lundi 19 avril 2010

La SALR une montagne de plaisir

 Marie-Ève Munger - Ernestine
Monsieur Choufkeuri restera chez lui de Jacques Offenbach
Production de la Société d'Art lyrique du royaume
© Photo Rocket Lavoie

La Société d'art lyrique
C'est une leçon de courage, une assemblée de talents, une famille d'irréductibles

Seul le temps m’a manqué et non le désir pour écrire beaucoup plus tôt tout le bien éprouvé lors de la dernière représentation du programme double de la Société d’art lyrique du Royaume, le dimanche 11 avril 2010. Le délire bien assumé dans l’opéra bouffe Monsieur Choufleuri restera chez lui de Jacques Offenbach et la superbe démonstration de la maîtrise des voix interprétant de grands airs d’opéra, alternant avec les capsules humoristiques finement ciselées dans Le Gala de Monsieur Choufleuri sont, dans mon souvenir, comme une montagne de plaisir.

Toutes ces personnes qui travaillent d’arache-pied pour maintenir en vie la Société d’art lyrique année après année méritaient plus que 800 spectateurs en quatre représentations. D’autant plus que la prestation est de grande qualité. De l’autre côté de l’Atlantique, ces même voix qui nous étaient permis d’entendre si près de chez nous, sur le Mont Jacob de Jonquière, sont écoutées et invitées à chanter sur les grandes scènes de l’opéra.

Par exemple, Marie-Ève Munger, la superbe et talentueuse soprano colorature, Premier prix Opéra du concours International de Chant de Marmande en 2007, premier rôle féminin, Magdalena, au Théâtre du Chatelet à Paris sera au Glimmerglass Opéra aux Etats-Unis. En 2011 elle retournera à l’Opéra-Théâtre de Metz pour y chanter Nanetta  dans Falstaff de Verdi.

Ou encore Marc-Antoine d’Aragon, baryton, lauréat du concours La Bohème à Vérone, où il fera ses débuts cette année dans La Bohème de Puccini. En attendant son retour, nous penserons à lui dans le plaisir gourmand de ses propres recettes gastronomiques dont le premier livre, Des crêpes à l’Opéra vient d’être publié aux Éditions Les malins.

Retour sur la représentation du 11 avril


Marc-André Pronovost - Marie-Ève Munger
Monsieur Choufkeuri restera chez lui de Jacques Offenbach
Production de la Société d'Art lyrique du royaume
© Photo Rocket Lavoie
Monsieur Choufleuri restera chez lui exige plus que de la voix. La qualité du jeu théâtral peut faire toute la différence. Sous l’apparence d’une fantaisie loufoque cette courte opérette n’a rien de facile. L’adaptation de Martin Giguère a donné au livret un peu de modernité et de couleur locale fort appréciées. La mise en scène alerte, voire éclatée, d’un Éric Chalifour bien servi par une scénographie judicieuse, a créé une succession de tableaux vivants toujours équilibrés. C’était particulièrement agréable de pouvoir, mentalement, appuyer sur «pause» pour mieux observer la disposition des personnages sur la scène ainsi que leurs déplacements.

Marie-Ève Munger - Ernestine
Monsieur Choufkeuri restera chez lui de Jacques Offenbach
Production de la Société d'Art lyrique du royaume
© Photo Rocket Lavoie
Et puisqu’il est question d’équilibre, ajoutons ce complément indispensable que sont les costumes, maquillages et coiffures. Plus osés, plus extravagants pour les uns, notamment les hommes, et plus élégants, plus flatteurs pour les autres. Les coiffures irrésistibles des messieurs Choufleuri,  Balandard et Petermann pour les uns, les toilettes distinguées des dames Ernestine et Balandard pour les autres.

Très vite le caractère des personnages s’est affirmé. Marie-Ève Munger a campé une Ernestine mutine, ne laissant aucun doute sur ses sentiments amoureux avec le très déterminé Babylas (Marc-André Pronovost), musicien pauvre mais ambitieux. Si ce dernier a offert une performance juste, Marie-Ève Munger a été éclatante. Sa voix est de plus en plus belle, plus riche et incroyablement bien maîtrisée.

Le baryton basse Robert Huard a créé un Choufleuri très coloré. Une voix agréable et un jeu de scène habile, poussant son personnage à la limite de la caricature, mais sans excès afin d’en préserver tout l’aspect sympathique.

Le couple Balanchard n’aura pas passé inaperçu, tant pour les voix que la prestance. Jacinthe Thibault a de la classe et une sensibilité que le comique ne dépare aucunement. Le baryton Marc-Antoine d’Aragon nous a ravi. Un timbre de voix pur et ample à la fois qui ne lasse pas.

Martin Giguère aux mille et un talents s’est glissé dans l’habit de Petermann avec la somme d’une personnalité tissée au fil de ses nombreux rôles de factures très diverses. Un soupçon de Diogène, une allure de Molière avec quelques accents méloloufodramatiques (si je puis dire) de son cru.

Le tout porté par un orchestre qui a su se faire complice tout en jouant avec éclat sous la direction du chef Julien Proulx et un chœur sans faille.

La seconde partie de ce spectacle ne fut pas en reste. Si Offenbach fait depuis longtemps les belles heures de la Société d’art lyrique, Monsieur Choufleuri restera chez lui ne suffit pas, à lui seul, à remplir une soirée d’opéra. La SALR a su tirer parti de cette contrainte en offrant - oh! Joie - un récital de 12 chants célèbres tirés des œuvres de Rossini, Verdi, Donizetti, Mozart, Bizet et Delibes. J’ai beaucoup aimé cette opportunité d'apprécier l’une après l’autre chaque voix de ces interprètes. C’était leur rendre justice que de nous les faire entendre dans un tout autre contexte que celui de l’opéra bouffe avec ses limites, donnant toute la place à des envolées vocales qui ont conquis le public. Le lien humoristique menée bon train par Superman, pardon par Petermann était risqué. L'intensité du chant pouvait en souffrir. Et pourtant non. Cette intervention comique et toujours brève permettait une heureuse transition entre les différentes voix des solistes.

Un pas dans l’avenir

Il faudra un jour écrire la page d’histoire de nos opérettes. Comprendre comment un spectacle qui n’a cessé de s’améliorer et de présenter des artistes de plus en plus professionnels a vu le nombre de ses représentations fondre ainsi que son public. Cela, dans une région où la musique tient une grande place. Une région où des voix, désormais célèbres dans le monde, ont fait leur début sur la scène de l’opérette de Chicoutimi, tels Jean-François Lapointe, Marie-Nicole Lemieux et maintenant Marie-Ève Munger.

Il faudra retrouver le passé pour comprendre et trouver le moyen d’aider cette équipe d’irréductibles à se faire entendre par un plus grand nombre.

Martin Giguère - Petermann
Monsieur Choufkeuri restera chez lui de Jacques Offenbach
Production de la Société d'Art lyrique du royaume
© Photo Rocket Lavoie
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Pour compléter, le commentaire toujours bien documenté et pertinent de Denise Pelletier sur son blogue Spécial du jour ici.

NDLR : J'ai demandé d'autres photos permettant de voir différentes scènes et personnages..
Je les joindrai à cette page aussitôt reçues

1 commentaire:

  1. Bravo! Au moins l'opérette aura un écrit professionnel sur la production de Monsieur Choufleuri. La qualité de vos analyses et votre talent pour dire les choses nous manquent madame Laforge. Bravo aux artistes qui m'ont fait vibrer le soir de la première de cette opérette.
    Julie Simard
    Saguenay

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