mercredi 31 décembre 2008

Adieu 2008


Devant La Maison heureuse, neige sur l'arbre aux oiseaux

Lorsque je me suis éprise de la vie, j’ignorais qu’elle allait se transformer en cheval fou, galopant bride abattue au fil des ans.

«Le temps passe trop vite» disaient mes père et mère à leur huitième décennie, oubliant avoir sermonné ma jeunesse impatiente disant : «Tu as tout le temps pour cela… Tu as toute la vie devant toi.»

Eh! Bien non, je ne l’ai pas eu le temps. J’ai voulu l’étreindre pour mieux le retenir. Il a toujours filé, insaisissable comme le vent gonflant les voiles de mon voilier. Je sentais sa présence. Une force me propulsant vers demain, orgueilleuse de fendre les eaux de ma vie vers les continents de mes passions.

Terre… Terre, crient aujourd’hui les moussaillons de ma descendance, ignorant que je ne veux pas vraiment y aller… en cette terre. Je veux pousser plus loin, être une mer sans fin, une mère sans limite.

L’humain voyageur arbore sur ses valises les vignettes des pays visités. Les souvenirs de mes traversées tumultueuses et de mes escales en ports d’attache toujours temporaires ont laissé des traces; ils collent à ma peau comme les coquillages à la coque des navires. Pas question d’en retirer un seul. Ils sont mon histoire.

Avec regret, je dis adieu : Adieu 2008.

Avec gourmandise j’ouvre les bras à 2009. Bienvenue 2009. Viens, que je t’enlace!


Le regard du père


Ariel regarde sa fille Élika


Noël 2008
Le regard d'un père sur sa petite fille.
Toute la tendresse.
La beauté.

Élika apprend l'amour.

Qu'est la crise économique à côté de cela ?

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jeudi 11 décembre 2008

Épreuves du temps d'André Boucher


© Photo André Boucher - Épreuves du temps





Condensé du reportage publié dans le Progrès-Dimanche
Les Arts, dimanche, 30 novembre 2008, p. 34

Livre d'art Épreuves du temps
André Boucher sublîme ce qui est



© Photo André Boucher - Épreuves du temps


Par Christiane Laforge

L'œil aiguisé du photographe de presse, jadis au journal Le Soleil, a su voir l'œuvre du temps. Là où nous serions si nombreux à ne percevoir qu'usure et délabrement, André Boucher a saisi la beauté cachée sous les «Épreuves du temps».

Surfaces ridées, craquelées, couches de couleurs superposées se soulevant comme pelures qu'il a encadrées dans l'objectif pour n'en retenir que l'essentiel.

Le temps est un artiste. On le constate au regard de ce livre de photographies, lancé en octobre dernier lors de l’inauguration d’une importante exposition sur ce thème qui se termine ce 30 novembre au Centres des arts contemporains du Québec, à Montréal.



© Photo André Boucher - Épreuves du temps

En 1995, le fondateur du Groupe Image, devenu photographe indépendant au service des arts et des médias, publie un premier ouvrage au titre interrogatif et précurseur? : «Est-ce que quelqu'un a remarqué quelque chose?» Lui, certainement!

En 2002, le Salon d'automne international des Beaux-arts de Montréal, rend hommage à la qualité de son travail et lui décerne une médaille d'or pour «Pelure de fer». Il était l’unique photographe parmi une cinquantaine d’exposants à cette biennale internationale.

À 57 ans, ce Saguenéen d'origine, présente le fruit de quinze années de recherches, dans un livre étonnant, à rendre jaloux les peintres en quête de formes et de couleurs exceptionnelles.

«Épreuves du temps» est un recueil de photographies sur l'érosion d'un environnement urbain qu'il nous invite à regarder autrement.



© Photo André Boucher - Épreuves du temps


André Boucher est perçu par certains comme un photographe impressionniste. Si l’on conçoit que l'impressionnisme se caractérise «par une tendance à noter les impressions fugitives, la mobilité des phénomènes plutôt que l'aspect stable et conceptuel des choses», le terme convient à son approche photographique qu’il résume superbement : «Créer pour capter l'instant magique qui se livre, se révèle pour sublimer ce qui est, témoigner de ce qui fut. Créer pour laisser une trace, quelques grains de lumière et un peu de son âme derrière soi.»

Le livre

À la découverte du livre «Épreuves du temps», la surprise est totale. À moins d'être familier avec le travail du photographe André Boucher, on se convainc de feuilleter un livre d'art représentant les toiles d'un peintre.

Christine Leroy, qui signe le texte de présentation, l'exprime très bien: «Oscillant entre abstraction et figuration, impressionnisme et automatisme, la photographie d’André Boucher surprend malgré elle, emprunte un langage pictural qui nous confond. Elle se joue des limites, du temps, de l’histoire de l’art et des hommes, pour leur livrer, dans une éclatante métaphore chromatique, le devoir de vigilance.»

Voir au-delà

À défaut d'avoir pu visiter son exposition «Épreuves du Temps» qui se terminait le 30 novembre dernier au Centre des arts contemporains du Québec, le livre offre une alternative des plus séduisantes. L'œil est confondu. S'agirait-il de peintures qu'on ne serait pas moins curieux de tourner les pages pour découvrir tout un monde de formes et de couleurs. Savoir regarder. Dépasser l’apparence pour voir au-delà. André Boucher ne pratique pas uniquement l’art de la photographie, mais aussi l’art de regarder. Derrière sa lentille, il montre le chemin d’inattendu.

Sans doute passerions-nous à proximité de ces surfaces, murs ou portes, bois ou métal - on ne peut pas nommer «la chose» - sans y voir plus que la corrosion des jours. André Boucher a choisi de s'en approcher, captant les strates révélatrices de toute une histoire à deviner.

Il le dit lui-même : «Je cherche l'inédit, l'inattendu, l'éphémère, le viscéral, les textures et les couleurs qui deviendront intemporelles avec une dimension insoupçonnée.»



© Photo André Boucher - Épreuves du temps

Œil de maître

Dans certaines photographies, on pourrait prétendre voir un paysage, grand ciel bleu dominant une plaine désertique où la verdure peine à s'étendre. Pour d’autre, une parcelle d’un tout plus grand dont l’absence de forme à reconnaître cède le pas devant l’abstrait où tout demeure en équilibre, comme la toile réussie d’un maître peintre.

Sillonnant les rues de Montréal ou s'échappant sous le soleil de la Havane, le regard du photographe s'attarde sur les surfaces dont il cerne les effets résultants du temps, sa durée comme ses intempéries et son soleil.

«L'artiste nous livre une vision très personnelle, un regard unique et pourtant empreint d'universalité, une œuvre métissée et multiple entre accent zen et expression baroque, nordicité et exubérance tropicale, faisant écho à la diversité du monde», conclut Christine Leroy.

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Entretien avec André

Devant les œuvres exposées du photographe André Boucher ou même les reproductions de son livre «Épreuves du temps», les spectateurs, même des professionnels de la peinture, sont mystifiés, croyant admirer des peintures. Armand Vaillancourt ne s’y est pas laissé prendre. «C’est un des rares, constate André, ajoutant, mais je ne fais pas cela pour mystifier. C’est un problème de perception. Ma perception. Je photographie les ravages du temps sur le bois ou le métal comme on fait de la récupération. Je vois la beauté.»

Évoquant Cuba où il a mitraillé des lieux vétustes, il raconte : «Pour moi, c’est un paradis. Pour eux c’est un cauchemar. Finalement, ils se rendaient compte que je trouvais beau leur environnement.»

À sa manière de regarder, André Boucher réconcilie l’âge et ses rides. C’est toute l’histoire d’une vie qu’il saisit dans l’objectif de l’appareil photo.

Du vol à l’envol

Après ses études au Cégep de Jonquière et quelques semaines d’apprentissage au Progrès-Dimanche en 1972, André Boucher hésite entre rester pour la naissance du nouveau journal Le Quotidien, né en octobre 1973 et un poste de photographe de presse au Soleil de Québec. Admirateur de Don McCullin, il préfère l’esthétisme du sujet que la contrainte conventionnelle du fait divers. Ses confrères le surnomment «Le poète aux vertes espérances».

