dimanche 8 avril 2007

Réflexion sur le sens de l'art

L’art est un marché. Incontournable réalité qui, telle la langue d’Ésope, est à la fois le pire et le meilleur. Notre civilisation où le mercantilisme fait loi, contraint l’artiste à une dépendance pécuniaire s’il veut pratiquer son art. Il doit vendre ses œuvres et les soumettre à la spéculation d’un milieu où la reconnaissance doit plus à la médiatisation et l’efficacité d’une mise en marché qu’au talent. L’un n’excluant pas l’autre heureusement. Il pourra aussi suivre le tracé complexe des bourses d’aide à la création, des séjours en résidence et des cachets versés par les Centres d’artistes autogérés subventionnés quand ils y présentent les fruits de leur démarche artistique.

Qui dit marché, pense argent. Il en est beaucoup question dans nos journaux. Pas d’heureuse manière malheureusement! Vols de tableaux dans les musées, révélation des pillages en temps de guerre, prolifération de faussaires et, dans notre région, soupçon de surévaluation cautionnée par d’impressionnants reçus pour dons. Là n’est pourtant pas le but de mon propos. Pendant que l’on questionne les experts sur les règles d’or de l’évaluation des œuvres d’art, je m’interroge : a-t-on encore une idée sur le sens même de l’art?

«Comment être sûr de la valeur du tableau convoité ?» me demande-t-on souvent. Sans doute, le prix que vous êtes prêt à payer. La grande majorité des personnes achetant une œuvre d’art répond d’abord à des élans du cœur. C’est encore la meilleure raison, celle qui justifie le plus intensément l’investissement consenti. Tout comme les artistes cèdent à cette force jaillissante qui les pousse à s’exprimer par la peinture ou la sculpture. Quand on sait le revenu moyen des créateurs en terre québécoise, on est facilement convaincu qu’ils ne travaillent pas pour l’argent. C’est une pulsion puissante, de tous les temps, dont les grottes célèbres (Lascaux, Altamira, Chauvet) portent les traces avec autant d’éloquence que nos musées.

Les paléontologues pensaient que les premières grottes ornées dataient de 23 000 ans et que les premières fresques peintes n’avaient que 15 000 ans. Dans les années 1990, coup de théâtre à la découverte des grottes de Cosquer (28 000 ans) et Chauvet (33 000 ans). Les scènes peintes évoquent les grandes chasses des âges glaciaires. Bel exemple de l’art témoin, de l’art langage visuel, de l’art sauvegarde d’une réalité sociale de notre humanité.

À travers l’histoire des siècles passés, où les fresques peintes, l’architecture, la sculpture, s’inscrivaient dans une démarche culturelle et sociale publique très riche, on aborde notre propre époque où l’art semble marqué par une individualisme poussé à outrance. Heureusement les musées, les temples et certains lieux publics rendant accessibles à nos yeux de nombreuses œuvres d’art.
Pourtant, il est difficile d’ignorer ce que c’est que de cohabiter avec une peinture, une sculpture. Non pas comme objet de décoration, mais comme présence réelle d’une sensibilité exprimée, dévoilée, incarnée.
Figuratif ou abstrait, ce que voient nos yeux est l’expression d’une personne. La révélation d’une idée, d’une image, d’une émotion dans un langage de formes et de couleurs, dont on éprouve ou non la beauté.

Il importe de se soucier du sens d’une œuvre d’art. Elle nous survit. Elle nous distingue aussi. Art oriental, art occidental, art inu, illustrent nos différences, racontent nos croyances, dévoilent nos obsessions, témoignent de nos choix.

Au-delà du battage médiatique fleurant le scandale avant même d’être confirmé, très discrètement Chantale Hudon, galériste, a souligné, lors du dernier Cercle de presse, un fait bien réel qui mérite réflexion. Notre confrère Daniel Côté cite ses propos dans le Quotidien du 23 novembre, écrivant: «Chantale Hudon regrette que la saisie opérée à Larouche ait fait la les premières pages des journaux, alors que des manifestations artistiques importantes ne bénéficient pas du même traitement.»

Tout comme les arts visuels, les événements prennent leur sens dans le regard qui se pose sur eux!


Art édito
Christiane Laforge
Publié dans le Progrès-Dimanche
26-11-2006

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