lundi 30 mars 2009

Adieu... je suis de retour



Progrès-dimanche

Arts Édito, dimanche, 29 mars 2009, p. 42

Le temps de partir

Christiane Laforge


Voilà venu le temps de se dire adieu.

Ce jeudi 26 mars, j'écris le texte ultime de ma carrière de journaliste au Progrès du Saguenay. Partagée entre une certaine tristesse de voir se terminer une carrière passionnante et une grande joie d'ouvrir mes ailes vers une nouvelle étape de ma vie.

Mars 1970

Tout a commencé en mars 1970. De passage, rue Labrecque, pour saluer et remercier le PDG du Progrès Dimanche, je me vois offrir un emploi. Je revenais d'un long séjour en Belgique, d'où j'avais envoyé au journal des textes établissant un parallèle entre l'ancien et le nouveau monde. Ces deux mondes dont j'étais issue.

La chronique "Comme mes yeux voient", publiée dans le Progrès Dimanche venait de m'ouvrir les porte de la salle de rédaction, murmurait mon orgueil... "Pour classer une montagne de photos de presse en désordre", a déclaré mon employeur.

Quinze jours plus tard, la tâche une fois terminée, on m'invitait à quitter les lieux. Trop tard! J'ai refusé de partir, plaidant voir une montagne de travail que je pouvais assumer. Je fus convaincante.

Lasse de me limiter à être secrétaire de rédaction, j'ai risqué quelques écrits. Un mois plus tard, je devenais responsable des pages féminines, suivies peu après des pages des arts.

L'escalade

En créant le cahier Arts et société, j'entamais le début d'une carrière journalistique qui a permis à mes yeux de "voir" plus que jamais.

Invitée à me joindre à l'équipe fondatrice du journal Le Quotidien, le 30 septembre 1973, sous la direction de Denis Tremblay, j'ai connu l'exaltante période de l'évolution de la condition féminine, avant de me consacrer exclusivement à la vie artistique.

J'ai vécu la naissance des troupes de théâtre et de danse que j'applaudis encore aujourd'hui. J'ai vu grandir et mourir de nombreux peintres. J'ai lu des centaines de livres de nos auteurs, aujourd'hui célèbres. J'ai écouté des voix superbes. J'ai été aux premières loges à la naissance des grands spectacles.

Mars 2009

Le monde des arts au Saguenay-Lac-Saint-Jean est l'Everest de ma carrière. Jour après jour, mes mots ont été les piolets d'une ascension, aidant à me hisser pour gravir ma propre montagne.

Aujourd'hui, je me retrouve au sommet de 38 années vécues avec passion. Et je contemple, fascinée, émerveillée de voir ce bouillonnement de culture, cette vitalité créatrice qui est la nôtre.

Il n'est pas un reportage, pas une critique qui m'ait laissée indifférente. Je sais la volonté, l'espoir, l'angoisse, sous-jacente à toute création. J'ai voulu comprendre et partager. J'ai surtout appris à aimer. À vous aimer, vous les artistes de qui j'ai tant parlé à ces lecteurs que j'ai voulu, en tout temps, respecter.

Aujourd'hui, j'entreprends la descente de cette montagne journalistique. Un autre sommet taquine mon regard.

Au revoir! Et pour ceux qui souhaitent naviguer avec moi sur le blogue www.oragesurocean.blogspot.com , je dirai: au relire!


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dimanche 8 mars 2009

Ce 8 mars 2009, Rita...

Rita Turbide 1921-2009
Photo prise le Jour de l'An 2008
à la Maison heureuse



À Chicoutimi, à 8h ce matin du 8 mars 2009, Rita est morte. Coïncidence? Ce pas définitif, elle a choisi de le franchir la Journée internationale de la femme.

Née en Acadie le 20 janvier 1922, les yeux de Rita Turbide se sont longtemps ouverts sur La Baie des Ha! Ha! Elle ne les plus jamais refermés depuis... sauf aujourd'hui, à bout de trop de douleur torturant son corps depuis des années. Je l'imagine déjà, en train de s'excuser de déranger auprès de ses amis qu'elle quitte, espérant ne pas troubler ceux qu'elle avait la certitude de retrouver, surtout Rodrigue son amour, Pauline Julien et Gérald Godin ses poètes.

Rita, portant le flambeau d'un foi indéfectible envers son Québec qu'elle a toujours défendu avec ardeur, a su être avant tout, plus que tout, l'incarnation de l'amitié. Et elle, si fidèle et constante dans ses affections, s'étonnait toujours que l'on puisse l'aimer.

Réflexe dans le chagrin, j'ai ouvert le classeur, gardien du trésor écrit de toute mes correspondances échangées depuis des années, pour relire les lettres de Rita. Pour ramener à la vie cet esprit intense que j'ai eu le privilège de connaître. Et je bascule sur ces lignes manuscrites, ces mots tracés à l'encre bleue sur un papier décoré d'oiseaux :
«Christiane, tu es pour moi non seulement une précieuse amie, mais la petite fille que j'aurais aimé avoir

Une adoption du cœur dont je mesure aujourd'hui toute la portée, maintenant que je ne la reverrai jamais plus pour lui dire : «Je t'aime Rita». Ce à quoi elle répondait : «Oh! je l'sais. J'en ai de la chance!»