Le vol de tous ses appareils de photo, au début des années 1980, provoque son envol vers une indépendance ponctuée, «de simplicité volontaire» commente-t-il avec humour.

Les trois ans du Groupe image , «où j’ai compris que je n’étais pas un tenancier de galerie», les tribulations dans le monde des artistes comme photographe indépendant, les incursions dans le monde du cinéma, du documentaire et de la télévision (Laflaque en 2D), tout ce qu’il a fait l’a conduit à cette publication audacieuse du livre «Épreuves du temps», tiré à 1000 exemplaires, aux éditions Carte Blanche.

Les pages du livre représentent la somme de 15 années d’expériences humaines et techniques, entre 1986 et 2004. «Je suis issus d’une école très mélangée», résume-t-il, concluant que «la photo numérique c’est libérateur. Mais attention, mes photographies sont sans altération, elles ne sont pas modifiées.»



André Boucher dédicace son livre à Claude Péloquin
© Photo Michel Tremblay


La tête pleine de projets, l’artiste prévoit se donner quelques semaines de repos avant d’entreprendre une nouvelle étape, dans le documentaire. Il est question d’une collaboration avec le poète Claude Péloquin et de nombreuses autres idées jaillissant du temps consacré à numériser tous les négatifs accumulés au cours de sa carrière de photographe de presse.

«Heureusement, j’avais gardé mes droits d’auteur sur tous mes négatifs.» Ouf! S’exclame-t-il, songeant à la destruction massive des nombreuses archives de presse, brûlées pour faire de la place.

Sachant si bien regarder le passé, André Boucher, artiste photographe, a tout l’avenir devant lui.

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vendredi 5 décembre 2008

Babine... s'émerveiller encore!


Il y a des films qui nous enchantent



Photo - © 2008 Alliance Films Inc.
Vincent-Guillaume Otis (Babine) et Luc Picard (Toussaint Brodeur)



Progrès-dimanche
À l'écran - Télé et cinéma, dimanche, 30 novembre 2008, p. 43

Babine

Irrésistible!

Christiane Laforge

Irrésistible Babine! Ce conte filmé de Fred Pellerin, réalisé par Luc Picard est un cadeau. On en porte le souvenir comme un bijou au cœur. Un charme magique qui nous rassure, convaincu désormais de ne jamais succomber au désabusement parce que le ciel de Pellerin est envahi par les lucioles.

Que l'on connaisse les personnages de Fred Pellerin par ses livres ou ses spectacles ou non, importe peu. Dès la première image, en plongée sur la vallée profonde où se niche le petit village de Saint-Élie-de-Caxton, le spectateur est séduit.

Il suffit de s'abandonner, guidé par la voix du narrateur (Fred Pellerin) qui va décrire les tourments, les chagrins, les joies de Babine, le fils de la sorcière, et des gens de son village au temps où on "fabriquait de la démesure sur le grandiose de notre quotidien".

On y raconte ce pays du barbier de sévices, de la belle Laurette, prix Nobel de l'amour" effeuillant sans fin la marguerite, de la fumeuse de bonne aventure, des mains de fer en quête de velours. On y décrit les déboires du Forgeron amoureux de la Veuve St-Barnabé, maîtresse du Vieux curé, de Madame Gélinas enceinte depuis vingt ans, du Curé Nouveau qui pratique l'art "de punir le coupable et culpabiliser les autres". Bref! comme le dit si bien le conteur, il s'agit "d'un rêveur du minuscule qui récolte l'incroyable".

Une équipe

Photo - © 2008 Alliance Films Inc.

La distribution : Vincent Guillaume Otis, Luc Picard, Alexis Martin, Isabel Richer,Marie Brassard, Julien Poulin, Marie-Chantal Perron, Antoine Bertrand, René Richard Cyr, Maude Laurendeau, Gildor Roy

Le film est le résultat d'un véritable travail d'équipe. À l'imagination débridée du conteur, plusieurs ont ajouté leur science. Joanne Arseneau apprenant à Fred Pellerin les contraintes d'un scénario, Luc Picard brossant la part d'humanité des personnages que le conteur percevait comme une bande dessinée. "Luc a étoffé les personnages et l'univers visuel du scénario: il les a rendus plus réalistes pour l'écran." Savoir garder la folie de l'un tout en préservant le réalisme de l'autre.

Savoir aussi capter en chaque comédien l'étincelle propice à la magie essentielle à une telle histoire. La distribution est un coup de maître. Chaque rôle est superbement campé. À croire qu'il n'y a que des premiers rôles.

Vincent-Guillaume Otis crée un Babine d'une naïveté touchante. L'innocence dans sa beauté. La gentillesse enrobée de courage et de générosité. L'expression de son visage, le langage du corps, la maîtrise des gestes, tout est réussi dans ce jeu qui nous révèle un grand comédien.

Luc Picard (Toussaint Brodeur) a la flamme qui convient à cet original tout en tendresse et passion, Isabel Richer (La sorcière) a la beauté et la prestance... De quoi damner un saint et exaspérer le Curé Neuf (Alexis Martin) détestable à souhait comme il se doit dans un conte bien fait. René Richard Cyr peut se laisser aller à toutes les fantaisies dans le rôle du décoiffant Méo Bellemare.

Le langage

Le mieux sera de les découvrir dans ce film dont le visuel n'a rien laissé au hasard. En recomposant le village de Saint-Élie-de-Caxton, Nicolas Lepage, concepteur visuel et Jérôme Sabourin, directeur de la photographie, sont parvenus à ancrer les lieux dans un mélange de réalité fantastique.

Un budget de 6,3 millions$, 200 plans d'effets visuels. C'est déjà un exploit. Et pourtant, s'il y a tant de magie dans ce film, s'il nous reste collé à la mémoire, c'est par une singulière et magnifique symbiose entre Fred Pellerin et ses interprètes. Les tournures de phrases, les expressions, la poésie et les prouesses verbales qui font la popularité du jeune auteur nous sont rendues avec un naturel désarmant dans la bouche des comédiens. Un beau film! Un grand film!

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Astérix aux Jeux Olympiques



Il y a des films qui nous déçoivent


Oélix (Gérard Depardieu) et Idéfix
Astérix aux Jeux Olympiques
Photo Brono Calvos / Laurent Pons
© 2007 Les Éditions Albert René / Goscinny - Uderzo





Progrès-dimanche
À l'écran - Télé et cinéma, dimanche, 16 novembre 2008, p. 47

Astérix aux Jeux Olympiques

La médaille d'or du pire cinéma

Christiane Laforge

Déception assurée pour les fans de Goscinny et Uderzo, pères d'Astérix le Gaulois qui voudront se procurer le troisième film de la série Astérix, maintenant disponible en DVD. Frédéric Forestier et Thomas Langmann ont produit un véritable navet non comestible.

Il a fallu se donner beaucoup de mal pour que le film "Astérix aux jeux olympiques" coiffe les lauriers du dérapage le plus réussi. Une couronne fanée de 80 millions d'euros. La participation des professionnels du sport Zidane, Mauresmo et Parker, clin d'œil pourtant sympathique, n'ont pu faire rebondir des répliques aussi dégonflées qu'un ballon troué. Même Michaël Schumacher n'a pu sauver la mise pour franchir la ligne d'arrivée d'une course à la débilité.

Piètre scénario

Ce film n'a rien à voir avec la bande dessinée de René Goscinny et Albert Uderzo. Le scénario en a conservé quelques répliques, reprises parfois hors contexte et bien loin de l'humour et de la finesse d'esprit de ses créateurs.

En fait, ils étaient quatre scénaristes, Thomas Langmann, Alexandre Charlot, Olivier Dazat, Franck Magnier, à concevoir une très infidèle histoire inspirée de la célèbre bande dessinée. Un attelage sans cheval de tête où chacun a dû vouloir tirer dans sa direction.

