mercredi 3 février 2016

LETTRE À MON FILS

La beauté du monde
© Andrée-Anne Lachaine photographie

Ariel, mon fils bien aimé,

Voilà 33 ans que je ne cesse d’être éblouie par toi. Fils de mon âme, fils de mon cœur, fils de mes rêves. Enfant qui me rend orgueilleuse, homme qui est devenu ma fierté. Voilà 33 ans que tu m’as appris la fascinante force de l’amour inconditionnel. Tu as permis à la jeune femme que j’étais de devenir l’humaine que je suis.

De toi, grâce à toi, avec toi, j’ai grandi.

Tu m’as tant donné.

Merci mon fils.

Il y a 33 ans, la femme qui est devenue mère en te donnant la vie avait de grandes ambitions. Je voulais que la terre soit un grand jardin où cultiver le bonheur, le partage, la générosité, l’amour de l’autre. Petit garçon, tu me demandais d’ajouter un étage à notre maison heureuse pour y accueillir ceux qui n’avaient pas notre chance.

Lorsque j’ai commencé à te révéler le mystère des lettres pour que les mots te soient une source inépuisable du savoir, j’étais convaincue que tous ensembles, gens de ma génération, ces hommes et femmes qui avaient 20 ans en 1968, nous construirions un monde de justice capable d’ensevelir les canons sous les fleurs. 

Les 20 ans de 1968 ont vieilli. Beaucoup ont troqué leur rêve contre leur sécurité, leur idéal contre leur privilège, leur courage contre la peur, courbant l’échine devant un monde cherchant à soumettre toute vie aux diktats d’un capitalisme honni où la valeur humaine est mesurée en productivité au service de la croissance de leurs profits. C’est ma déception. C’est ma honte.

Pardonne-moi mon fils.

Et pourtant! Aujourd’hui, si les pessimistes et les soi-disant lucides n’ont pas pu rogner mes ailes malgré le saccage actuel de tout ce que nous avions bâti, c’est parce que ta jeunesse idéaliste, courageuse et généreuse me fait rempart.

Ce 3 février 2016 tu as 33 ans. 

Tu as réussi de longues études correspondant à ta personnalité. Tu n’as pas fait de compromis entre le savoir et l’avoir. Dans tes actions, tu démontres tes valeurs et, plus que tout, ton amour de la vie, la certitude de ton présent et ta foi en l’avenir. Tes quatre enfants en témoignent. 

Je demeure optimiste, confiante et toujours aussi passionnément éprise de la vie, parce que cette vie à laquelle je crois, Ariel, a ta beauté. 

Maman