mardi 24 mai 2011

Pierre Dumont nous laisse sans voix

Photo de la page B1 du Progrès Dimanche du 23 janvier 2005
Pierre Dumont tenait une exposition au CNE
© Photo Sylvain Dufour - Le Quotidien


Il nous semblait indestructible et voilà qu’il disparaît soudainement. Trop tôt pour mesurer le vide que ce géant va laisser. Pierre Dumont figure dans ma mémoire de journaliste au palmarès des artistes les plus remarquables. Il a toujours su nous surprendre. Mais on ne lui en demandait pas tant!

Adieu Pierre. Je n’ai pas eu le temps de te dire toute mon admiration. Pour tes œuvres de musicien, de peintre, de sculpteur et pour ton engagement social qui a largement contribué au développement et au dynamisme culturel de la région pendant plus de trente ans. Que l'on pense seulement au Festival des musiques de création du Saguenay fondé en 1989 et qui, ce triste jour, doit battre la mesure de ton départ.

Aucune rencontre avec toi n'a été banale. Je me permets, ici, de reprendre tel quel un reportage que j'avais écrit, après une longue entrevue avec toi. On y retrouve ton humanité, tes émotions et ta richesse intellectuelle. J'étais fascinée. Je le suis encore, avec une infinie tristesse à la pensée que tu n'es plus.

 Pierre Dumont
© Archives Le Quotidien

PD 20 mars 1997

CHICOUTIMI (CL) - «Je suis un sculpteur qui fait de la peinture, un peintre qui fait de la musique.  Le sculpteur est très bon, le musicien est moyen et je suis un mauvais peintre.»
Pierre Dumont est un artiste interdisciplinaire qui a besoin de ses multiples disciplines pour trouver équilibre et plaisir.

«Je me tanne vite. Je travaille beaucoup de façon inconsciente. J'écris surtout la nuit, mais après une heure ou deux je me tanne. Je passe à la peinture. Je me tanne. Je viens à la musique.  En fait, j'ai besoin de tout pour vivre.»

Et pas seulement la création.  Pierre Dumont, aime la bonne chère, les bons vins et la convivialité.  Recevoir des amis autour d'une bonne table importe à sa vie, tout autant que l'enseignement qu'il dit adorer.

«J'aime le milieu de l'enseignement.  J'aime le travail d'atelier et les jeunes me passionnent.  Avec eux, je ne ressens pas l'angoisse du tableau blanc.  Ils nous obligent à l'authenticité.  Ils nous font voir que l'on connaît le langage mais pas le sens du langage.»
Originaire de Kénogami, Pierre Dumont est fils d'un ouvrier qu'il décrit comme un artisan original, créatif et patenteux, d'une mère couturière également soucieuse du beau et petit-fils d'un grand-père habile de ses deux mains. Un milieu propice à l'éclosion d' artiste. Son frère Mario travaille pour les films Intrigue de Montréal et s'occupe des effets spéciaux.
À douze ans, il étudie la peinture dans le sous-sol de la résidence de Pierrette Gaudreault, fondatrice de l'Institut des arts au Saguenay. En même temps, il apprend la guitare, autodidacte à la recherche des sons uniques qu'il compose aussi sur le clavier. Il aime les instruments ethniques et se sent particulièrement attiré par les Indes.
« Je n'ai vraiment pas une culture rock nord américaine. J'ai travaillé sept ans avec  Ganesh Annandan, musicien indien (lors du groupe Cizo) et j'étais plus attiré par Ray Charles, par le gospel, par Ravi Shankar et Léo Ferré. »


 

Sa jeunesse est axé sur les arts. Réfugiant sa timidité dans la sécurité du foyer. Il en conserve toujours son côté sauvage et le vit dans la solitude de son atelier. Mais il est devenu plus sociable, par l'enseignement et ses activités dans le milieu des arts. Il est membre fondateur, avec Jean-Pierre Bouchard, du CEM (Centre d'expérimentation musicale) et il préside le Festival des musiques de création.
Lorsqu'il était jeune, Pierre Dumont envisageait de quitter la région. « Je ne voulais surtout pas revenir à Jonquière.  Je rêvais de New York.  Et on m'a offert un poste au Cégep de Jonquière. »

Il a cédé à l'attrait de l'enseignement, sans regret aujourd'hui, et à la tentation de la sécurité que cela apportait, lui donnant une grande liberté pour créer.