Sthéphane Rousseau (Alafolix) - Astérix aux Jeux Olympiques
Photo Brono Calvos / Laurent Pons
© 2007 Les Éditions Albert René / Goscinny - Uderzo

Cela expliquerait peut-être l'absence de cohérence de l'intrigue dont on ne sait plus si la trame repose sur les tentatives répétées de Brutus pour tuer César ou sur la compétition olympique. En introduisant de nouveaux personnages - Brutus (Benoît Poelvoorde) malgré tout assez crédible, Alafolix (Stéphane Rousseau) condamné à un rôle sans panache ou la princesse Irina (Vanessa Hessler) sans consistance - en modifiant l'intrigue originale pour l'abêtir dans un conte maladroit où la princesse doit épouser le vainqueur, la trahison est complète. Le chien Idéfix a finalement le meilleur rôle.

Les producteurs de ce désastre ne prétendent pas reproduire au cinéma la bande dessinée de Goscinny et d'Uderzo. "Tirée de l'oeuvre de ..." spécifie le générique. Encore heureux de le préciser car cette parodie douteuse est tout ce que l'on veut, sauf inspirée. Difficile de ne pas y percevoir un opportunisme malsain, croyant profiter lucrativement, du battage médiatique pré-olympique des jeux de Beijing.

Sauve qui peut


Alain Delon dans le rôle de César - Astérix aux Jeux Olympiques
Photo Brono Calvos / Laurent Pons
© 2007 Les Éditions Albert René / Goscinny - Uderzo

Dommage pour Stéphane Rousseau. Faire partie d'une distribution prestigieuse devait le ravir. Ce rôle d'Alafolix ne sera certainement pas sa meilleure carte de visite. Le personnage est d'une telle vacuité que tout le talent qu'on lui connaît et qui n'apparaît pas ici n'a aucune chance de sauver le personnage. Le César campé par Alain Delon parvient à se hisser quelque peu au-dessus d'un jeu d'acteur désespérément nul.

Quelques scènes, trop rares, permettent de croire qu'il y a eu un minimum de compétence au service de ce film... sans doute un intrus se trompant de plateau: César vu de dos, bras levé, comme pour saluer d'un seul geste toute la grandeur de l'armée romaine, une mer de soldats en rangs parfaits nous rappelant Star Wars. Ainsi que certains passages de la course de chars.

Mais ce "peu" est rapidement oublié devant les bourdes répétées d'une équipe qui a peut-être voulu remporter la médaille d'or du championnat peu enviable du pire cinéma.

© 2008 Progrès-Dimanche.

Astérix aux Jeux olympiques (France, 2008). Réalisation : Frédéric Forestier et Thomas Langmann. Scénario : Alexandre Charlot, Olivier Dazat, Franck Magnier et Thomas Langmann, soi-disant inspiré de la bande dessinée de Goscinny et Uderzo. Production : Jérôme Sedoux. Musique : Frédéric Talgorn. Image : Thierry Arbogast. Montage : Vincent Tabaillon. Décors : Michail Krasnoborov Redwood. Costumes : Chloé Lesueur. Interprétation: Benoit Poelvoorde (Brutus), Clovis Cornillac (Astérix), Gérard Depardieu (Obélix), Alain Delon (Jules César), Stéphane Rousseau (Alafolix), Jean-Pierre Cassel (Panoramix), José Garcia (Couverdepus) et Adriana Karembeu, Jamel Debbouze, Francis Lalanne, Zinédine Zidane, Michael Schumacher, Franck Dubosc, Sim, Amélie Mauresmo, Tony Parker et autres grandes stars du cinéma français.

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mercredi 3 décembre 2008

La vie est belle

Ariel, né le 3 février 1983
Photo de mon fils, au quatrième jour de sa vie

Ce 3 décembre 2008, Ariel a appris que son second enfant sera un fils.

Je regarde la photo de ce bébé de quatre jours, encore toute étonnée de la puissance de cette vie qui se continue encore et encore. Le petit garçon endormi venait d'arriver dans la Maison heureuse où, maintenant devenu un homme, il va, à son tour, y accueillir son fils, au printemps 2009. Un petit frère pour Élika, petite reine de nos cœurs depuis septembre 2007.

L'amour se multiplie.

Projet de vie 2 d'Ariel et Andrée-Anne
Rendez-vous dans 138 jours


mercredi 26 novembre 2008

Dieudonné à Chicoutimi







Le Quotidien

Actualités, samedi, 1 novembre 2008, p. 4

Dieudonné appuie là où ça fait mal

Christiane Laforge

CHICOUTIMI - Ne cherchez plus du vitriol. Dieudonné a tout consommé.

J'ai fait l'con, annonce-t-il dans le titre de son nouveau spectacle. Moi non plus a répondu un public jaune-hilare, hier soir, à l'auditorium Dufour de Chicoutimi.

C'est que le très controversé humoriste français appuie là où ça fait mal. Difficile de garder les yeux fermés sur les drames d'une humanité malade de surconsommation et de ses ambitions économiques. Comment s'absoudre des fautes passées quand elles sont commises dans le présent?

"L'humour, c'est tout ce qu'il me reste", déclare-t-il après avoir brossé quelques scènes d'horreur.

Des histoires qui ont fait rire une salle de 350 personnes, où jeunes et moins jeunes ont démontré qu'ils étaient très au fait de l'actualité internationale, de la politique européenne, africaine, américaine et tout autant des hauts faits des plus grands criminels.

Évoquant le boycott que lui font subir les médias français, Dieudonné a très vite répondu aux attentes de son public, paré à entendre la rumeur voulant que Le Pen ait accepté d'être le parrain au baptême de sa fille. Tous les moyens sont bons pour faire parler de soi, faut-il comprendre, "Puisque, ose-t-il dire, si tu as pas de kippa dans une agression, on ne se déplace pas."

L'acuité du regard qu'il porte sur les comportements sociaux n'a d'égal que le verbe acide dont il use pour nous renvoyer l'image de ces "voyeurs" friands des actes odieux et des scandales dans lesquels se complaisent les médias. Quoique les coups les plus violents qu'il assène demeurent son récit sur les Pygmées. Le parallèle entre la déforestation condamnant les Pygmées d'aujourd'hui à disparaître et le sort des Amérindiens il y a 400 ans en est un bel exemple.

"Les autochtones, sous prétexte qu'ils sont là depuis toujours, ils se croient chez eux", lance-t-il.

"Mais il est où ton pouvoir d'achat?" demande-t-il au personnage fictif qui semble ne pas comprendre l'importance du pipeline traversant l'Afrique pour transporter le pétrole si "essentiel" aux Américains.

Dieudonné n'hésite pas écorcher quelques politiciens, Powell, Sarkozy, Bush et Harper, au grand plaisir du public qui manifeste son approbation. Son Colin Powell allant devant l'ONU avec "la preuve irréfutable" de l'existence des armes de destruction massive en Irak, l'interview des mères, frères et fils de criminels célèbres, les allusions à Condoleeza Rice comblent la salle qui réagit à tous ses coups.

Grinçant

Il y a des moments très intenses dans ce spectacle d'humour grinçant.

On regrette cependant certaines longueurs. Le sketch mettant en scène le président du Cameroun et une journaliste traîne en longueur et fait perdre de l'efficacité à des répliques, malgré toute l'ironie qui s'en dégage.

Les interventions du personnage, jouant le rôle de metteur en scène, n'apportent rien au spectacle. Au contraire, elles coupent le rythme et atténuent l'intensité créée par l'humoriste.

Le spectacle de 90 minutes, sans interruption, s'est terminé dans l'émotion alors que Dieudonné a récité un texte sur la Palestine dans le style de son ami, le chanteur Claude Nougaro, auquel il a emprunté l'accent teinté de soleil pour prêter sa voix à un jeune kamikaze palestinien. Un beau moment.

