samedi 31 mars 2007

Prendre la parole

Par la fenêtre de mon bureau, j’observe l’absence du printemps de ce 31 mars. Sur le blanc de la neige, mes yeux suivent les traces imaginées de nombreux souvenirs. Il y a une semaine, je chantais l’hymne à la vie... ma vie, tant aimée, tant arrachée. Je suis née à Vielsalm un 24 mars.

Mon printemps est un oiseau aux ailes usées. Les yeux toujours tournés vers le ciel et des élans encore assez puissants pour voler. Mais ce n'est plus un printemps. C'est l'automne. La saison de feu.

Effeuillage doré. Je me dénude et me couvre de souvenirs plus que d'avenir. C'est le dernier jour. On est toujours le dernier jour. Ma conscience en est plus grande, tout simplement.

Tous mes silences sont des mots perdus. J’ai tant vécu ces dernières années! Je n’ai plus envie de me taire. Je veux prendre la parole.

1 commentaire:

  1. Bonjour madame Laforge,
    Comme les cents autres personnes dans votre liste, j'ai bien reçu votre courriel annonçant la naissance de votre blog. C'est une merveilleuse idée. Prendre la parole, c'est communiquer, et communiquer c'est vouloir rencontrer l'autre, partager avec lui, mieux le connaître à travers ses mots. C'est l'essence même d'une société qui se respecte. Votre blog n'est peut-être qu'un petit filet dans l'univers de la communication, mais additionné avec des milliers d'autres, des millions d'autres, ce petit filet devient un fleuve, et un fleuve c'est ce qui fertilise un pays, c'est ce qui donne la vie. Prendre la parole, c'est donc vivre et donner la vie. Bravo pour votre désir de prendre parole et de faire vivre.
    Hier, en écrivant votre note sur prendre la parole, vous contempliez un banc de neige. Moi, depuis hier, je contemple la pluie. Deux jours qu'il pleut à Cannes, que la grisaille a envahi le ciel et étendu sur la région un voile brumeux qui rend la ville fantomatique. Je ne crois pas qu'il y ait au monde une ville, un lieu ou une région qui soit agréable sous le déluge et la grisaille humide et froide. Chose certaine, Cannes et la Côte d'Azur le sont encore moins que tout autre endroit. Ici, c'est le pays du mimosa, de la lavande, des pins parasols, des cigales, des plages, et surtout, du soleil. Cannes est triste sous la pluie, triste et déprimant, et je suis déprimé. Deux jours que je suis scotché devant mon ordinateur, deux jours que je suis incapable d'écrire un seul mot, deux jours que mon esprit refuse de collaborer pour que je puisse continuer ce roman que j'ai commencé il y a quelques semaines. À croire que j'ai besoin du soleil pour écrire. Et pourtant, quand je travaillais et qu'il me fallait voyager dans les différents pays européens dont j'avais la responsabilité, je pouvais écrire partout : dans les transports (métro, train, avion), le soir et même la nuit dans les hôtels, au restaurant en attendant mon invité, durant ces interminables week-ends à Paris où la pluie s'invite et s'incruste. Alors, pourquoi suis-je incapable d'écrire depuis deux jours?
    À bien y réfléchir, je crois avoir trouvé la réponse. Je viens de terminer le nouveau livre d'Emmanuel Carrère "Un Roman Russe". Ce livre m'a laissé pantois, époustouflé. Je savais que Carrère était un grand écrivain. En fait, il est un très grand écrivain, un très très grand, peut-être même l'un des plus grands de notre époque. La qualité de son écriture, son audace pour se mettre à nu devant ses lecteurs, sa quête en Russie pour exorciser le fantôme de ce grand-père dont sa mère, Hélène Carrère d'Encause, n'a jamais voulu parler, tout concourt pour faire de ce roman une oeuvre magistrale. Alors, quand un petit écrivaillon comme moi se remet devant son ordinateur après avoir passé trois jours en compagnie d'Emmanuel Carrère et de son dernier roman, et qu'il relit la soixantaine de pages qu'il a écrites de peine et de misère depuis le début, il se sent tellement misérable qu'il n'ose plus écrire. Quand, en plus, il ne voit que la pluie et la grisaille par la baie vitrée de son appartement, il ne faut pas se surprendre s'il déprime.
    La météo annonce le retour du soleil pour demain. Peut-être retrouverai-je l'inspiration avec l'arrivée du beau temps.
    Quoiqu'il arrive demain, vous écrire ces quelques lignes m'a empêché de rester stérile devant un écran vierge. Cela m'a enlevé une partie de ma frustration. C'est toujours ça de pris pour aujourd'hui.
    Merci pour votre courriel et pour votre blog.
    Bernard Couët

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