoir la production d’artistes régionaux qui se distinguent par leur excellence, la Pulperie de Chicoutimi a choisi de présenter l’exposition Jean Laforge, Maître du relief qui se tiendra du 7 juin 2008 au 11 janvier 2009. Il s’agit d’une suite à la série d’expositions des peintres de la région amorcée par la rétrospective de René Gagnon (2003), puis par celle de Jean-Guy Barbeau (2007).

Nous voulons faire connaître davantage ce peintre, décédé en mai 2006, que l’on surnomme le Maître du relief. Nous souhaitons rejoindre prioritairement le public local et régional. Ayant vécu plus de cinquante ans au Saguenay, M. Laforge s’est inspiré des paysages qui l’entouraient et des légendes d’ici. Soucieux de mettre en valeur la production artistique des autres artistes professionnels et amateurs, il a participé à de nombreux symposiums et expositions dans son village d’adoption, Sainte-Rose-du-Nord. L’exposition « Imaginaire poétique de Gilles Vigneault en peintures », réalisée en 1988, fut l’événement le plus marquant dans la carrière de Jean Laforge au Québec.

Belge d’origine, M. Laforge a participé à d’importantes expositions en Europe, notamment en Belgique et en Suisse. La peinture par empâtement, les thèmes privilégiés et les toiles de grand format rejoindront particulièrement la clientèle européenne durant la période estivale.

L’exposition permettra de faire découvrir sous un nouveau jour l’œuvre de M. Laforge à partir d’une sélection de tableaux sur différents thèmes et périodes. Notamment, nous voulons mettre de l’avant le travail de recherche formelle de cet infatigable chercheur.


Objectif général

Nous désirons mettre en lumière la recherche fondamentale de cet artiste qui tout au long de sa carrière a mené plusieurs expérimentations. Inspiré par un bas-relief de plus de 2000 ans, le peintre a trouvé dans les enseignements des Anciens des pistes de solution pour résoudre le problème de la coloration de la pâte. Sa technique de prédilection, le relief, lui a permis de naviguer entre la figuration et l’abstraction.

S’adressant à un large public, l’exposition veut également témoigner du parcours de vie peu commun de Jean Laforge. L’évolution de l’œuvre du peintre est intimement liée à la vie personnelle de l’homme. Cette exposition favorisera la compréhension de l’œuvre et de la démarche artistique de ce peintre au parcours de combattant

Désirant fuir les mondanités et les réunions d’artistes, M. Jean Laforge s’est vu critiqué et renié par les tenants de l’abstrait, les non-figuratifs et les figuratifs. N’appartenant à aucune école de pensée, l’homme de convictions a payé cher le prix de sa liberté de créer. Pendant plusieurs années, il a vécu une période d’isolement. Plutôt réservé en public, le peintre faisait preuve de générosité lorsque des visiteurs se présentaient à son atelier. L’artiste tenait à ce que les acheteurs moins fortunés puissent acquérir de ses toiles.

Nous souhaitons que la diffusion des œuvres de Jean Laforge contribue au rayonnement et à la renommée de l’artiste.

Nathalie Boudreault
directrice des collections et de la recherche,
La Pulperie de Chicoutimi


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Qu'ajouter à cela sinon:


lundi 9 juin 2008

Une photo vaut mille mots

Photo Reuters - La robe de Sarah Jessica Parker


Les webmasters de cyberpresse font-ils de l’humour?

Dans son édition du 9 juin 2008, pour illustrer le potin sur le fait que la robe griffée Nina Ricci, fièrement arborée par Sarah Jessica Parker lors de la première new-yorkaise du film Sexe à New York, avait déjà été portée ( oh! scandale! ) par Lauren Santo Domingo, le 5 mai dernier, lors d’un bal. Pour preuve, elle a été photographiée, ainsi vêtue, en compagnie de son designer Olivier Theryskens, énonce l’article.

Ce qui m’amuse, c’est de voir la photo, telle que publiée sur le site web de Mon cinéma de cyberpresse.ca, reprise ci-haut, avec la légende «La fameuse robe en question… ».