Irrévérencieux, cru et mordant, l'humour de Dieudonné est d'une redoutable efficacité. Serait-il un miroir, non déformant, renvoyant à chacun son image? Mieux vaut en rire! L'humour n'est-il pas tout ce qu'il nous reste? o

© 2008 Le Quotidien. Tous droits réservés.


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vendredi 14 novembre 2008

Obama, 44e président des USA



Le 4 novembre dernier, plutôt que d’assister, à la salle François-Brassard du Cégep de Jonquière, à la représentation inattendue de «Barabbas dans la passion l'origine du premier clown noir», que je me réjouissais pourtant de voir enfin, j’ai succombé à la tentation de suivre le dépouillement du vote des Américains. Je voulais assister en direct à la fin du règne républicain et à l’élection du premier président née d’une femme de race blanche (Ann Duham) et d’un homme de race noire (Barak Hussein Obama Sr.). Je savais que le Théâtre du Faux-Coffre m’offrirait, le printemps prochain, une autre chance de les voir sur scène. Je n’avais que ce 4 novembre pour assister à cette élection sans précédent.

Au moment de choisir leur candidat à la présidence, les Démocrates ont préféré Obama. J’aimais les qualités d’Hillary Clinton. Mais bon!… on est en démocratie.

Ils ont eu raison. Les Américains ont élu Barak Obama. En fait, 349 grands électeurs sur 538 l’ont élu, ainsi que 95% des Afro-Américains, 60% des Latinos et asiatique, 56% des femmes, 66 % des jeunes de moins de 29 ans, 52% des 30-44 ans, 50% des 45-59 ans sur les 64,1% Américains ayant exercé leur droit de vote. Parmi la population blanche (74% des Américains), Barak Obama a obtenu 43% des suffrages contre 55% pour McCain.

Un homme à la peau noire accède à la présidence des États-Unis.

L’incroyable d’un temps révolu est maintenant arrivé.

Y pensant, ces derniers jours, me sont revenus ces mots de mon enfance : « Après des siècles et des siècles d'esclavage, le Belge sortant du tombeau a reconquis par sa force et son courage son nom, ses droits et son drapeau. » (3e version, 1860, de la Brabançonne). Quand l’oppressé se redresse, il y gagne en grandeur

Le symbole est beau!

Le discours de Jon Favreau, oh! pardon… le discours d’Obama, chargé d’une force émotive impressionnante, a su l’exprimer. Et ce récit de la dame centenaire afro-américaine, témoin vivant de nombreux changements sociaux et politiques, quelle image puissante!

Depuis le 4 novembre, les commentateurs utilisent les mots : espoir, rêve, changement. Les attentes sont si grandes à l’égard d’un seul homme que je m’inquiète.

Non non, je n’aurais pas voulu de McCain. encore moins le jour où il nous a présenté Sarah Palin comme aspirante à la vice-présidence. Je n’ai pas l’esprit républicain. Farouchement libre penseur, je crains les gens de droite autant qu’ils me désolent.
Mais que de questions encore sans réponse sur ce 44e président d’un pays que 53% des 64,1% votants, soit environ 34% des Américains de 18 ans et plus, ont élu.

Mon rêve à moi… peut-être la prochaine étape dans cette évolution : une femme multiraciale, socialiste et athée à la présidence des Etats-Unis?

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samedi 1 novembre 2008

Jérémie Giles


Jérémie Giles
© Photo Jeannot Lévesque - Le Quotidien

L'art au service d'une cause humanitaire est une constante dans notre société québécoise. Jérémie Giles en a fait un code de vie depuis longtemps. Le peintre sculpteur de Jonquière a présenté une grande exposition de 75 tableaux, inaugurée le 2 octobre dernier, à l'Agora de la Maison du Citoyen de Gatineau. L'ensemble des œuvres ont été mises en vente sous forme d'encan silencieux au profit de La maison Mathieu-Froment-Savoie, centre de soins palliatifs fondé en 1999 à la mémoire du jeune violoncelliste prodige Mathieu Froment-Savoie, mort d'un cancer à l'âge de 13 ans.

Sur les toiles peintes au nom d'un jeune artiste, Jérémie a composé les couleurs des lieux aimés de sa vie. Ses Extraits du pays portent un regard appuyé sur la beauté de sites particuliers, croqués au crayon ou à la caméra dans les territoires variés de ses pérégrinations à travers le Québec. Homme de toutes les terres, plutôt que de se faire le chantre d'un seul pays, le peintre capture l'essence du lieu unique pour en extraire ses traits universels. C'est ainsi que ses paysages peuvent être de partout dans l'univers nordique, tout en nous étant familiers dans la force évocatrice de ses eaux et la luxuriance de ses forêts.


© Toile de Jérémie Giles
© Photo Jeannot Lévesque - Le Quotidien

Du portrait au paysage, du figuratif à l'abstrait, les techniques de l'art n'ont pas de secret pour lui. Explorateur d'expérience, il ne s'impose aucun style, sinon le sien, préférant adapter son coup de pinceau à l'intention qui sous-tend un projet. Pour cet encan silencieux, le langage de ses toiles était celui du paysage.

« Le paysage pour moi, ce n'est pas la maison dans un décor, ni l'homme ni l'animal... Je ne m'intéresse pas à ça. Notre paysage c'est d'abord le ciel, le roc, la flore et l'eau. Je veux me concentrer sur l'aspect du paysage vierge. Essayons d'apprécier l'esthétique des choses plutôt que la reconnaissance. »

Concepteur et réalisateur de vastes projets, Jérémie Giles annonce que cette exposition était la dernière d'une telle ampleur qu'il réalisera. Il a puisé dans ses réserves de collections antérieures pour compléter le nombre imposant des toiles, bien qu'une grande partie ait été conçue au cours de la dernière année. Une tâche d'envergure dont il ne s'est laissé distraire que par quelques sculptures, dont deux bustes de peintres du Saguenay (Jean-Paul Lapointe en 2007 et Jean Laforge en 2008) et, pour bientôt, un bronze grandeur nature de Mathieu Froment-Savoie jouant du violoncelle. S'ajoute une intéressante exploration d'une théorie en art visuel qu'il nomme le
parcellisme.

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L'exposition
Extraits d'un pays n'est pas la première du genre que réalise cet artiste. La liste est longue des entreprises d'envergure qu’il a menées à bien. Sa force réside dans un caractère fonceur autant que frondeur, indépendant jusqu'à l'absolu, qui n'a jamais retenu le sens du mot impossible.

Qu'une idée traîne dans les parages, Jérémie Giles la cueille comme d'autres ramassent les coquillages. Il ne se contente pas d'écouter le chant de l'océan d'une coquille vide collée à son oreille. Il n'aura de cesse que s'il parvient à faire entendre ce chant à tous les autres.

L'art est un miroir

Il a tenu plus de 46 expositions solos et 32 expositions de groupes. Fondateur du Symposium de peinture de Baie-Comeau, il y avait bâti et animé le Centre d'art Manicouagan, lieu de rencontre des grands poètes et peintres réputés, jusqu'en 1992. Passionné d'histoire et de sciences naturelles, il a réalisé deux importants centres d'interprétation des sciences de la terre, le plus récent étant l'Écomusée de Hull, inauguré en 1997.

Créateur de plusieurs dessins armoriaux et de plusieurs sculptures publiques pour des villes québécoises, il a sculpté l'explorateur Samuel de Champlain, une œuvre de trois mètres de hauteur coulée en bronze, inaugurée à Gatineau en septembre 2004 pour commémorer le 400e anniversaire de l'établissement de la première colonie française en Amérique.

Pédagogue-né, l'artiste accepte difficilement les limites. Las des restrictions budgétaires et coûts faramineux des droits de reproduction, il a trouvé un moyen original et exceptionnel de monter une exposition thématique sur l'expression identitaire canadienne à travers la peinture. À défaut de rassembler des œuvres témoins, Jérémie a contourné tous les obstacles dans une démarche titanesque se traduisant par une exposition itinérante de 72 tableaux, signés Jérémie, représentant autant de peintres canadiens décédés.