Moins que moi Rita, moins que nous qui te pleurons, sachant très bien que ces larmes ne remplirons jamais le vide laissée par ton départ.

Jamais rassasiée de livres
Photo prise le Jour de l'An 2008
à la Maison heureuse
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samedi 7 mars 2009

Humeur sur l'humour






Progrès-dimanche
Arts Édito, dimanche 15 février 2009, p. 43

Cours de Saguenéen 101
De l'humour ?

Christiane Laforge

Au secours j'ai perdu le sens de l'humour! À moins que mon sens de l'honneur ou ma fierté saguenéenne prévale sur la soumission à une dérision condescendante de plus en plus flagrante d'une certaine l'intelligentsia.

J'ai regardé le Cours saguenéen 101 que diffuse les iStudio Cinéma Télévision sur le site Internet du film Le Bonheur de Pierre. Un film tourné à Sainte-Rose-du-Nord, comédie humoristique confrontant un français pratiquant le bonheur envers et contre tous, au sein d'un petit village peu enclin à y tolérer «l'étranger», un Français qui plus est. La bande-annonce du film est amusante et, connaissant le talent combiné des Pierre Richard, Rémy Girard et autres comédiens, nul doute que le 17 février prochain, nous passerons un bon moment lors de la première mondiale de cette production franco-québécoise. Rien à redire pour l'instant, même si, à l'instar des Ch'tis ou de La Grande séduction, le comique repose sur l'excès, voire la caricature de traits humains universels.

Sainte-Rose-du-Nord a déjà été le lieu de tournage de plusieurs grandes productions: Toby sur les courses de chiens de traîneaux, certaines scènes de Robe noire et Nouvelle-France. Mais tous ces films n'identifiaient jamais aussi clairement le site magnifique des trois anses de ce village sur la rive nord du Fjord du Saguenay.

Comment ne pas miser sur les retombées touristiques possibles d'une telle vitrine? Prêts que nous sommes à accueillir ces gens d'ailleurs, désireux de mieux connaître cette région et sa population la plus francophone du Québec.

Alors quoi? Pourquoi le Cours de saguenéen 101 me blesse-t-il? Pourquoi ne me fait-il pas rire?

Que les métropolitains ou les gens d'outre-mer trouvent drôles cette «peuplade» d'une «bourgade» isolée, je peux les comprendre. Nul n'est à l'abri de l'ignorance. Paris Match l'a magistralement démontré dans son reportage sur le 400e de Québec.

J'ai en mémoire la très amusante leçon du «parler» québécois donné au public français par Linda Lemay. Je l'ai même trouvé savoureuse au point de le faire écouter à des amis européens. Aurais-je perdu mon sens de l'humour?

En écoutant le Cours de langue saguenéen 101 présenté par Louise Portal, je me suis sentie en terre étrangère. Le syndrome du Ch'tis a frappé notre comédienne, ambassadrice de sa région, qui se prête à un discours où l'on accentue des traits marginaux du langage populaire, non représentatifs et surtout en rien exclusifs au Saguenay - chesse, frette, boswell (??), l'élision de l'accent sur dépanneur (?), etrange (?), l'ineffable «là là» - dans une forme caricaturale peu flatteuse. Que ces expressions fassent partie du paysage ne signifie pas que c'est la norme. Et l'autodérision, que l'on nous souhaite, suppose un fond de vérité. Une vérité avec laquelle les scénaristes de iStudio prennent beaucoup de liberté, nous attribuant des expressions peu ou pas connues ici. Un peu plus de rigueur aurait aidé à la digestion!

«Mais c'est de l'humour», insistent les Ghyslain Harvey (Promotion Saguenay) et les «gens» anonymes soi-disant amusés qui auraient «applaudi cette farce», affirment ses concepteurs. «C'était de l'humour», se défendaient les tenants du dernier Bye-Bye avant de se confondre en excuses, tout étonnés que certaines personnes se soient senties blessées plutôt qu'amusées. Non! C'est de la dérision frôlant le mépris. Ce mépris menant à la méprise irrespectueuse et vulgaire d'un député français, Pierre Lasbordes, accueillant le premier ministre du Québec Jean Charest en lui demandant: «J'espère que vous n'avez pas trop la plotte à terre» (sic), sous prétexte de faire de l'humour en parlant, croyait-il, comme les Québécois.

J'ai perdu le sens de l'humour. Nul besoin de me le dire. Je l'ai troqué contre le désir impérieux de convaincre «l'étranger» que les vents froids de nos hivers blancs insufflent à notre langue une poésie unique débordant des œuvres littéraires des Nicole Houde, Lise Tremblay, Michel-Marc Bouchard, Daniel Danis, Jean-Roch Gaudreault, Yvon Paré, Alain Gagnon, André Girard, Élisabeth Vonarburg, Gérard Bouchard et nombreux autres.

