dimanche 1 juin 2008

Leonard Cohen à Chicoutimi

Leonard Cohen à l'auditorium Dufour de Chicoutimi, le 30 mai 2008
© Le Quotidien. Photo Sylvain Dufour




Le Quotidien

Arts et spectacles, samedi 31 mai 2008, p. 3


Rien de moins que de l'amour
Leonard Cohen envoûte le public saguenéen


CHRISTIANE LAFORGE
claforge@lequotidien.com

CHICOUTIMI - Du jamais vu! Si intense que l’on demeure sans voix, ne trouvant pas le mot pour traduire ce moment d’exception. Un spectacle unique. Un personnage immense. Entre Leonard Cohen et le public ce n’est rien de moins que de l’amour.

Vendredi 30 mai 2008. Occupant la totalité des sièges de l’auditorium Dufour de Chicoutimi, le public vibre avant même l’arrivée des musiciens. Leonard Cohen entre en scène. C’est déjà l’ovation. «Je vous aime» crie quelqu’un. «Moi aussi je vous aime», réplique l’artiste. Si menu dans son costume anthracite, tenant son chapeau contre sa poitrine, saluant gentiment, il a une telle présence que l’on succombe, conquis.

À peine commence-t-il a chanter Dance me to the end of love que s’instaure une certitude : nous ne serons pas déçus. Loin de là.

Sur la scène, entièrement habitée par les nombreux instruments, trois choristes aux voix très belles, six musiciens - et quels musiciens ! Dix artistes en harmonie pour livrer un spectacle mémorable. À l’entracte comme à la fin, les réactions sont délirantes. Plusieurs fois le public se lèvera spontanément pour l’applaudir, manifestant son émotion sous l’impact des mots et son admiration pour la grandeur du poète.

Précédant ses chansons de courts textes qu’il récite en français, du moins au début, le charme de Leonard Cohen réconcilie Molière et Shakespeare, abolissant avec grâce les limites des deux langues. L’effet est impressionnant. Il crée un lien puissant entre lui et son public par le pouvoir de tout ce qu’il exprime à travers les mots et la musique de ses chansons. On peut bien aimer ses disques, cela ne rivalisera jamais avec ce qui se passe là, ce vendredi de mai, sur la scène de l’auditorium Dufour.

À la troisième chanson il demande «Est-ce que je peux parler anglais ?» pour évoquer ses 15 ans d’absence sur scène et prétendre avec humour «qu’il n’y a pas de remède pour l’amour». Jusqu’à la fin, il établit un lien entre ses chansons et ses musiciens, maintenant le rythme sans bavure. C’est impeccable et chaleureux, propice à l’adhésion inconditionnelle aux échos d’une âme sensible, lucide, tourmentée et pourtant amoureuse. «Comme un oiseau sur la branche, je cherche ma liberté» récite-t-il avant de chanter la très émouvante Bird on a wire. Ce qu’il dit, ce qu’il chante n’a de simple que l’apparence. Ses textes, même les plus sombres, sont d’une telle poésie qu’on les reçoit l’esprit ouvert à la confiance qu’il a d’être compris. Et il l’est.

Everybody Knows met en évidence la grande qualité de ses musiciens. La répétition de certaines phrases, comme un mantra, s’appuie sur la musique. Elle en modifie la couleur, en accentue le sens qui se transforme dans le rythme et les intonations. Avec In my secret life on a le sentiment qu’il entre à l’intérieur de la chanson. Ce n’est pas mécanique, ce n’est pas technique. Cela vient de l’intérieur de lui et explose en douceur dans l’oreille de nos cœurs.

De sa voix grave, il crée de la douceur. De sa silhouette il exprime toute la profondeur de sa parole. Puisant dans les succès anciens, risquant des chansons nouvelles, la salle réagit sans cesse et avec force. Lorsqu’il termine la première partie c’est l’ovation. À la seconde l’accueil est vibrant et Suzanne ajoute à la fièvre du public. Hallelujah les éblouit. Democracy les transporte.
Pas question de le laisser partir, la salle scande son retour. Il revient de bon cœur et, trois chansons plus tard, ravira tout le monde en disant: «On n’est pas pressé», avant de continuer.

Difficile d’expliquer ce qui se passe entre cet homme et son public. Une communion. Une reconnaissance. Tout se résume à cet aveu spontané : «Je vous aime» lancé. Moi aussi monsieur Cohen… plus encore, désormais !

Leonard Cohen, si menu dans son costume anthracite, tenant son chapeau,
saluant gentiment, a une telle présence que l'on succombe, conquis.

© Le Quotidien. Photo Sylvain Dufour



Catégorie : Actualités
Sujet(s) uniforme(s) : Musique; Littérature et livres
Taille : Moyen, 478 mots

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3 commentaires:

  1. Bonjour Madame Laforge,
    Je vous envoie un petit mot pour vous mentionner que ça été un véritable plaisir de vous lire samedi matin... Beaucoup d'émotion se dégageait de cet article, et vous avez trouvé les mots pour faire vivre ce spectacle à vos lecteurs.... En mon nom (et celui de mon conjoint) je vous envoie de sincères félicitations.
    Merci!

    Julie Larouche

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  2. Christiane,

    J'y étais. J'aurais voulu écrire ce texte.
    Il traduit exactement ce que j'y ai vécu.
    Un moment de grâce rare et...unique.
    Bravo!
    Christine Martel

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  3. J'ai lu votre excellent article sur le spectacle de Leonard Cohen et je l'ai
    beaucoup apprécié. J'avais fait le voyage de Rimouski spécialement pour ce spectacle et celui du 31 et je n'ai pas été déçue, ça a dépassé toutes mes attentes. Quelles émotions, j'en suis encore toute renversée d'autant plus que j'ai eu la chance extraordinaire de rencontrer M. Cohen vendredi après-midi alors qu'il était simplement étendu au soleil juste derrière les résidences du Cégep où j'avais loué une chambre. Quel homme merveilleux.
    J'ai eu le plaisir de retrouver votre article également sur votre blog avec les belles photos. Je me demandais si c'était possible de retrouver à quelque part la photo qui a paru en page 3 du journal Le Quotidien avec votre article. Je la trouve tout simplement sublime.

    Un gros merci à Chicoutimi, une très belle ville qui occupera une place spéciale dans mon cœur pour toujours.

    Saviez-vous que quelqu'un était venu spécialement de Puerto Rico pour le spectacle? Elle a beaucoup aimé Chicoutimi elle aussi.

    Louise

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