Cette collection complète porte le nom L'art est un miroir car, explique l'artiste:
« L'identité d'un peuple correspond à sa façon de s'exprimer et aux moyens qu'il emprunte pour le faire. Les arts, sous toutes leurs formes, sont justement les fenêtres à travers lesquelles les autres nous perçoivent et nous reconnaissent. »

Jérémie a brossé le portrait de 72 peintres sur une toile de fond reproduisant, dans le style propre à l'artiste représenté, une de ses toiles. Du Ayotte, du Borduas, du Cosgrove, du Fortin, du Jackson, du Krieghoff, du Pellan, du Villeneuve, de la main d'un peintre unique.

Un travail de quatre années de recherche et d'exécution.
« C'était un défi, dans le sens que je m'apercevais que la grande majorité ne distinguait pas ce qu'était l'art canadien. Je ne voulais pas projeter des diapositives sur un artiste, mais faire une lecture de son art, de sa démarche. »

La collection circule dans l'Ouest canadien. Viendra-t-elle au Saguenay-Lac-Saint-Jean? Il en coûterait moins de 10 000 $, mais cela semble trop cher pour nos institutions muséales.



L'art donnera-t-il un nouveau sens au mot parcellisme? Loin de l'entendre comme l'éparpillement d'une force commune, Jérémie Giles verse dans son
isme l'anoblissement du détail.




© Jérémie Giles - Toile peinte reproduisant une parcelle
d'une toile figurative (voir photo suivante)
© Photo Jeannot Lévesque - Le Quotidien


© Jérémie Giles - L'encadré intérieur cible la parcelle
destinée à être reproduite en grand.
(voir photo précédente)

© Photo Jeannot Lévesque - Le Quotidien


Démontrant que la composition globale d'une toile est la somme de parties équilibrées, il en extrait une parcelle minimale qu'il reproduit en grand.

« Je me demandais depuis ma vingtaine: pourquoi faut-il que l'image soit représentative de quelque chose ou de quelqu'un pour être appréciée? Pourquoi les formes et les couleurs ne peuvent-elles pas à elles seules communiquer un sentiment aussi puissant que celui de l'image identifiable ou reconnaissable? »

La question exigeait une réponse. «Cela m'a incité à explorer les moyens capables de démystifier ce passage du figuratif au non-figuratif tout en permettant d'apprécier également l'une ou l'autre forme d'image. »

Entraînant divers observateurs non initiés dans sa démarche, Jérémie a constaté que la personne, découvrant comment on pouvait extraire une image dite abstraite d'une image figurative, se montrait beaucoup moins réticente à observer et sentir des œuvres moins conventionnelles. « J'ai toujours pensé que l'œil évoluait lorsque la ligne qui sépare les deux formes d'art s'estompait. »

Pour inaugurer la présentation publique de sa démarche et illustrer le parcellisme, l'artiste juxtapose la toile figurative et la toile non figurative, reproduisant une parcelle agrandie de la première.

« En choisissant d'encadrer une parcelle d'un sujet ou d'une image dont nous sommes l'auteur, de transposer celle-ci sur une surface agrandie, on réalise ainsi un tableau parcellaire. C'est-à-dire que cette création est une composition faite selon les valeurs chromatiques, de lignes et de formes et surtout, selon un certain ordre esthétique. Ainsi, est né le parcellisme, une oeuvre abstraite, mais néanmoins concrète. »

Dans l'histoire de l'art, on apprend que les courants artistiques sont le résultat d'explorations menées dans l'univers des mots, des sons, des formes et des couleurs. Le peintre invite les créateurs à ouvrir grandes les fenêtres aux risques et périls de passer pour un illuminé. Il conclut: «L'image n'a jamais eu à être identifiable pour être signifiante, exaltante et inspirante. »

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Ce texte est la reprise modifiée d’un reportage signé Christiane Laforge
publié dans le Progrès-Dimanche du 28 septembre 2008




lundi 20 octobre 2008

Triple deuil

En moins d’une semaine, sur deux continents, j’ai dit adieu à trois personnes.
Jean-Guy Barbeau, Georges Gillotay et Gilles Paradis.

Jean-Guy
Pour le premier, il était 11h quand j’ai su. Quatre heures plus tard, j’avais «pleuré» les mots de ce chagrin dans un texte publié le lendemain dans les pages du journal Le Quotidien.

Georges

Pour le second, ce fut plus discret. Une lettre à son fils Patrick, en Belgique, pour lui dire toute l’affection de sa famille québécoise. Georges était venu au Québec en 1988, en compagnie de Suzanne. Quelques semaines inoubliables, disait-il. Je l’ai revu, pour la dernière fois, chez lui, en 1998. Nous avons écouté chanter Helmut Lotti, ravi de me prendre en défaut, lui qui connaissait Vigneault, en m’informant que ce chanteur est belge.

Gilles



Gilles Paradis, été 2008
© Photo Jeannot Lévesque

J’ai connu Gilles Paradis avant de m’inscrire parmi ses consœurs de travail. C’était vers 1963. J’étais à l’âge où les parents disent aux enfants d’aller jouer dehors pour ne pas déranger les grandes personnes. Branle-bas de combat dans la maison : deux journalistes étaient attendus. L’aura du mot journaliste! Une espèce capable de provoquer le fantasme à la seule idée d’être doté de ce pouvoir de vaincre l’anonymat.

Gilles venait rencontrer mon père pour parler du projet «Parc Royal», un plan de développement touristique des monts Valin, avec pentes de ski, descentes des rapides, chasses à courre, et plus encore. Ce n’était pas une première pour papa. Il avait déjà fait les manchettes avec son pouvoir électrique construit sur la décharge, pourtant bien modeste, du lac artificiel qu’il avait fait naître à Saint-Honoré.

Puis ce fut mon tour, en 1972. Gilles Paradis, journaliste aux arts pour Le Soleil, avait écrit un reportage à partir des coupures de presse des journaux belges sur l’exposition de Jean Laforge à Bruxelles et le lancement, en présence du consul canadien, de sa biographie écrite par sa fille : «Christiane et Jean Laforge charment les critiques belges» écrivait Gilles Paradis. J’étais loin de soupçonner que nous allions tous les deux faire partie de l’équipe fondatrice du Quotidien, en 1973.

Gilles était celui qui demandait : «Comment vas-tu?» en demeurant attentif à la réponse. Ce n’était pas une formule de politesse, mais bien une vraie question. Je l’ai compris, un 24 mars. C’était mon anniversaire et personne ne semblait s’en soucier. Je me suis donc invitée au restaurant La Calèche pour un repas en solitaire. À l’entrée, j’ai croisé Gilles Paradis quittant les lieux.

- Ça va ? me demande-t-il, ajoutant aussitôt à ma grise mine :
- Ça va pas ?
- Juste mon anniversaire en solitaire, ais-je répondu.

Il est parti… Et revenu quelques minutes plus tard, une rose à la main.

Il était ainsi Gilles. D’une gentillesse à vous émouvoir. Et, je le regrette aujourd’hui, je ne lui ai jamais dit que cette rose amicale ne s’est jamais fanée.

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vendredi 17 octobre 2008

La culture, un enjeu politique en 2008




Progrès-dimanche
Arts Édito, dimanche, 12 octobre 2008, p. 52

La culture, une première au débat

Christiane Laforge

Rarement, voire jamais, les arts ont été un enjeu électoral au Canada. Il faudra se souvenir de cette élection d'octobre 2008, alors que la question des subventions au développement, au soutien et à la diffusion internationale de la culture est de toutes les tribunes. Si bonne soit ma mémoire, je ne me souviens pas d'un débat des chefs où il a été question de la culture et des artistes, comme ce fut le cas le 30 septembre dernier. Pourtant, sans distinction d'allégeance, l'incurie de nos gouvernements successifs à l'égard des arts n'a jamais fait défaut.