La promotion du film Le Bonheur de Pierre n'aurait certainement rien perdu à ouvrir sa tribune sur le monde réel de ce peuple du Fjord.


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Théâtre Palace Arvida... le sort en est jeté


Théâtre Palace Arvida
©Photo Sylvain Dufour - Le Quotidien


«2009. Ah! Une année toute neuve où tout n’est encore qu’une promesse!», écrivais-je dans mon Art Édito publié dans le Progrès-Dimanche du 11 janvier 09.

Une année qu’une crise économique mondiale transforme en défi.

Les pessimistes prévoient une réduction des subventions publiques et privées. Quoique, près de 2,7 milliards de nos impôts vont aller dans les goussets de l’industrie automobile américaine. J’aurais préféré le fromage… et plus encore le ramage de nos auteurs, de nos chanteurs, de nos comédiens. Il faut que la roue tourne dans ce pays où l’on retiendra désormais au bercail les pas de danse et les musiques qui, avant l’automne 2008, franchissaient avec honneur les océans.

Les cyniques voient une belle occasion de justifier de nouvelles coupures au nom de l’austérité imposée. Il y a de la grogne dans l’humeur d’un public qui remet sérieusement en question les choix et plus encore le coût de certaines œuvres soumises à leur regard perplexe.

Les sceptiques doutent de la portée d’une voix, celle des élus et celles des artistes qui semblent se complaire dans le silence malgré le maintien des coupures de 46 millions après les avoir dénoncées si passionnément avant les dernières élections fédérales.

Les ironiques, fidèles spectateurs de la grande scène publique, nous diront qu’avec 18 sénateurs de plus et une croissance exponentielle du nombre des ministres, il faut y voir un exemple de la nouvelle politique de création d’emplois au service de la comédie humaine.

Toute nouvelle année devient la somme de ce qui a précédé. Certains affrontent la fin d’un rêve cherchant le secret du phœnix, d’autres poursuivent un combat créatif malgré les doutes récurrents, parce que créer est LA raison d’être.

Le poids des briques

L’ombre de janvier plane sur les fondateurs de Québec Issime. La fougue créatrice qui ne s’est jamais démentie parmi les membres de ces familles d’artistes vient de frapper un mur.

L’image est directe, car il s’agit bien de briques contre lesquelles se cassent des ambitions. Icare n’est pas le seul dont l’orgueil a fondu au soleil. Furent-ils trop audacieux?

À Chicoutimi, malgré les protestations du milieu, plusieurs bâtiments, joyaux de notre patrimoine architecturale, ont été sacrifiés sans égard à leur valeur historique : la maison du Dr Angers en 1978, la gare de Chicoutimi dont la restauration ratée aura été pire que le pic du démolisseurs, la maison J.-A. Truchon en 1989, le théâtre Capitole de la rue Racine en 1991, la maison Lévesque en 2007. Ouf! On a sauvé la Pulperie… de justesse.

Le Théâtre Palace Arvida figurerait sans doute dans cette funèbre énumération s’il n’y avait eu la témérité de la famille Doré? Irréaliste défi?

Et si le tort était de les avoir laissés seuls à oser croire que l’on devait sauver le Palace?

L’achat et la rénovation de la bâtisse ont pesé lourd sur les épaules de Logistik 22 qui se voulait, avant tout, une maison de productions, de création et de diffusion de spectacles.

L’éveil public et le soutien politique sont-ils venus trop tard pour assurer l’avenir de ce qui s’est révélé une école et un tremplin pour de nombreux artistes rayonnant aujourd’hui hors de la région ? Plusieurs musiciens au Cirque du soleil, plusieurs chanteurs sur les scènes du Québec nous le disent.

«Mais où trouver l’argent?» se défendent les protecteurs (?) des fonds publics? Peut-être au même endroit que les 8 M$ dépensés pour la restauration du Palais des sports de Jonquière en 2005, ou les 2,2 M$ pour le centre multi sports du parc St-Jacques, ou encore le million additionnel annoncé en 2007, de nouveau pour le Palais des sports, fonds provenant des surplus d’Hydro-Jonquière.

Lourdes, très lourdes sont les briques!

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Le 14 novembre 2007, en conférence de presse, il était question de la formation d’un comité de concertation composé de représentants de la Ville et du gouvernement du Québec, avec la collaboration d’Emploi Québec, promotion Saguenay, du ministère du Développement économique, Innovation et Exportation (MDEIE) et du Conseil local de développement (CLD) de Saguenay. Plusieurs mesures étaient envisagées pour un redressement de la situation financière de Logistik22 afin d’assurer son existence au sein de la communauté régionale incluant la sauvegarde du Palace Arvida. Pourtant, quatorze mois plus tard, le syndic Fabien Tremblay obtient du tribunal le mandat de vendre le Théâtre Palace Arvida pour défaut de paiement. Qu’est-ce qui n’a pas été fait ?

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