« Pour être un artiste, il faut avoir la couenne dure. Après de belles années en 1970, le temps des boîtes à chansons, des galeries (il a participé à la création de la galerie de l'Arche à Jonquière), les artistes de mon âge se sont sentis fatigués, désabusés. »
C'est ce qui expliquerait le creux de la vague qui a marqué les années 1980 dans le domaine de la culture. Heureusement il semble y avoir un mouvement de renaissance. Bien souvent provoqué par le retour des créateurs qui sortent de leur morosité.
 
« Depuis deux ou trois ans, on sent du mouvement. Cela dépend des contextes sociaux. Je pense que plus on est opprimé, coupé, plus on crée, plus on développe d'énergie. Par réaction. Il faut aussi dire que les jeunes reviennent de plus en plus au théâtre, à l'écriture. Le problème, cependant, c'est qu'ils n'ont pas leur place, pas d'argent. C'est à nous de les aider. C'est important de ne pas oublier que cela a été dur pour nous. Ne pas oublier par où on a passé. »

 Œuvre de Pierre Dumont
© Photo Sylvain Dufour

Pour lui, les temps sont plus cléments. Et il se partage sans difficulté entre toutes ses passions, quoiqu'il confie que « peindre et sculpter ça me donne le goût de vivre. La première chose, c'est le plaisir d'entrer dans ton atelier. »

 Il y prépare actuellement une prochaine exposition spectacle, prévue pour janvier 1998. Sa démarche artistique regroupe la musique, l'écriture, la peinture, la sculpture et la photographie. Il sait aussi s'entourer de complices de talent : Lou Babin, Pierre St-Jak et Bernard Bergeron. Avec eux, il a réalisé  La vie silencieuse des pierres. On lui connaît aussi Trou de mémoire. Et il prépare Les porteuses d'Ô et Les tambours d'Ô (installation à la Pulperie de Chicoutimi, où il réalisera aussi son Jardin sonore.

Pierre Dumont compte de nombreuses expositions, plusieurs productions musicales, sur disques, en théâtre et au cinéma et a donné de nombreux spectacles.

 Œuvre de Pierre Dumont
© Photo Sylvain Dufour

« Ma vision de l'art se rapproche inévitablement du rituel. À l'avant-plan se retrouve un lieu, des objets,des rythmes. Une musique, une vision du futur, une bribe de l'histoire. J'ai toujours eu un grand respect pour la nature sauvage, pas celle qu'on apprivoise mais plutôt l'esprit déroutant et caché des êtres et des choses qui par leurs forces témoignent encore de l'origine. »

 Pierre Dumont
Archives Le Quotidien 



 

4 commentaires:

  1. Merci.
    mardi à 19:52
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  2. Oui merci ! moi je l'ai connu d'une autre façon, j'ai suivi l'évolution de sa maladie et quand j'ai vu l'ordonnance de soins palliatifs jeudi dernier, je me suis dit que la vie ce n'était vraiment pas juste...
    mardi à 21:40
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    1. Pas juste, la vie? Elle est d'une justice implacable puisqu'on finit tous par mourir! Et c'est bien fait comme ça...

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  3. Monique Larouche27 mai 2011 à 14 h 51

    J'ai appris la mort de Pierre hier avec une infinie tristesse. Ses oeuvres m'ont toujours touchées jusqu'au fond de l'âme... Je me sens loin de chez-nous aujourd'hui.
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