Outrée

Les organismes et les institutions de la culture sont constamment à se battre pour leur survie, dépensant une énergie folle à défendre leur existence avant de pouvoir songer à investir dans leur développement. Nos écoles aux classes surpeuplées craignent devoir amputer la musique, les arts visuels et le théâtre de leur programme officiel, que les écoles privées assument, à prix raisonnable certes, mais non accessible à toutes les bourses.

Et que dire des artistes, ces écrivains, peintres, sculpteurs, danseurs, musiciens, comédiens, ces créateurs dont le cerveau et le talent sont la matière première d'une industrie engendrant plus de 83 milliards $ de revenus dans notre économie collective? Alors que la grande majorité d'entre eux gagne moins de 20 000 $ par an. Une statistique où il faut tenir compte que la plupart cumulent plusieurs métiers, hors de leur profession artistique, pour subvenir aux besoins de leur famille.

Citoyenne d'une région qui étonne par le nombre incroyable de ses artistes actifs, fille adoptive d'un pays qui résiste à son assimilation, témoin privilégié d'une vitalité culturelle qui a enfanté ses héros reconnus dans le monde, je m'insurge contre les tenants du discours méprisant à l'égard des artistes.

Je suis outrée d'entendre et de lire les propos de ces "échotiers politiques" confondant les quelques "vedettes" dont se délectent les magazines populistes malheureusement populaires et les abonnés métropolitains des émissions de variétés, dites à tort culturelles, avec le créateur d'œuvres d'art, travailleur autonome sans droit au chômage ni à la sécurité d'emploi.

Mépris

Le discours démagogique d'un chef d'état et de ses subordonnés a trouvé échos auprès d'une population qui déverse un bien triste venin sur les forums de toutes les tribunes. Ils ont le temps d'écrire leur opinion dans une totale liberté d'expression. Cette liberté en voie d'être bridée par certains projets de loi, par l'abandon de programmes de soutien et les critères, non-dit ouvertement, en train de s'instaurer pour devenir éligible à une subvention (investissement?).

Pendant que chacun y va de ses qualificatifs lapidaires et injurieux à l'égard des artistes, peut-être devrait-on regarder davantage les faits.

Qui sont les gâtés?

Dénonçant les coupes récentes des subventions dans plus de 13 programmes, les artistes ont été taxés d'être gâtés et profiteurs. Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a annoncé 21 milliards de dollars pour stimuler l'économie canadienne (gens d'affaires, industriels, commerçants, importateurs, exportateurs: gâtés et profiteurs?). Cette mesure représente, d'ici 2009-2010, un avantage d'environ 1,3 milliard de dollars pour le secteur de la fabrication et de la transformation (Gâtés? Profiteurs?). Cela inclut 250 millions de dollars à un fonds d'innovation pour l'industrie de l'automobile (Gâtés? Profiteurs?). On s'inquiète de la Santé, de l'Éducation et du sort des familles monoparentales déclare un ministre. Le gouvernement a prévu 14,7 milliards $ pour la défense nationale.

Sur un budget global de 242 milliards, moins de 1,5% vont à la "culture". Précisons que le ministère du Patrimoine canadien chapeaute la culture, les arts, le patrimoine, les langues officielles, la citoyenneté et la participation, le multiculturalisme et les initiatives liées aux autochtones, à la jeunesse et aux sports.

En 2005, le Patrimoine canadien consacrait 66% de son budget à la culture. Aujourd'hui, la part du budget du ministère du Patrimoine consacrée aux arts et à la culture est de 58%, une diminution de 8%.

© 2008 Progrès-Dimanche.


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lundi 13 octobre 2008

Jean-Guy Barbeau


Jean-Guy Barbeau
une œuvre vouée à peindre «la femme»



Le Quotidien

Arts, samedi, 11 octobre 2008, p. 36

Le monde des arts est en deuil
Le peintre Jean-Guy Barbeau signe sa dernière toile, celle de sa vie

Christiane Laforge

CHICOUTIMI - Aussi discrètement qu’il a vécu sa vie, le peintre Jean-Guy Barbeau vient de nous quitter. Il succombe à une longue maladie qu’il a combattue avec l’élégance silencieuse qui était la sienne. Cet homme doux, humble dans le succès, a traversé nos vies en demandant si peu que sa mort éveille tous les mots retenus.

Ouf! Dirons-nous, en pensant à la grande rétrospective de ses œuvres, présentée en avril 2007 à La Pulperie de Chicoutimi, hommage lui a été rendu. Il a pu entendre et voir l’amour et l’admiration de ceux qui ont été ses élèves, ses compagnons, ses amis, tous éblouis par un maître qui n’a rien imposé aux autres sinon sa propre ferveur à atteindre l’absolu dans la forme et la couleur.

Jean-Guy Barbeau, l’insondable lac tranquille dont le calme apparent ne trahissait rien d’une angoisse persistante devant le désir impérieux de sonder le mystère de l’art! Que d’expériences, d’explorations, de doutes pour parvenir à son propre langage pictural. Que de persévérance, de travail et de recommencement pour atteindre la maîtrise essentielle à une œuvre vouée à peindre «la femme», à la rendre belle sans mièvrerie, à la confondre, avec superbe, avec les fleurs et les oiseaux. Jean-Guy Barbeau dont le silence vibrait de poésie!

Coïncidence? Pendant que les mots de ce texte hésitent sur le clavier, coule la musique de Spiegel Im Spiegel (Miroir dans le miroir) d’Arvo Part, lequel percevait sa musique comme une lumière blanche retenant toutes les couleurs que seul un prisme pouvait dissocier et rendre visibles. Barbeau a été ce prisme rendant visible ce qui est au-delà de la forme.

Le chant du monde

Résumer Jean-Guy Barbeau à son parcours professionnel et social serait aligner des tubes de couleurs sans les ouvrir. La palette de sa vie est un foisonnement de contrastes où la transparence côtoie l’insondable.

Natif de Lorettville, il a vécu son enfance à Bellechasse, avant de s’installer à Chicoutimi en 1951. Diplômé de l’École des Beaux-Arts de Québec, professeur d’arts plastiques au Secondaire à Chicoutimi, il fait partie des pionniers de l’enseignement des arts au Saguenay auprès de Pierrette-Gaudreault, fondatrice de l’Institut des arts, tout en poursuivant sa propre quête dans la solitude de son atelier de la rue Melançon, le regard rivé sur les monts Valin.

Son œuvre, trop peu connue du public, a pourtant rayonné du Québec jusqu’en Europe, où il a exposé en Pologne et en Hongrie. Et pour cause! Touche à tout intellectuel, Jean-Guy Barbeau a fait l’essai de plusieurs styles et matériaux. Émule de grands peintres, sensible à l’audace des autres, le parcours de ce peintre inclut de nombreuses tendances, allant du tachisme à l’abstrait, du fauvisme au cubisme. Des explorations d’où il est revenu avec un style bien à lui, un style qui lui survivra et fera écho à des œuvres futures. L’art de Barbeau est intemporel.

Que l’œil prenne plaisir à plonger dans les jeux géométriques de ses compositions, surfant sur les transparences savamment brossées par couches superposées, n’exclue pas une sensibilité attentive aux grandes préoccupations de son temps. Chantre de la femme, certes, mais pas seulement cela. Certains de ses tableaux évoquent les conflits guerriers, la douleur humaine, d’autres racontent notre passé. Il est l’auteur d’une imposante murale de plus de 278 mètres carrés qui parait autrefois le mur à l’accueil de la Maison de la presse inaugurée en 1980, laquelle résumait les grands moments de l’histoire de la région.

La fin du tableau

S’étonnera-t-on que le grand départ de Jean-Guy Barbeau ait lieu dans la splendeur de l’automne? L’artiste ne pouvait que souhaiter la valse pourpre et or des feuilles de nos érables pour saluer la fin de sa toile ultime. Le maître a toujours su quand déposer les pinceaux et s’incliner, avec cette modestie légendaire, devant l’œuvre achevée.

