mercredi 25 avril 2007

Journée mondiale du livre

Écrivains et droits d’auteurs
Pas besoin des pirates pour être pauvres


La Journée mondiale du livre aura été une occasion propice pour réfléchir sur le sort peu enviable des travailleurs de l’écrit. Respectant la tradition, les libraires offraient une rose à leurs clients. Pendant ce temps, les politiciens offraient des épines avec le cynisme inépuisable de leur gestion d’une politique culturelle réductrice.

Plusieurs écrivains, en effet, sont inquiets quant à l’avenir du Programme du droit de prêt public et à son financement. Ce programme consiste à donner aux écrivains inscrits une forme de rémunération, fort modeste, pour compenser l’utilisation de leurs volumes dans les bibliothèques. Comme la somme globale est partagée au prorata des écrivains, lesquels sont de plus en plus nombreux tout genre confondu, elle devient de plus en plus modeste chaque année, bien souvent en deçà de 1000 $ et moins par année. Les droits du Québec sont encore plus dérisoires, moins de 57$.

Dans une lettre adressée à la ministre du patrimoine canadien Liza Frulla, le président de l’Association des écrivains québécois pour la jeunesse, Inc Comeau, ajoute sa voix à celle des membres de l’Union des écrivains du Québec. Il rappelle à la ministre et à ses fonctionnaires, la situation des auteurs de livres pour la jeunesse. Il donne en exemple un livre dont le prix de vente est de 7,95$, lequel atteindra peut-être les 1500 exemplaires vendus en trois ans, rapportant à son auteur 397$ par année. Parallèlement, l’illustrateur du même volume aura reçu entre 800$ et 1500$.

Redevances

Le programme DPP du Conseil des Arts du Canada existe depuis 1986. Son but est de reconnaître la contribution culturelle des auteurs à la société par leurs ouvrages dans les bibliothèques publiques et universitaires du Canada. La Commission du DPP est formée de onze écrivains, quatre bibliothécaires, deux éditeurs, un représentant de Patrimoine Canada et un représentant du Conseil des Arts du Canada.

De son côté, la Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (COPIBEC) effectue sa distribution de redevances de type forfaitaire sans égard au nombre de copies déclarées. Elle a ainsi remplacé dans ce rôle l'Union des écrivains du Québec (UNEQ) qui s'est occupé du programme de 1983 à 1998. Le fonds est partagé entre plus de 7000 auteurs et quelque 300 éditeurs québécois. Ce montant est constitué des redevances versées par le Gouvernement fédéral de 1994 à 1997, par le ministère de l'Éducation et par les établissements d'enseignement. Il s'agit de redevances non distribuées faute d'ayants droit connus. Les redevances sont partagées entre les auteurs (65 %) et les éditeurs (35 %).

Prêt public gratuit

L’industrie du disque, appuyée par les auteurs compositeurs dénoncent haut et fort le piratage de leurs œuvres via Internet. La captation gratuite des chansons réduit considérablement les revenus des uns et des autres. Et ils ont raison d’alerter l’opinion public face aux conséquences de cette appropriation pirate.

L’industrie du cinéma se protège encore mieux. Un nouveau film ne sera préalablement disponible qu’en salle de cinéma et sa durée sera plus ou moins longue selon sa popularité. Plusieurs mois plus tard, il se retrouvera disponible en DVD ou VHS. Suivront plus tard les autres diffuseurs, soit d’abord la télé à la carte avant d’aboutir en dernier sur les ondes de la télévision gratuite.

Le livre a un tout autre destin. À peine publié, il se retrouve dans les bibliothèques, disponible gratuitement. On ne lui laisse même pas quelques semaines, le temps de profiter de l’impact de sa sortie en librairie, ce qui aurait une incidence positive sur le volume des ventes et donc des droits d’auteurs dévolus à chacun. Des millions de prêts de livre sont ainsi faits au Québec seulement. Bien que les auteurs soient les premiers à promouvoir les bibliothèques publiques, ne pourrait-on pas, comme pour un film, accepter un délai raisonnable à toute nouvelle publication littéraire avant de la rendre accessible à la gratuité, le temps, pour l’auteur, de tirer profit de son labeur ?

L’écrivaine Évelyne Gauthier, dans une lettre adressée à Liza Frulla, écrit: «Selon une étude menée par le ministère de la Culture et des Communications du Québec, 44,4 % des artistes ont des revenus de moins de 20 000 $.» Pire encore, 28% des écrivains gagnent moins de 15 000$ annuellement et 55% moins de 30 000$

Et pourtant! Le rapport de la série Regards statistiques sur les arts de Hill Stratégies, révèle que les dépenses totales au chapitre des livres étaient de 209 millions de dollars, ou 170 $ par ménage ayant acheté des livres (48% des familles) au Québec seulement. Au Canada, en 2001, les Canadiens ont dépensé 1,1 milliard de dollars en achat de livres, 1,2 milliard pour les journaux et autant pour le cinéma; cela représente, par catégorie, plus du double des dépenses consacrées à des événements sportifs qui ont été de 451 millions de dollars.

Art édito
Publié le 24 avril 2005
Progrès-Dimanche

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