Vous y voyez une robe ?????

dimanche 1 juin 2008

Leonard Cohen à Chicoutimi

Leonard Cohen à l'auditorium Dufour de Chicoutimi, le 30 mai 2008
© Le Quotidien. Photo Sylvain Dufour




Le Quotidien

Arts et spectacles, samedi 31 mai 2008, p. 3


Rien de moins que de l'amour
Leonard Cohen envoûte le public saguenéen


CHRISTIANE LAFORGE
claforge@lequotidien.com

CHICOUTIMI - Du jamais vu! Si intense que l’on demeure sans voix, ne trouvant pas le mot pour traduire ce moment d’exception. Un spectacle unique. Un personnage immense. Entre Leonard Cohen et le public ce n’est rien de moins que de l’amour.

Vendredi 30 mai 2008. Occupant la totalité des sièges de l’auditorium Dufour de Chicoutimi, le public vibre avant même l’arrivée des musiciens. Leonard Cohen entre en scène. C’est déjà l’ovation. «Je vous aime» crie quelqu’un. «Moi aussi je vous aime», réplique l’artiste. Si menu dans son costume anthracite, tenant son chapeau contre sa poitrine, saluant gentiment, il a une telle présence que l’on succombe, conquis.

À peine commence-t-il a chanter Dance me to the end of love que s’instaure une certitude : nous ne serons pas déçus. Loin de là.

Sur la scène, entièrement habitée par les nombreux instruments, trois choristes aux voix très belles, six musiciens - et quels musiciens ! Dix artistes en harmonie pour livrer un spectacle mémorable. À l’entracte comme à la fin, les réactions sont délirantes. Plusieurs fois le public se lèvera spontanément pour l’applaudir, manifestant son émotion sous l’impact des mots et son admiration pour la grandeur du poète.

Précédant ses chansons de courts textes qu’il récite en français, du moins au début, le charme de Leonard Cohen réconcilie Molière et Shakespeare, abolissant avec grâce les limites des deux langues. L’effet est impressionnant. Il crée un lien puissant entre lui et son public par le pouvoir de tout ce qu’il exprime à travers les mots et la musique de ses chansons. On peut bien aimer ses disques, cela ne rivalisera jamais avec ce qui se passe là, ce vendredi de mai, sur la scène de l’auditorium Dufour.

À la troisième chanson il demande «Est-ce que je peux parler anglais ?» pour évoquer ses 15 ans d’absence sur scène et prétendre avec humour «qu’il n’y a pas de remède pour l’amour». Jusqu’à la fin, il établit un lien entre ses chansons et ses musiciens, maintenant le rythme sans bavure. C’est impeccable et chaleureux, propice à l’adhésion inconditionnelle aux échos d’une âme sensible, lucide, tourmentée et pourtant amoureuse. «Comme un oiseau sur la branche, je cherche ma liberté» récite-t-il avant de chanter la très émouvante Bird on a wire. Ce qu’il dit, ce qu’il chante n’a de simple que l’apparence. Ses textes, même les plus sombres, sont d’une telle poésie qu’on les reçoit l’esprit ouvert à la confiance qu’il a d’être compris. Et il l’est.

Everybody Knows met en évidence la grande qualité de ses musiciens. La répétition de certaines phrases, comme un mantra, s’appuie sur la musique. Elle en modifie la couleur, en accentue le sens qui se transforme dans le rythme et les intonations. Avec In my secret life on a le sentiment qu’il entre à l’intérieur de la chanson. Ce n’est pas mécanique, ce n’est pas technique. Cela vient de l’intérieur de lui et explose en douceur dans l’oreille de nos cœurs.

De sa voix grave, il crée de la douceur. De sa silhouette il exprime toute la profondeur de sa parole. Puisant dans les succès anciens, risquant des chansons nouvelles, la salle réagit sans cesse et avec force. Lorsqu’il termine la première partie c’est l’ovation. À la seconde l’accueil est vibrant et Suzanne ajoute à la fièvre du public. Hallelujah les éblouit. Democracy les transporte.
Pas question de le laisser partir, la salle scande son retour. Il revient de bon cœur et, trois chansons plus tard, ravira tout le monde en disant: «On n’est pas pressé», avant de continuer.

Difficile d’expliquer ce qui se passe entre cet homme et son public. Une communion. Une reconnaissance. Tout se résume à cet aveu spontané : «Je vous aime» lancé. Moi aussi monsieur Cohen… plus encore, désormais !

Leonard Cohen, si menu dans son costume anthracite, tenant son chapeau,
saluant gentiment, a une telle présence que l'on succombe, conquis.

© Le Quotidien. Photo Sylvain Dufour



Catégorie : Actualités
Sujet(s) uniforme(s) : Musique; Littérature et livres
Taille : Moyen, 478 mots

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