Une œuvre qui nous émeut, comme l’homme qu’il était, bien au-delà du temps!

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dimanche 21 septembre 2008

La culture en péril : investir plus encore




Progrès-dimanche

Arts Édito, dimanche, 31 août 2008, p. 44

Pour garder la flamme

Laforge, Christiane

Les bravos retombés, les projecteurs éteints, les haut-parleurs muets, le rideau se ferme en douceur sur une autre saison de spectacles et festivals d'été au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Des années d'apprentissage, des années de pratique, des mois de répétitions pour exister quelques heures sous le regard d'un public qui en a tant vu déjà. Je m'incline.

Je m'incline... émue. Parce que dans ce Canada du XXIe siècle ces artistes professionnels, ces jeunes passionnés, convaincus de la raison d'être de leur art, ont le courage de refuser que s'éteigne la flamme que des politiciens s'évertuent à noyer avec une désinvolture révoltante.

Les dernières gifles infligées aux artistes par le Gouvernement Harper soulèvent, depuis plusieurs semaines, un tollé de protestations à travers le pays. Espérons que leurs voix seront entendues. L'enjeu est de taille pour notre avenir.

Et pourtant

Tous le disent: les arts ont besoin de plus d'investissements qu'ils n'en obtiennent actuellement. De plus, Joseph L. Rotman le confirme ainsi que le dernier rapport du Conference Board publié le 26 août, "la contribution directe du secteur culturel canadien à l'ensemble du produit intérieur brut (PIB) du pays a atteint quelque 46 milliards de dollars ou 3,8 % en 2007. Dans cette analyse, intitulée Valoriser notre culture: mesurer et comprendre l'économie créative du Canada, le Conference Board estime que les répercussions du secteur sur l'économie sont encore plus vastes; elles s'élevaient à 84,6 milliards de dollars en 2007, soit 7,4 p. 100 du PIB réel total."

Cette industrie emploie plus de 616 000 personnes au Canada.

Toutefois, lit-on dans le rapport du Conference Board, "lorsque l'on prend en considération l'incidence directe, indirecte et induite du secteur culturel, on constate qu'au total 1,1 million d'emplois lui sont attribuables."

Puisque nous avons voté pour les tribuns d'une société réactionnaire et capitaliste, assumons. Mais puisqu'ils sont capitalistes, ces élus devraient être sensibles à l'impact économique de leurs décisions. Est-ce trop demander un peu de cohérence à défaut d'idéal?

Investir

Le vent dominant du gouvernement fédéral pourrait - pourrait? - très bien contaminer les administrateurs des fonds publics de nos municipalités. La vigilance s'impose, alors que nos producteurs et créateurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean doivent plus que jamais obtenir le soutien de leurs élus, hors de toute partisanerie politique.

La baisse drastique du nombre des touristes, crise qui affecte de nombreuses régions d'ici et d'ailleurs, doit nous inciter à défendre par tous les moyens le maintien et le développement de nos produits culturels. Le Théâtre du Palais municipal a subi un dur revers cet été. Loin d'y voir une raison de baisser les bras, il nous faut au contraire y investir tout autant. Et s'il faut remettre en question le contenu du produit qui se doit de rivaliser avec ce qui se fait ailleurs dans le monde, sachons y mettre les ressources et le temps pour ce faire.

Sachons aussi investir dans le développement d'autres productions qui ont su démontrer une étonnante créativité tout en faisant preuve d'une gestion rigoureuse. Imaginons ce que deviendra Ecce Mundo avec un budget d'un million de dollars et une salle conçue sur mesure. Cette production est sans doute celle qui se rapproche le plus des grands spectacles de notre monde moderne dont le Cirque du soleil et Robert Lepage sont des leaders éblouissants.

Plutôt que de réductions de budgets et abandons de programmes de soutien c'est d'investissements accrus qu'il faudrait parler. Il y a plus d'avenir dans un pas de danse que dans une balle de fusil.

© 2008 Progrès-Dimanche. Tous droits réservés.

Numéro de document : news·20080831·PD·0038


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samedi 6 septembre 2008

Jean-François Lapointe Le Magnifique!


Jean-François Lapointe a un heureux problème. Il doit veiller à maîtriser son enthousiasme à l’égard des nombreuses offres qui lui sont adressées sinon les pages de son agenda vont déborder. Il doit parfois refuser certains engagements parce qu’il a déjà dit oui ailleurs. Cela est même arrivé avec La Scala de Milan où il a chanté Pélléas en 2005.


Jean-François Lapointe dans le rôle de Pelléas
© Photo courtoise JF Lapointe

« La Scala, c’était assez exceptionnel. Premier Québécois depuis 55 ans et le premier rôle-titre jamais arrivé. Depuis, j’ai dû refuser plusieurs fois d’y retourner. Soit la date coïncidait avec mes autres engagements, soit le rôle ne me convenait pas. Je sais quand un rôle n’est pas adéquat pour ma voix. J’ai toujours été excessivement prudent à ce niveau.»

Le Monde

« De beaux projets en perspectives jusqu’en 2013 », assure-t-il.
Lors de notre entretien, il revenait des Chorégies d’Orange où il a campé un Valentin très remarqué dans l’opéra Faust de Gounod.


Jean-François Lapointe (Valentin)
dans l'opéra Faust
aux Chorégies d'Orange, août 2008

© Photo courtoisie JFL

« L’incontestable vedette de la soirée! » soulignent plusieurs critiques.
L’Europe accapare de plus en plus ce baryton, Jeannois de naissance qui a grandi à Chicoutimi et tenu ses premiers rôles sur la scène de l’auditorium Dufour aux belles heures de l’opérette du Carnaval-Souvenir. « Un véritable tremplin pour jeunes chanteurs » a-t-il toujours affirmé. Si fermement convaincu de l’importance de développer l’art lyrique en région qu’il a dirigé, pendant plusieurs années, la destinée de la Société d’art lyrique du royaume sur laquelle il garde un regard affectueux, critique et parfois… anxieux.

Laterrière

Les occasions d’entendre chanter Jean-François Lapointe seront plus rares désormais au Québec. Cela devient un privilège qu’il ne fallait pas manquer, alors qu’il était, le dimanche 24 août dernier, au Rendez-vous musical de Laterrière, pour interpréter des grands classiques du répertoire vocal avec la soprano Marie-Ève Munger et le pianiste Michael McMahon.
Denise Pelletier, amie et journaliste à la retraite qui a été mon équipière pendant plusieurs années à la Section des arts du Quotidien et du Progrès-Dimanche, en parle superbement ici.
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Le texte qui précède devait être l’introduction du reportage publié le jour même dans le Progrès-Dimanche. Le voici.



Progrès-dimanche
Les Arts, dimanche, 24 août 2008, p. 46

Depuis l’âge de 22 ans
Une carrière internationale menée avec beaucoup d'entrain

Laforge, Christiane

CHICOUTIMI – Grands favoris de plusieurs directeurs artistiques d’opéras connus sur la scène mondiale, Jean-François Lapointe sent venir à lui de nouveaux personnages. Sa voix a pris de la maturité, une ampleur, une force qui le sert bien dans une carrière internationale qu’il mène avec entrain.
Que de chemins parcourus, depuis ses fougueuses interprétations des personnages sortis des opérettes Orphée aux enfers, La Veuve Joyeuse, Les Mousquetaires au couvent à Chicoutimi, précédant de peu sa victoire au Concours international de chant à Paris qui lui ouvre la voie à une carrière internationale alors qu’il n’a que 22 ans!
L’élève de Louise André à l’Université Laval de Québec et de Martial Singher à Santa Barbara a campé plus de soixante grands personnages lyriques. Obtenant sans difficulté les premiers rôles de baryton qui, par son interprétation très personnelle, deviennent siens. Dans la presse européenne, on dit «le Pelléas», «le prince Danilo» et, désormais, après sa prestation aux Chorégies d’Orange, «le Valentin» de Jean-François Lapointe.
Une belle voix ne suffit pas dans le monde lyrique. Les directeurs artistiques peuvent choisir parmi les meilleurs du monde. « Et ils sont nombreux », affirme le baryton. Un artiste doit s’emparer de son personnage, lui donner un ton, un style, un caractère tellement unique qu’il s’impose comme favoris des publics, des critiques et des producteurs.

