Guerre : Jean Proulx et Marie Villeneuve
© photo Sylvain Dufour-Le Quotidien
Intense et douloureuse! La nouvelle production des Têtes Heureuses est un véritable moment d’exception. Si riche soit le texte de Lars Norén, il ne peut atteindre cette force sans la puissance du jeu des cinq comédiens.
La première, hier soir, au Petit théâtre du pavillon des arts de l’UQAC, s’est jouée devant un public qui, pendant deux heures, a retenu son souffle, subjugué. Ils n’étaient pas nombreux à ce rendez-vous, à peine 14 spectateurs. Et pourtant, pendant deux heures, chacun a oublié les fauteuils vides tant la scène était tonitruante, même dans les silences.
Guerre
Quelque part dans le temps suspendu à l’absence d’un avenir, quelque part dans un lieu dévasté par la guerre, des rescapés s’affrontent. Une femme, deux très jeunes filles, deux hommes, sur une scène qui divise en deux la salle, comme un fleuve coulant inexorablement d’un point à un autre.
Convaincues de la mort du père, du mari, les trois femmes survivent presque malgré elles. La guerre les a rejoint dans leur chair dévastée, humiliée, affamée. La mère s’accroche à la présence d’Ivan, le frère
qui a échappé au combat en simulant une maladie. La grande sœur pourvoie aux impératifs de la survie en vendant son corps aux envahisseurs. La cadette simule l’enfance pour mieux croire à ses propres chimères. Tout n’est qu’apparence. Un mensonge collectif qu’il faut être aveugle pour en révéler toute la noirceur. Ce que fait le père, surgissant de la tombe imaginaire où chacun l’avait enfoui. Un père aveugle qui revendique sa place, ses droits et sa part d’illusion.
C’est une autre guerre qui commence.
Les interprètes
Étonnante et superbe Marie Villeneuve, dans le rôle de la fillette. Un jeu parfaitement maîtrisé. Un visage éloquent. Elle brûle les planches par sa seule présence. Mais tout aussi remarquable est le jeu de Jean Proulx, ce père rejeté, incompris et incapable de comprendre. Il rend avec mesure l’intensité croissante de sa frustration. Haïssable dans cette injuste colère à l’aveu de sa femme violée. «Si tu avais eu de l’honneur tu te serais donné la mort avant que je rentre.... Tu es une merde.» Méprisable dans sa lubricité à l’idée de sa grande fille devenue femme. Et si pathétique dans cette aveuglement, plus du cœur que des yeux, qui l’isole de toute humanité.
Johanna Lochon campe une Beenina émouvante, forte et faible à la fois, vibrante et si fragile. Sara Moisan est déroutante. Ce rôle difficile de la femme écrasée qui s’entête à relever la tête, à vouloir aimer, à protéger et à tuer parce qu’elle veut vivre malgré la mort . Elle réussi avec brio à maintenir l’équilibre impossible des extrêmes.
Le jeu de Jonathan Boies n’atteint pas la force des autres. Créer Ivan n’est pas simple. Là où les autres arborent des couleurs vives (au figuré) son personnage est une somme de demi-tons. Un lâche et un tendre, un faible et un gourmand, une pièce détachée en déroute qui impose sans doute un jeu plus retenu. Qu’il retient peut-être trop. C’est à lui qu’il revient pourtant de décrire l’indescriptible: «On a vécu si longtemps dans le noir qu’on n’arrive pas à voir la lumière. On ne savait pas si on était vivant ou si on était mort. Alors on peut faire des choses qu’on ne se serait pas cru capables de faire.»
«Guerre» est un théâtre d’acteurs. La démonstration des Têtes Heureuses est d’autant plus éloquente que ses interprètes expriment des émotions sans avoir expérimenté la source de ces blessures racontées par Lars Norén. Oui, un moment d’exception... une fois de plus!
La première, hier soir, au Petit théâtre du pavillon des arts de l’UQAC, s’est jouée devant un public qui, pendant deux heures, a retenu son souffle, subjugué. Ils n’étaient pas nombreux à ce rendez-vous, à peine 14 spectateurs. Et pourtant, pendant deux heures, chacun a oublié les fauteuils vides tant la scène était tonitruante, même dans les silences.
Guerre
Quelque part dans le temps suspendu à l’absence d’un avenir, quelque part dans un lieu dévasté par la guerre, des rescapés s’affrontent. Une femme, deux très jeunes filles, deux hommes, sur une scène qui divise en deux la salle, comme un fleuve coulant inexorablement d’un point à un autre.
Convaincues de la mort du père, du mari, les trois femmes survivent presque malgré elles. La guerre les a rejoint dans leur chair dévastée, humiliée, affamée. La mère s’accroche à la présence d’Ivan, le frère
qui a échappé au combat en simulant une maladie. La grande sœur pourvoie aux impératifs de la survie en vendant son corps aux envahisseurs. La cadette simule l’enfance pour mieux croire à ses propres chimères. Tout n’est qu’apparence. Un mensonge collectif qu’il faut être aveugle pour en révéler toute la noirceur. Ce que fait le père, surgissant de la tombe imaginaire où chacun l’avait enfoui. Un père aveugle qui revendique sa place, ses droits et sa part d’illusion.
C’est une autre guerre qui commence.
Les interprètes
Étonnante et superbe Marie Villeneuve, dans le rôle de la fillette. Un jeu parfaitement maîtrisé. Un visage éloquent. Elle brûle les planches par sa seule présence. Mais tout aussi remarquable est le jeu de Jean Proulx, ce père rejeté, incompris et incapable de comprendre. Il rend avec mesure l’intensité croissante de sa frustration. Haïssable dans cette injuste colère à l’aveu de sa femme violée. «Si tu avais eu de l’honneur tu te serais donné la mort avant que je rentre.... Tu es une merde.» Méprisable dans sa lubricité à l’idée de sa grande fille devenue femme. Et si pathétique dans cette aveuglement, plus du cœur que des yeux, qui l’isole de toute humanité.
Johanna Lochon campe une Beenina émouvante, forte et faible à la fois, vibrante et si fragile. Sara Moisan est déroutante. Ce rôle difficile de la femme écrasée qui s’entête à relever la tête, à vouloir aimer, à protéger et à tuer parce qu’elle veut vivre malgré la mort . Elle réussi avec brio à maintenir l’équilibre impossible des extrêmes.
Le jeu de Jonathan Boies n’atteint pas la force des autres. Créer Ivan n’est pas simple. Là où les autres arborent des couleurs vives (au figuré) son personnage est une somme de demi-tons. Un lâche et un tendre, un faible et un gourmand, une pièce détachée en déroute qui impose sans doute un jeu plus retenu. Qu’il retient peut-être trop. C’est à lui qu’il revient pourtant de décrire l’indescriptible: «On a vécu si longtemps dans le noir qu’on n’arrive pas à voir la lumière. On ne savait pas si on était vivant ou si on était mort. Alors on peut faire des choses qu’on ne se serait pas cru capables de faire.»
«Guerre» est un théâtre d’acteurs. La démonstration des Têtes Heureuses est d’autant plus éloquente que ses interprètes expriment des émotions sans avoir expérimenté la source de ces blessures racontées par Lars Norén. Oui, un moment d’exception... une fois de plus!
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