vendredi 17 octobre 2008

La culture, un enjeu politique en 2008




Progrès-dimanche
Arts Édito, dimanche, 12 octobre 2008, p. 52

La culture, une première au débat

Christiane Laforge

Rarement, voire jamais, les arts ont été un enjeu électoral au Canada. Il faudra se souvenir de cette élection d'octobre 2008, alors que la question des subventions au développement, au soutien et à la diffusion internationale de la culture est de toutes les tribunes. Si bonne soit ma mémoire, je ne me souviens pas d'un débat des chefs où il a été question de la culture et des artistes, comme ce fut le cas le 30 septembre dernier. Pourtant, sans distinction d'allégeance, l'incurie de nos gouvernements successifs à l'égard des arts n'a jamais fait défaut.

Outrée

Les organismes et les institutions de la culture sont constamment à se battre pour leur survie, dépensant une énergie folle à défendre leur existence avant de pouvoir songer à investir dans leur développement. Nos écoles aux classes surpeuplées craignent devoir amputer la musique, les arts visuels et le théâtre de leur programme officiel, que les écoles privées assument, à prix raisonnable certes, mais non accessible à toutes les bourses.

Et que dire des artistes, ces écrivains, peintres, sculpteurs, danseurs, musiciens, comédiens, ces créateurs dont le cerveau et le talent sont la matière première d'une industrie engendrant plus de 83 milliards $ de revenus dans notre économie collective? Alors que la grande majorité d'entre eux gagne moins de 20 000 $ par an. Une statistique où il faut tenir compte que la plupart cumulent plusieurs métiers, hors de leur profession artistique, pour subvenir aux besoins de leur famille.

Citoyenne d'une région qui étonne par le nombre incroyable de ses artistes actifs, fille adoptive d'un pays qui résiste à son assimilation, témoin privilégié d'une vitalité culturelle qui a enfanté ses héros reconnus dans le monde, je m'insurge contre les tenants du discours méprisant à l'égard des artistes.

Je suis outrée d'entendre et de lire les propos de ces "échotiers politiques" confondant les quelques "vedettes" dont se délectent les magazines populistes malheureusement populaires et les abonnés métropolitains des émissions de variétés, dites à tort culturelles, avec le créateur d'œuvres d'art, travailleur autonome sans droit au chômage ni à la sécurité d'emploi.

Mépris

Le discours démagogique d'un chef d'état et de ses subordonnés a trouvé échos auprès d'une population qui déverse un bien triste venin sur les forums de toutes les tribunes. Ils ont le temps d'écrire leur opinion dans une totale liberté d'expression. Cette liberté en voie d'être bridée par certains projets de loi, par l'abandon de programmes de soutien et les critères, non-dit ouvertement, en train de s'instaurer pour devenir éligible à une subvention (investissement?).

Pendant que chacun y va de ses qualificatifs lapidaires et injurieux à l'égard des artistes, peut-être devrait-on regarder davantage les faits.

Qui sont les gâtés?

Dénonçant les coupes récentes des subventions dans plus de 13 programmes, les artistes ont été taxés d'être gâtés et profiteurs. Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a annoncé 21 milliards de dollars pour stimuler l'économie canadienne (gens d'affaires, industriels, commerçants, importateurs, exportateurs: gâtés et profiteurs?). Cette mesure représente, d'ici 2009-2010, un avantage d'environ 1,3 milliard de dollars pour le secteur de la fabrication et de la transformation (Gâtés? Profiteurs?). Cela inclut 250 millions de dollars à un fonds d'innovation pour l'industrie de l'automobile (Gâtés? Profiteurs?). On s'inquiète de la Santé, de l'Éducation et du sort des familles monoparentales déclare un ministre. Le gouvernement a prévu 14,7 milliards $ pour la défense nationale.

Sur un budget global de 242 milliards, moins de 1,5% vont à la "culture". Précisons que le ministère du Patrimoine canadien chapeaute la culture, les arts, le patrimoine, les langues officielles, la citoyenneté et la participation, le multiculturalisme et les initiatives liées aux autochtones, à la jeunesse et aux sports.

En 2005, le Patrimoine canadien consacrait 66% de son budget à la culture. Aujourd'hui, la part du budget du ministère du Patrimoine consacrée aux arts et à la culture est de 58%, une diminution de 8%.

© 2008 Progrès-Dimanche.


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