Personnage multiple

Entre 1988 et 2007, Jean-François Lapointe a chanté Pelléas de Débussy plus de 200 fois. Ce rôle est encore à son agenda jusqu’en 2012. Après quoi, il ciblera plutôt celui de Golaud, annonce-t-il. Personnage imposant campé en 2007 à Paris par Laurent Naouri alors que Jean-François incarnait Valentin et Marie-Nicole Lemieux, Geneviève.
Son rôle de Valentin, dans Faust semble aussi voué à un bel avenir. Les critiques ne tarissant pas d’éloges : «Le baryton québécois Jean-François Lapointe fut avec une force, voire une brutalité machiste, un Valentin de grande allure à la voix puissante » écrit Philippe Gut, dans L’Humanité.
Tour à tour Hamlet, Figaro, Almaviva, Don Giovanni, Jean-François Lapointe est aussi Escamillo dans Carmen, en compagnie de la montréalaise Nora Sourouzian dans le rôle-titre. Le spectacle, présenté plus tôt à Lausanne puis à Vichy, fera une tournée au Japon en octobre prochain.
Dans son carnet s’inscrivent aussi « Les Pêcheurs de perles » de Bizet à Toulon, Claudio dans « Béatrice et Bénédicte » de Berlioz à Paris, la « Dame de pique » à Monaco en avril 2009, « Eugène Onéguine » plus tard toujours à Monaco et, dans deux ans, le rôle de Ford dans « Falstaff », son premier Verdi.
«Un rôle pour baryton lyrique, un registre vocal plus large, explique le chanteur. Ma voix s’ouvre à de nouveaux répertoires… Des défis trop beaux pour ne pas les relever.»

L’avion

Sa carte maîtresse : une bonne santé. Son regret : le temps loin de sa famille. Sa seule plainte : le stress des voyages en avion. «Le respect des horaires se détériore. La perte des bagages, cela m’arrive au moins deux fois par année. Chaque voyage comprend 4 à 5 correspondances. Par année, cela me fait de 30 à 40 vols. Tout cela ajoute à l’angoisse et à la fatigue. »
Vivre en Europe ne serait pas une solution puisque ses rôles successifs le conduisent d’une ville à l’autre, incluant exigeant des trajets de six à sept heures en train. « C’est extrêmement rare que je travaille dans une même ville… et le coût de la vie y est très cher. On est bien chez soi au Québec! J’ai toujours été conscient de ça. »
Travailler davantage sur le continent Nord-américain est utopique pense-t-il. L’opéra n’y est pas ancré aussi profondément qu’en Europe. «Comparé à Orange, la culture ici c’est le désert. À Orange, on compte 8000 spectateurs chaque soir. Les gens de tous âges y viennent du monde entier. Ils achètent leur billet un an à l’avance. Orage est un festival prestigieux, un des plus courus par le public et qui reste très populaire.»
Tellement, explique le chanteur que l’on vend des billets pour assister aux répétitions. «Pour les générales, c’était déjà ouvert au public. Mais pour les répétitions, cela devient de plus en plus courant pour une somme modeste. Et ils sont plusieurs centaines. Moi, je trouve ça affreux. Ce n’est pas facile d’essayer des choses, de se tromper… et entre artistes il y a des choses qui doivent se dire sans témoins. »
Tout n’est pas négatif cependant. Comme le rôle de Valentin n’exige pas une présence constante sur la scène, Jean-François en a profité pour aller rencontrer les gens. «C’est un échange assez sympathique. C’est unique. Ce sont des instants précieux. On sent que ces gens-là se sentent plus attachés à l’opéra. Ils viennent en famille.»
Investir
Cette ouverture à l’art lyrique est également politique. Les pouvoirs publics ne s’attendent pas à ce qu’un opéra soit rentable. Ils n’ont pas peur de subventionner généreusement, remarque l’artiste.
Dans une entrevue, accordée le 4 juin dernier à un journaliste canadien, Jean-François Lapointe exprimait son opinion en ce sens.
« Il faudrait nous rendre compte que la culture c’est important et arrêter de confondre les termes culture artistique et culture sociale. Nous n’exigeons pas des musées qu’ils rapportent de l’argent; nous savons qu’ils existent pour protéger notre patrimoine. La même chose vaut pour les arts. C’est une question de priorité des gouvernements. La culture d’un peuple, ce n’est pas seulement ses acquis sociaux (les soins de santé, par exemple). Il faut s’investir dans les choses de l’esprit, cultiver les arts pour eux-mêmes. »

Les Québécois

« Les artistes québécois ont beaucoup la cote en Europe. Ils y sont assez nombreux et très présents, dans le populaire et surtout dans la musique classique. » Jean-François Lapointe en sait quelque chose, lui qui était sur scène, pour une seconde fois, avec Marie-Nicole Lemieux (Dame Marthe dans Faust, Geneviève dans Pelléas), tandis que Hélène Collerette, occupait la place de premier violon de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, sous la direction musicale de Michel Plasson.
Pendant les quelques semaines de répétition le travail est intense. «Tous les trois, on s’est vu pas mal, mais on n’a pas beaucoup de temps de congé.»
Marie-Nicole Lemieux a tout de même pris le temps de recevoir Jean-François Lapointe et Hélène Collerette. «Avec une tourtière, évoque joyeusement le chanteur. Une tourtière en France, il fallait le faire! »
Lorsque plusieurs artistes québécois se retrouvent dans une même production, ils sont vite, et plutôt affectueusement, ciblés comme le « clan québécois ».
« Lors des saluts, nous étions sur la passerelle qui entoure l’orchestre à Orange. On saluait en regardant du côté d’Hélène et Michel Plasson, a murmuré «Vive le Québec!»

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Jean-François Lapointe (Valentin)
Une scène de Faust aux Chorégies d'Orange, 2008
© Photo courtoisie JF Lapointe



Ce qu’ils en disent


• Jean-François Lapointe, admirable chanteur et acteur, d’un engagement total, est un Valentin héroïque mais élégant qui fait de sa mort, malgré le conformisme moral glaçant du personnage sans pitié pour sa sœur, une terrible tragédie. (Benito Pelegrin, Classique news)

• L’incontestable vedette de la soirée fut le Valentin de Jean-François Lapointe, voix ample, superbe, vivante, jouant son rôle pleinement, qui nous a touchés profondément. Mais joignons lui le passage éclair de Marie-Nicole Lemieux, dame Marthe truculente, à la voix convaincante et au jeu naturel. (Hervé Galien, Cahier de la musique classique)

• [..] Jean François Lapointe qui est plus qu'un brillant Valentin, tant par le chant que par le jeu. (Forum France 2)

• En dehors d'une distribution et d'une mise en scène très honnêtes, le grand vainqueur de la soirée fût Jean-François Lapointe pour sa magnifique prestation de Valentin. Il a tout (puissance, clarté, timbre, engagement, présence). Enfin un chanteur d'opéra qui ne se la joue pas, mais qui joue et chante. Ovation ce samedi dernier bien méritée!
(Jean-claude Meymerit, Aqui)

• Jean-François Lapointe est un Valentin d'un beau métal, sans mièvrerie, Marie-Nicole Lemieux une Dame Marthe impayable et savoureuse, véritable luxe pour un rôle aussi court. (Christian Merlin, Le Figaro)


• Musicalement, la soirée cultivait un état de grâce. Dans la transparence et la souplesse attendrie de la direction de Michel Plasson […]. Grâce aussi à un plateau vocal qui ne souffre aucune faiblesse, des émois respectueux de la très drôle Dame Marthe de Marie-Nicole Lemieux au solide Valentin de Jean-François Lapointe. (Serge Martin, Le Soir)

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